Jamaal Magloire, qui fête ses 45 ans aujourd'hui, n’était pas un grand joueur NBA. S’il avait fait du karaté, il aurait été ceinture orange, au max. Mais, comme le veut l’adage, quand on fait 2,11 m, qu’on arrive à courir et mâcher son chewing-gum en même temps, on peut facilement conclure sur un malentendu et faire carrière dans le basket.
La première incompréhension date de la fin de sa saison junior à Kentucky. Magloire s’est présenté à la draft pensant qu’il allait être sélectionné… avant de rapidement retirer son nom de la liste et retourner une dernière année à UK, dont il détient toujours le record de contres. Ce serait pourtant une autre erreur de croire qu’il était un contreur d’exception. Il est simplement resté très longtemps à la fac et a obtenu cette distinction « à l’usure ». Les vraies stars se barrent maintenant au bout d’une saison et se foutent des records universitaires.
Un an plus tard, il se fait malgré tout sélectionner par les Hornets, lors de la draft la plus faible de l’histoire, au premier tour en 19ème position. Cette position, c’est le ventre mou de la draft. Mais il devient millionnaire et comprend vite qu’en étant au bon endroit au bon moment, on peut parvenir à ses fins.
Le jour de (Ma)gloire est arrivé
Durant sa troisième année dans la ligue, il devient titulaire et joue 30 minutes par match, principalement parce que New Orleans n’a personne d’autre sur le banc (son remplaçant est un Elden Campbell de 34 ans). Ses stats en 2002-03 sont honnêtes (10 pts à 48%, 8,8 rbds et 1,4 ctr), l’équipe finit avec un bilan de 47-35 sous la houlette de Paul Silas et les proprios pensent avoir leur duo du futur avec Baron Davis et lui.
Le reste du 5 est composé de joueurs de 30 ans et plus (David Wesley, Jamal Mashburn, P.J. Brown). Sans autre star en vue, les proprios décident d’offrir à Magloire une extension de 25 millions sur trois ans. En 2003-04, alors qu’il est encore sur son contrat rookie, il fait passer ses patrons pour des génies. Il fait grimper ses moyennes à 13 pts (47%), 10 rbds, 1,2 ctr, rentre 75% de ses lancer-francs (record perso) et ne manque pas un match.
Contre toute attente, il est même sélectionné pour le All-Star Game ! Le vote des pivots à l’Est cette année-là : 1-Ben Wallace, 2-Alonzo Mourning, 3-Jamal Magloire, 4- Eddy Curry (oui, oui). Magloire, qui ne sait pas si une telle occasion se représentera un jour, se donne à fond et joue ce match avec l’intensité d’un Game 7 (respect à lui !). Sur un malentendu, il sait que tout peut arriver. Au bout de trois quart-temps, alors que le public tétanisé commence à se demander s’il ne va pas finir MVP, cette scène aurait eu lieu en coulisses (ou pas):
- Adam Silver : « Monsieur Stern, Jamaal Magloire est à 19 points et 8 rebonds en 22 minutes. »
- David Stern : « Qui ? »
- Adam Silver : « Jamaal Magloire ! »
- David Stern : « Mais qu’est-ce qu’il fout ici ? »
- Adam Silver : « Conférence Est. »
- David Stern : « Humm, OK. Au prochain temps-mort, dites à Flip Saunders de donner carte blanche au gros Shaq. Les journalistes adorent quand il fait le con. »
Flip s’exécute et Shaq termine MVP in extremis (24 pts, 11 rbds, 1 pd, 2 ctrs et 2 steals) mais la NBA n’est pas passée loin de voir un inconnu du grand public élu meilleur joueur de son match des étoiles. En tout cas, Jamaal a tellement donné sur ce coup-là… qu’il ne lui restait presque plus rien pour finir sa carrière. D’ailleurs dès la saison suivante, juste au moment où il commence à toucher son gros contrat, il se blesse et manque 59 matches.
« Euh, Jamaal, tu joues pas là ? »
- « Non, pas là. »
Les Hornets s’en débarrassent en quatrième vitesse et il se met à faire le tour de la ligue. Après une année presque décente aux Bucks (sa dernière comme titulaire), il visite Portland, puis pose ses valises à New Jersey, traverse Dallas avant de passer trois ans au soleil de Miami et de finalement rentrer au bercail, à Toronto.
Il n’a plus rien à faire sur les parquets mais il est le seul joueur NBA natif de T-Dot. Il est à ce jour toujours employé par les Raptors en tant qu’assistant coach en charge du développement et ambassadeur de l’équipe auprès de la communauté. Pour les événements sérieux, on envoie Drake. Pour le reste, Jamaal est missionné pour serrer des louches et prendre des photos avec des petits Canadiens qui rêvent de NBA. Ténacité, intelligence et résilience. Jamaal possède ses trois qualités et pour ça il mérite notre respect. Et puis de toute façon, comme dirait Jean-Claude Dusse, à force de persévérer, on finit toujours par conclure.