Talent fâché
La meilleure façon de cacher quelque chose, c’est souvent de l’exhiber aux yeux de tous. Malgré sa progression au lycée et ses très belles perfs durant ses deux saisons à Arizona State, les scouts préféraient ignorer ses qualités évidentes pour souligner ses défauts : pas assez athlétique, pas suffisamment bon défenseur, bon passeur mais de façon trop peu orthodoxe pour être meneur… Même si OKC a vu juste en allant le chercher en numéro trois de la draft 2009 devant des gars comme Tyreke Evans, Ricky Rubio ou Stephen Curry (tiens donc…), c’était dans l’idée d’en faire un joueur de complément du duo Kevin Durant-Russell Westbrook, pas un franchise-player. Même après qu’il a dépassé leurs espérances en devenant (de très loin) le meilleur 6ème homme de la ligue, le Thunder ne réalisait toujours pas jusqu’où il pouvait grimper. Un comble pour une équipe qui s’est longtemps targuée de compenser la petitesse de son marché par le fait d’avoir toujours un coup d’avance sur le reste de la NBA. Bill Simmons, le patron surcafféiné de Grantland n’en démord toujours pas trois ans après les faits. Pour lui, le trade de James Harden n’est rien moins que « l’une des plus grosses erreurs de tous les temps » ! Il fait une telle fixation sur cette histoire que même Kevin Durant a dû lui dire de lâcher l’affaire par twitter :Pourtant, « Bill don’t lie ! », aurait raison de hurler Rasheed Wallace. OKC avait l’occasion d’associer sur le long terme trois des six meilleurs joueurs de la planète (et accessoirement trois des scoreurs les plus injouables), tous au sommet de leur art. Vous pouvez vous taper « Le Big 3 pour les nuls » dans tous les sens jusqu’à le connaître par cœur, aucune équipe n’a jamais réussi une telle prouesse. Mais ce qui rend vraiment dingue, c’est que ce n’est pas pour un problème de compatibilité, de jeu ou d’humeur, que Sam Presti a décidé de laisser Barbouille rejoindre le Texas en échange de Kevin Martin, Jeremy Lamb et de deux premiers tours de draft (aka Steven Adams et Mitch McGary), mais pour une triviale histoire d’argent : 6 « petits » millions de dollars. En langage NBA, de l’argent de poche… D’ailleurs, même la prolongation de 60 millions sur quatre ans que lui ont offerte les Rockets est aujourd’hui une vaste blague, vu son niveau et l’explosion du prochain salary cap. Et celui qui se fend le plus la gueule dans tout ça, c’est le GM de Houston. Wesh Morey ! On comprend qu’après le premier match – et le premier carton – de son poulain sous ses nouvelles couleurs (37 pions face aux Pistons), il se soit fendu d’un magnifique « That’s why we fucking got this guy ! ».@BillSimmons just let it go!
— Kevin Durant (@KDTrey5) 5 avril 2015
« James rend tout plus facile », Donatas MotiejunasEn sous-évaluant ses capacités et sa cote, en pensant que, sur le long terme, il serait plus facilement remplaçable que Kendrick Perkins ou Serge Ibaka et, surtout, en lui fixant un ultimatum, OKC a eu tout faux. Pourtant, personne n’était mieux placé pour cerner à la fois son potentiel et sa personnalité. Sa disparition en finale 2012 face au Heat a peut-être coûté le titre à Oklahoma City, mais ce qu’il a accompli depuis aurait pu lui permettre de bâtir une dynastie.
« Je ne suis pas du genre à prendre des décisions hâtives. J’ai dû me décider trop vite, bien trop vite », raconte Harden.Il n’a peut-être pas le premier pas le plus vif de la ligue, mais une fois qu’il est parti, pas facile de l’arrêter. L’énorme bourde du Thunder et apparue au grand jour dès la première semaine de la saison 2012-2013 : 35,3 points, 5 rebonds et 6,3 passes en moyenne sur ses trois premiers matches en rouge et jaune. Deux ans plus tard, non seulement ce type de ligne est quasiment devenue la norme, mais en plus l’animal continue de progresser. Là encore, on pourrait se tromper sur son compte. Ses eurosteps chaloupés et ses embardées dans la raquette n’ont pas pour but de faire crier les fans, mais de le mettre en position de prendre ou de créer les tirs les plus efficaces et pertinents pour sa team et pour lui. Vous le voyez venir gros comme une maison, pas vrai ? Lay-ups, lancers, triplés. JH n’est pas seulement l’un des deux meilleurs scoreurs de la ligue, il est tout simplement celui qui génère le plus de points : plus de 44 par match si l’on compte les siens et ceux inscrits grâce à ses assists. Ce n’est pas un mec de systèmes, ce mec EST le système. Même si leurs styles et leur pilosité sont totalement différentes, il y a du Steve Nash époque Phoenix en lui.
« James rend tout plus facile », acquiesce Donatas Motiejunas.Le big man balte est bien placé pour en parler vu la façon dont il a pu briller sans que personne ne se rende compte que les parties dans lesquelles Dwight Howard a le plus cartonné cette saison, c’était à Candy Crush.
Le principal argument des pro-James Harden pour le trophée de MVP de la saison est d’ailleurs celui-ci : il n’est pas seulement l’un des tout meilleurs joueurs de la ligue, il est celui qui s’est montré le plus indispensable à sa team. Voilà qui a du sens, tant il pèse sur chacun des compartiments du jeu. On a bien dit chacun, ce qui implique la défense. Le bonhomme a beau avoir toujours l’air imperturbable avec son regard de Droopy mal réveillé (sauf quand il fait mine de faire bouillir la marmite après une grosse action), il n’en reste pas moins un mec de la génération réseaux sociaux. Et visiblement, il a fini par en avoir assez de servir de « meme ambulant » et de munition à compilations YouTube pour sa défense putride. Dans ce secteur, son effet viral sur Facebook et Twitter était digne d’Ebola. Même avec une barbe aussi longue, impossible de se voiler la face. Il a d’ailleurs avoué depuis qu’il avait carrément fait une croix sur la défense à son arrivée dans le Texas. Mais cette année, il s’est fait violence pour arrêter de passer pour une ballerine et faire taire jusqu’aux derniers ricanements. Difficile désormais d’aller lui chercher des noises. Le trade de James Harden régale les internets