Brittni Donaldson n'a que 28 ans mais déjà un CV épatant. La jeune femme avec laquelle on a eu la chance de discuter a été data analyst, puis assistante-coach de Nick Nurse chez les Toronto Raptors, avant de s'occuper de l'équipe de G-League des Raptors 905. Elle participe cette année au programme Jr. NBA Coaches pour partager son vécu. En plein mois international des droits de la femme, il était important de mettre en avant le regard et les convictions de Brittni en tant que coach, mais aussi en tant que femme.
BasketSession : Brittni, tu as été analyste, puis assistante chez les Raptors et les Raptors 905 à seulement 26 ans, avec une participation au titre de 2019. Comment est-ce que tu es parvenue à en arriver là et à réussir autant de choses en si peu de temps ?
Brittni Donaldson : C'est drôle, mais je n'avais jamais imaginé travailler pour une franchise NBA ou en NBA tout court. Ce n'était pas une option visible. Il n'y avait pas de gens comme moi dans ces rôles-là. J'ai eu la chance de rencontrer des gens très ouverts d'esprit qui ont vu quelque chose en moi et m'ont donné l'opportunité de mettre un pied là-dedans. Sans l'aide d'autres personnes, je n'aurais pas pu réaliser que c'était possible. Je suis arrivée par une porte dérobée, via les statistiques, j'étais analyste data et pas coach. J'ai joué au haut niveau universitaire (en D1 NCAA avec Northern Iowa, NDLR) mais j'ai dû prendre de l'expérience où j'ai pu, acquérir des outils pour pouvoir profiter de ces opportunités.
Je suis fière d'avoir fait partie des Raptors à un moment où il y avait 10 autres femmes dans des staffs NBA et je sais que le nombre est grandissant. J'étais là l'année du titre, c'est un accomplissement incroyable. Je ressens beaucoup de fierté d'avoir pu faire quelque chose que je n'aurais jamais cru être en mesure de faire, en restant authentique et en créant des relations fortes. Ce qu'on m'a donné à ce moment-là, je suis heureuse de pouvoir le rendre à des jeunes via ce programme Jr. NBA. Le basket a tellement impacté ma vie...
Il faut commencer à faire la transition entre le fait de célébrer l'embauche de femmes dans des staffs et celui de faire en sorte qu'elles y restent, avec une vraie opportunité de grimper dans la hiérarchie
De plus en plus de femmes travaillent dans des staffs et des franchises NBA, mais on n'a toujours pas vu de femme au poste de head coach. Même Becky Hammon, avec son CV, n'a pas pu y accéder et est partie coacher en WNBA. On n'entend pas non plus beaucoup parler d'entretiens d'embauche pour des femmes sur ce poste précis...
Brittni Donaldson : Je suis heureuse que tu me parles de ça. Il y a de plus en plus de femmes dans les staffs, c'est vrai. J'ai pu voir de l'intérieur comment ça se passait en NBA et il y a des femmes dans chaque secteur de la ligue, que ce soit dans les médias, le domaine de la prépa physique, l'alimentation, etc... Le coaching staff et le poste de head coach, c'est ce qu'il y a de plus visible et je pense qu'il faut commencer à faire la transition entre le fait de célébrer l'embauche de femmes dans des staffs et celui de faire en sorte qu'elles y restent durablement avec une vraie opportunité de grimper dans la hiérarchie.
On a beaucoup progressé en matière d'équité et d'inclusion, mais comme tu l'as dit, il y a encore beaucoup de travail. Quand on parle d'égalité en termes d'opportunités, il faut se demander ce que cela veut dire réellement. Est-ce que l'on donne réellement à ces femmes la même chance d'accéder aux postes à responsabilités ? Et si ce n'est pas le cas, comment y remédier ? L'inclusion doit être quelque chose d'intentionnel et cela ne fonctionne pas uniquement pour les femmes, mais pour les personnes de couleur et tous les groupes marginalisés.
Voir cette publication sur Instagram
Est-ce que tu te rends compte que tu es sans doute un modèle pour plein de femmes qui espèrent atteindre les mêmes objectifs que toi ?
Brittni Donaldson : J'essaye de ne pas trop y penser parce que c'est une pression, mais je pense que c'est important que des gens comme moi soient visibles. C'est pour ça que j'aime avoir des discussions comme celle-ci. Je veux montrer aux femmes qu'elles peuvent y arriver et être respectées. Je suis consciente de ma chance et je ne prends pas ma situation comme acquise. Il y a eu des femmes avant moi qui m'ont permis d'en arriver là et elles ont toute ma gratitude.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les femmes sont assez présentes dans des rôles que le grand public ne voit pas forcément mais qui sont cruciaux dans le développement de la ligue. Je voudrais qu'on mette un peu plus la lumière sur ces femmes-là car elles n'en ont pas beaucoup. Les femmes doivent voir, à terme, qu'il y a tout un tas d'opportunités différentes pour elles dans le monde du sport et pas uniquement comme athlètes ou coaches. Les sports US doivent trouver le moyen de rendre tous les jobs plus accessibles aux femmes et aux groupes marginalisés. La diversité est un atout. Regardez chez les franchises qui marchent le mieux. Elles ont toutes des groupes de gens très variés.
Quand on voit d'autres sports, on peut se dire que le basket a fait du plutôt bon travail et s'est monté plus progressiste. Aux Etats-Unis, on voit maintenant que ça bouge au niveau du baseball et du football américain. Pour que cela marche réellement, les décisionnaires doivent être convaincus qu'ils font le bon choix en embauchant une femme comme head coach. Sans ça, le paradigme ne changera pas.
