John Welch n'est pas le coach le plus connu du paysage NBA, mais il a l'un des CV les plus impressionnants depuis qu'il y est entré il y a 20 ans, après avoir fait ses classes auprès du mythique Jerry Tarkanian à Fresno State. L'ancien membre des Grizzlies (avec Hubie Brown et Jerry West), des Nuggets (avec George Karl), des Kings (à nouveau avec Karl) et dernièrement des Clippers avant de prendre un poste au Mexique, participe au programme Jr. NBA Coaches Online ce dimanche 24 avril. A cette occasion, il a eu la gentillesse d'évoquer avec nous sa carrière, l'évolution du coaching et de la NBA ces dernières années, mais aussi son histoire avec Evan Fournier à l'époque des Nuggets.
Le programme Jr. NBA Coaches - Online présenté par Gatorade® est hébergé sur OWQLO et propose 12 sessions virtuelles en direct de février à septembre pour les utilisateurs de l'application âgés de 16 ans et plus en France. La prochaine session avec l'ancien assistant coach NBA John Welch aura lieu le dimanche 24 avril. Pour plus d'informations, visitez owqlo.com, gatorade.com et @NBAFRANCE sur Facebook et Twitter et @NBAEurope sur Instagram.
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BasketSession : John, tu as été joueur sous les ordres du légendaire Jerry Tarkanian à UNLV, puis été son assistant à Fresno State pendant 7 ans. C'est un grand nom du coaching mondial, mais il est un peu moins connu du grand public international, qu'est-ce que tu as appris à ses côtés et à quel point est-ce qu'il a influencé le coach que tu es devenu ?
John Welch : Je pense que Jerry Tarkanian est le coach le plus sous-coté de l'histoire. Défensivement, c'est le meilleur de tous les temps pour moi. Ce que je respecte le plus chez un grand coach, c'est la faculté à rester humble et c'est ce qu'il a réussi à faire. Il pouvait se trouver au milieu d'une pièce avec six autres coaches et leur poser des questions pour continuer de s'améliorer. Certaines personnes considéraient qu'il n'était pas très intelligent. C'est tout le contraire. Il était constamment en train de s'inspirer des autres et d'agir comme s'il découvrait le basket. En 1985, quand j'ai été transféré là-bas, il avait 55 ans. Son assistant, l'un des coaches les plus respectés de l'époque, avait à peu près le même âge et leur tandem est ce que j'ai vu de mieux. Sur la période où j'ai travaillé avec eux, alors qu'ils avaient déjà un certain âge, ils ont constamment évolué et progressé. Quand je suis arrivé là-bas, je pensais que UNLV était la meilleure équipe défensive du pays. Ils avaient gagné une longue série de matches. Puis je les ai vu devenir la meilleure attaque du pays. Cela te montre que tu peux constamment progresser. A mon âge, je continue d'essayer de m'améliorer et d'apprendre de nouvelles choses. C'est ce que j'ai le plus retenu de Jerry Tarkanian.
Tu as été assistant-coach en NBA ces 20 dernières années pour ainsi dire. A quel point cette fonction est-elle importante à tes yeux dans la ligue et est-ce un poste sous-estimé ?
A l'époque, j'étais 4e assistant à Memphis, avec Hubie Brown en coach. Il y avait quatre assistants. Aujourd'hui, quand tu regardes, il y a 12 assistants, des spécialistes du développement... Tout le monde est devenu spécialiste et c'est incroyable. Je lisais récemment un article où KD parlait de l'évolution du jeu et du fait qu'il y avait deux assistants dans son équipe qui étaient uniquement chargés de préparer des schémas offensifs. Il y a des coordinateurs défensifs. Chez les Clippers, c'était comme ça. C'est incroyablement précieux d'avoir un staff aussi profond et compétent. Les meilleurs équipes, à Miami, Golden State ou ailleurs, le sont parce qu'elles ont rendu leurs joueurs meilleurs grâce à leurs staffs. C'est aussi leur staff qui les aide à repérer les joueurs pour la Draft. On dit souvent qu'il n'y a pas vraiment de coaching en NBA. Mais il y en a quand même pas mal. C'est du coaching très individualisé, technique ou en vidéo, mais du coaching quand même.
Les stars NBA d'aujourd'hui bénéficient aussi sans doute de cet accent mis sur le coaching et le développement.
