Jason Williams, génie inter-galak-tic

Insolent de talent mais jamais All-Star, Jason Williams, 50 ans aujourd'hui, s’est taillé une place de choix dans le coeur des fans NBA.

Jason Williams, génie inter-galak-tic

Grise les !

Jason débarque donc aux Grizzlies et passe d’une équipe en pleine progression, qui vient de passer son premier tour de playoffs en vingt ans et de gagner 55 matches (ce que sous le nom de Kings la franchise n’avait jamais fait), à une équipe désastreuse et détenue par un escroc qui vient de déménager sa franchise à Memphis après avoir promis aux fans de Vancouver qu’il ferait tout pour l’y maintenir. Joie. En six saisons d’une existence terriblement mal commencée par l’affaire Steve Francis (Steve avait carrément refusé d’aller à Vancouver après y avoir été drafté et avait forcé l’organisation à le transférer aux Rockets – ndlr), les Grizz’ n’ont jamais gagné plus de 23 matches.

Entouré à Sacramento par des vétérans respectés et un coach respectable (Rick Adelman), J-Will pouvait se faire recadrer. À Memphis, le voilà essentiellement livré à lui-même, dans une équipe jeune, sans aucun vétéran d’impact et avec un coach au bilan aussi désastreux que celui de la jeune franchise. Heureusement pour lui, le calvaire ne durera qu’une saison. Le temps pour un dirigeant visionnaire (Jerry West) de succéder à un dirigeant borné (Billy Knight) et de remplacer, après huit matches sans victoire au début de la saison 2002-03, un coach dépassé par les événements (Sidney Lowe) par un vieux de la vieille qui les a tous vécus (Hubie Brown).

Tout le monde s’attend à un clash monumental entre ce coach à l’ancienne qui n’a plus dirigé d’équipe depuis seize ans et la nouvelle génération supposée incoachable. Hubie Brown peut-il vraiment coacher l’imprévisible Jason Williams sans que l’un des deux finisse par étrangler l’autre ?

« C’est comme si Aristote coachait Eminem », résume Bill Walton de façon magistrale.

Mais à la surprise générale, le courant passe immédiatement entre le Aristote du pick-and-roll et le Eminem de la passe dans le dos.

« Cette équipe avait besoin d’un gars comme lui », avoue Jason au New York Daily News mi-novembre 2002.

« J’avais besoin d’un gars comme lui. »

Grâce au coaching de Brown, le roi de la prise de risque et des balles perdues se transforme en gestionnaire et va jusqu’à se retrouver dans le Top 5 de la ligue au ratio assists/turnovers. Une vraie métamorphose. Ses passes passent « par le chas d’une aiguille », explique en avril 2004 au mémorable Ira Berkow du New York Times un Shane Battier sidéré, lui qui pourtant n’en est pas à son premier Jason Williams.

On les reçoit « en parfaite position pour tirer. Ta mâchoire en tombe. On se regarde tous et on se demande comment il a fait ça. Quand il fait une de ces passes spectaculaires, c’est parce que c’est le meilleur et le seul moyen de la faire dans ces circonstances, et pas juste pour faire le show, comme je pense qu’il le faisait avant. »

Une analyse que Williams confirme sans hésiter :

« Maintenant, quand je fais quelque chose de dingue, c’est dans le but d’aider l’équipe. »

La bonne nouvelle pour les amoureux de la passe insensée, c’est que son équipe a parfois besoin qu’il défie les lois du réalisable. La mauvaise, c’est qu’aux yeux de la ligue, il n’est plus le jeune prodige blanc et petit auprès duquel le fan (et consommateur) moyen peut s’identifier. Il est désormais associé, justement, au controversé Eminen. L’image que projette Jason Williams n’est pas vraiment celle que veut vendre la ligue.

Ses apparitions dans le Top 10 sont de plus en plus rares, alors qu’entre Pau Gasol et Stromile Swift ce ne sont pas les finisseurs qui manquent à ses passes magiques. Le boycott est d’autant plus déplorable que les Grizzlies progressent à une vitesse hallucinante et gagnent cinquante matches dès la première saison complète de Hubie Brown, ce qui vaut aux deux architectes de ce renouveau (West et Brown) de recevoir, le premier le titre de meilleur dirigeant de l’année, le deuxième celui de meilleur coach, 26 ans après l’avoir gagné pour la première fois.

Pour son coach, Jason peut atteindre « l’échelon le plus haut, où il peut et devrait être avec le talent qui est le sien. Je veux dire All-NBA. »

Ce ne sera malheureusement jamais le cas.

Player for life

Son talent a beau être immense, il manque un je ne sais quoi à White Chocolate pour franchir le palier qui le sépare des meilleurs joueurs à son poste. Une certaine emprise sur le jeu. Lui qui pourrait facilement tourner à 18 points et plus de 10 passes par match se contente d’une douzaine de points et d’une demi-douzaine de passes, avec une adresse douteuse et une tendance à disparaître légèrement en playoffs.

Memphis finit par l’envoyer, dans un trade à cinq équipes, à Miami où, ironiquement, il s’impose comme le meneur titulaire des futurs champions NBA. Les Kings attendent toujours leur titre…

Le reste de sa carrière NBA est sans grand intérêt, si ce n’est le plaisir de le revoir, vieillissant, mais toujours capable de planter des tirs soyeux, à Orlando en 2009-10. Sa carrière de joueur, elle, ne finira jamais. Sa passion contagieuse pour le basket ne donne aucun signe d’affaiblissement, même si une sale blessure a privé la jeune génération de la chance de le voir jouer contre le légendaire Mahmud Abdul-Rauf dans la ligue de 3 contre 3 d’Ice Cube cet été.

« Jason Williams adore jouer au basket », confiait Hubie Brown à l’époque où il le coachait.

« C’est toujours le premier dans le gymnase. On le voit faire des 3X3 avec quelques jeunes avant l’entraînement, en faisant ses tours de passe-passe. Il est aussi talentueux avec le ballon et en mouvement que l’était Pistol Pete Maravich. Et même s’il est adroit, il est loin de prendre autant de tirs que Maravich. »

Rien de tout ça n’a changé. Comme Jamal Crawford, J-Will est le genre de gars qui semble toujours être là quand un match s’improvise dans un gymnase, où qu’il soit. Dans chacun de ces gymnases, deux choses sont certaines : la première, c’est que la facilité déconcertante avec laquelle il est encore capable de placer des crossovers assassins, de planter des tirs à trois-points à neuf mètres et de régaler ses partenaires comme il régalait autrefois Chris Webber ou Pau Gasol en fera l’attraction dont personne ne sera capable de détourner son attention.

La deuxième, c’est que des joueurs de l’âge de sa progéniture sauront exactement qui est l‘artiste génial en train de se produire gracieusement sous leurs yeux. Et qu’ils se seront tous déplacé au moins une fois une côte en tentant sa passe avec le coude…

Jason Williams

Meneur/1,85 m
Equipes : Marshall, Florida, Sacramento Kings, Memphis Grizzlies, Miami Heat, Orlando Magic
Draft : sélectionné en 7ème position par les Kings en 1998
Stats en carrière : 10,5 pts à 39,8%, 2,3 rbds, 5,9 pds, 1,2 steal et 2,1 bps

Cet article sur Jason Williams est extrait de REVERSE #64