Les stats sont un peu utilisées comme des objets cools et brillants qu'on agite sous les yeux de ceux qui les consultent, mais elles ont surtout vocation à nous aider à prendre de meilleures décisions
Tu as débuté comme analyste dans le domaine des statistiques. A quel point penses-tu qu'un coach doive maîtriser le sujet pour exercer au plus haut niveau aujourd'hui ?
Brittni Donaldson : Je pense que l'on va dans une direction où ceux qui ont une compréhension des stats, des données et de leur utilité dans la prise de décisions, ont un avantage sur les autres coaches. D'ici 5 à 10 ans, absolument tous les coaches auront un niveau basique ou élevé de maîtrise des informations statistiques. Il y a souvent une dichotomie entre les "gens du terrain" et "les gens de la stat". Il se trouve que je suis un peu un cocktail des deux. Je pense que l'on verra de plus en plus de personnes capables de maîtriser les deux aspects. Les statisticiens peuvent aider les tacticiens et vice versa. Il y aura des coaches multi-facettes.
Comment est-ce qu'on peut expliquer l'intérêt des analytics à quelqu'un de récalcitrant ? Est-ce qu'il y a une stat avancée qui te plaît particulièrement quand tu suis un match ?
Brittni Donaldson : L'intérêt de la data, c'est de comprendre ce qu'il se passe en utilisant des échantillons statistiques pertinents. En tant qu'êtres humains, on a tous des partis pris et des préjugés. Celui que l'on voit le plus, c'est celui qui consiste à donner le plus d'importance ce qui est arrivé le plus récemment. L'intérêt des stats, pour moi, c'est d'aider à se recentrer sur le contexte, quel que soit l'aspect du jeu dont on parle.
Les stats ne te disent pas toujours pourquoi quelque chose s'est produit. Elles te montrent ce qui s'est produit, le résultat. C'est là qu'il faut avoir l'expertise du terrain pour les utiliser. Les stats sont un peu utilisées comme des objets cools et brillants qu'on agite sous les yeux de ceux qui les consultent, mais elles ont surtout vocation à nous aider à prendre de meilleures décisions.
Pour ce qui est de la statistique qui me paraît la plus importante, c'est extrêmement difficile de répondre à ça parce que je les regarde toujours comme un ensemble et cela dépend des gens. C'est sans doute une réponse un peu ennuyeuse pour toi, désolée (rires).
Quid de la vidéo et de son utilisation aujourd'hui dans le coaching ? Tu conseillerais à des jeunes athlètes de s'en servir ?
Brittni Donaldson : La meilleure manière d'apprendre c'est de sortir et d'aller sur le terrain pour s'entraîner. Ce que je conseille quand même aux jeunes athlètes, c'est de se filmer lors de leurs sessions individuelles et de trouver quelqu'un de qualifié pour les aider à analyser ce qu'ils ont fait sur le plan technique. On peut encore faire plus dans l'utilisation et le décryptage des vidéos d'entraînement. On est dans une phase d'expérimentation par rapport à ce qui marche et ce qui ne marche pas en ce qui concerne le coaching à distance. Je n'ai moi-même pas encore fait beaucoup de sessions "virtuelles", mais j'ai prévu d'en parler avec des gens qui en ont fait davantage pour m'aider à voir ce qui peut être utile.
Tu es de l'Iowa, born and raised, du coup je voulais te parler d'une fille de ton état : Caitlin Clark. C'est un phénomène à la fac. Est-ce qu'elle est capable selon toi de faire grandir la popularité du basket féminin à l'avenir ?
Brittni Donaldson : Mec, Caitlin a du ballon (rires) ! Elle a été éliminée du Tournoi NCAA avec Iowa, malheureusement, et je ne l'ai pas encore énormément vue, mais j'en ai vu assez pour savoir qu'elle est spéciale. Elle fait des trucs à la Stephen Curry sur le terrain. Des choses que l'on ne voyait pas souvent dans le basket féminin. On voit de plus en plus ces choses-là chez les filles aujourd'hui !
Le sport féminin était déjà populaire, mais avec les efforts qui sont faits pour le développer et l'arrivée de joueuses comme Caitlin , cela va énormément aider à le faire décoller encore plus. Je suis hyper excitée à l'idée de voir comment va se passer la suite pour elle. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'on la verra jouer en WNBA. En attendant, elle est déjà un modèle pour les jeunes filles et les jeunes garçons qui vont s'entraîner à faire les mêmes moves qu'elle. J'ai vraiment hâte de voir où elle en sera dans quelques années.
Quelles sont les femmes qui t'ont servi de modèles, que ce soit au basket ou ailleurs ?
Brittni Donaldson : Je vais faire une réponse un peu cliché : ma mère ! C'est la réalité. Ma mère et ma grand-mère, même. J'ai grandi dans un foyer où elles faisaient tout, de l'entretien de la maison, à leur boulot, tout en jouant dans des ligues amateurs... Elles brisaient déjà des normes sociétales et n'acceptaient pas ce que la société pensait être bon pour elles. Très jeune, j'ai pu croire que tout était possible pour moi parce que je l'ai vu dans ma propre maison. Les femmes faisaient des choses que l'on disait réservées aux hommes. C'est un but pour moi d'être visible pour les jeunes filles et les jeunes garçons, pour qu'ils comprennent que les femmes ont les capacités et le pouvoir de faire ce qu'elles veulent.
Le programme Jr. NBA Coaches - Online présenté par Gatorade® est hébergé sur OWQLO et propose 12 sessions virtuels en direct de février à septembre pour les utilisateurs de l'application âgés de 16 ans et plus en France. La prochaine session avec l'ancienne assistante coach NBA Brittni Donaldson aura lieu le dimanche 27 mars. Pour plus d'informations, visitez owqlo.com, gatorade.