Les superstars de cette génération aiment le basket et aiment travailler leur art. Le temps que passent Kevin Durant, Giannis Antetokounmpo et les autres, pour se perfectionner, est incroyable. Luka Doncic est pareil, on peut sentir la passion chez lui. Le travail qu'ils effectuent leur permettent de s'adapter aux situations en match et d'y répondre. Chris Paul continue de progresser à son âge parce qu'il travaille et c'est le cas d'autres joueurs de sa génération. L'éthique de travail de LeBron et des autres est insensée, même s'ils profitent de meilleurs moyens mis à leur disposition. Les gens ne réalisent pas le temps que prennent ces joueurs pour chérir leur corps et leur arsenal technique. La NBA et ses fans ont de la chance d'avoir des représentants comme Stephen Curry, Nikola Jokic et les autres. C'est tout simplement incroyable tout ce qu'ils sont capables de faire.
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En 2013, tu faisais partie du staff de Jason Kidd, qui venait tout juste de prendre sa retraite et avait été nomme head-coach des Nets, avec un effectif où figuraient des grands noms comme Paul Pierce, Kevin Garnett, Deron Williams ou Joe Johnson. Comment as-tu vécu cette mission d'aider un coach rookie, même s'il s'agissait d'un futur membre du Hall of Fame, à composer avec cette situation très particulière ?
J'ai vraiment pris beaucoup de plaisir cette année-là. J'adore Jason. Il avait déjà un énorme feeling pour le jeu et savait sentir les joueurs aussi. C'est sa force encore aujourd'hui. Il sent quand les joueurs vont bien ou non. Il sait aussi lire le jeu, trois actions en avance, et s'adapter en conséquence. Ty Lue fait un peu pareil. Ce sont des gars avec un grand QI basket et en qui les joueurs se reconnaissent.
Tu as eu Evan Fournier à Denver, alors qu'il venait d'arriver en NBA. Quel souvenir gardes-tu de lui ?
Après l'avoir signé, on avait prévu de le renvoyer en France. Il est venu me voir en me suppliant : 'Coach, ne me renvoyez pas chez moi. Je n'ai pas accès aux mêmes choses en France, je ne pourrai pas devenir meilleur. Laissez-moi rester ici et travailler à la salle. On a donc eu une réunion à son sujet et j'ai demandé à ce qu'il reste avec nous. Je m'occuperai de lui et le ferai travailler. Evan était là tout le temps et avant chaque match il prenait 100 tirs à 3 points. Il ne s'arrêtait jamais de travailler. Il était en quête de la moindre opportunité pour s'entraîner et prendre des shoots. Quand on cherche vraiment les opportunités, on les trouve. J'adore Evan. J'ai aussi eu Yakhouba Diawara à Denver, j'ai voyagé en France pour travailler avec lui. Jérôme Moïso aussi. On a travaillé ensemble à Los Angeles. Jérôme était si talentueux... Il y a quelque chose qui ne s'apprend pas, c'est l'impact physique. Avec tout le talent qu'il avait déjà, j'ai essayé de l'aider à être plus physique, à aimer le contact et devenir plus bestial. Il n'a pas eu la carrière qu'il aurait pu avoir. Mais je dis toujours que si tu n'as pas eu la carrière que tu aurais pu avoir parce que tu es trop gentil, ce n'est pas un problème. C'est une bonne raison et c'est une superbe personne.
En termes de transmission et de passage de témoin aux jeunes coaches, tu es bien placé puisque ton fils Riley est graduate assistant à Kentucky. Comment se passe votre relation depuis qu'il a emprunté cette voie ?
Je coache au Mexique en ce moment et il est mon coordinateur vidéo. A vrai dire, c'est même moi qui lui demande des conseils. On parle beaucoup et il me rassure beaucoup alors que l'on a perdu quelques matches. Ce n'est plus rare de voir un père et son fils coacher ensemble ou en tout cas qu'un fils emprunte la même voie. Riley a la chance d'être dans le staff d'un coach comme John Calipari. Apprendre de lui est précieux. L'équipe est exposée, médiatisée et je suis tellement heureux qu'il puisse vivre ça et se faire cette expérience. Là-bas il aide au développement des joueurs. Le basket universitaire a changé aussi par rapport à mon époque. Les joueurs de Kentucky vivent à quelques mètres de la salle et passent leur temps à travailler. Là-bas, ils sont mis dans les meilleures conditions pour progresser. On tend à se rapprocher de la NBA avec du coaching spécialisés et individualisé.
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De plus en plus de joueurs européens et étrangers vont directement en NBA, là où d'autres préfèrent faire leurs gammes en Europe. Quelle est la meilleure voie pour être prêt à survivre dans la NBA d'aujourd'hui ?
Les deux situations peuvent être bonnes. Prends un Luka Doncic. Evidemment qu'il est prêt à jouer directement en NBA sans rester davantage en Europe. Mais en règle générale, je crois qu'il est bon de rester à l'étranger et de progresser. Tu progresses avant tout en jouant. Les gens ne savent pas certaines choses. Quand un joueur arrive en NBA, il sait qu'il ne va peut-être pas beaucoup jouer. Ce qu'il ne sait pas, par contre, c'est qu'il n'aura pas non plus beaucoup l'occasion de s'entraîner. Si tu es le 12e, 13e ou 14e homme de l'équipe, tu ne participes même pas aux cinq contre cinq à l'entraînement et tu ne profites d'aucune répétition de jeu pour progresser. Tu ne joues pas en match, comment veux-tu progresser ? Tu auras droit à l'attention des gens en charge du player development qui joueront un peu avec toi avant ou après les matches, mais tu n'affrontes pas de vrais joueurs NBA ! Jouer à haut niveau en Europe est une meilleure option.
Les analytics ont pris une place importante dans la manière de former les équipes et de les coacher. Quelle importance y accordes-tu et qu'est-ce qui te paraît le plus intéressant à exploiter ?
Il y a tellement d'informations en NBA aujourd'hui... J'essaye toujours de trouver ce qui est pertinent et applicable. Les chiffres restent des chiffres. Quand on affronte une équipe, on sait exactement ce qu'elle représente en termes de préférences et d'adresse dans la peinture, à mi-distance et à 3 points, mais aussi le nombre de points par possession. Deux choses entraînent un plus grand nombre de points par possession. A l'ancienne, c'était le renversement de jeu d'un côté à l'autre et le redoublement de passes. Aujourd'hui, les tirs avec le plus fort pourcentage de réussite sont ceux effectués avec 5 passes maximum, mais ça reste un calcul irrégulier. Le meilleur moyen de scorer, c'est de prendre des tirs à fort pourcentage de réussite. Tu dois rechercher les lay-up et les tirs à 3 points dans le corner. Le mid-range n'est pas très efficace. Ces 20 dernières années, cinq joueurs seulement ont shooté à 50% à mi-distance. Quand tu as un élément exceptionnel dans ton équipe, comme Chris Paul ou Kevin Durant, tu peux modifier la donne. Mais si tu n'as pas ce joueur, tu dois viser ces tirs-là. Les 10 dernières années ont montré cette tendance. Cibler la peinture est essentiel aussi. Que ce soit sur des drives ou en recherchant à toucher un joueur sur pick and roll. Quand le ballon ne passe pas par la raquette à un moment dans la circulation, le pourcentage de réussite est moins élevé, c'est prouvé. La circulation de balle autour du périmètre qui était à la mode à l'époque n'a pas d'effets très positifs dans la NBA d'aujourd'hui. Il faut attaquer la raquette ou y passer pour trouver et exploiter le côté faible de l'équipe adverse. Savoir quand tenter le lay-up et quand lâcher la balle vers le côté faible est très difficile. C'est un aspect complexe à maîtriser que les coaches essaient de transmettre aux joueurs d'aujourd'hui.
Qu'apportent des programmes comme le Jr NBA Coaches Online ?
Pour que le jeu et les joueurs progressent, il faut que les coaches deviennent meilleurs. Et dans ce sens, le fait d'avoir à disposition des programmes comme le Jr NBA Coaches Online auquel je participe est très précieux. Aujourd'hui, tout est à la disposition des coaches ou de ceux qui veulent le devenir. Si tu veux devenir meilleur, les informations sont là. Toutes les manières de jouer et celle que le futur coach à envie d'épouser, sont en ligne. On n'avait pas ça à l'époque. Seulement des bouquins copieux qu'il fallait ingurgiter ou des cassettes. On devait suivre le courant de pensée d'un mentor. Là, tu peux regarder les méthodes de Jerry Tarkanian, les systèmes de Tom Izzo avec Michigan State, de Jay Wright avec Villanova etc... J'essaye d'abord de faire comprendre à ceux qui vont suivre le programme qu'on ne peut être bon dans ce que l'on fait que si on l'aime et que l'on s'y dévoue pleinement. C'est une base fondamentale.
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