Ceux qui ont suivi le foot au début de l’été s’étaient sûrement déjà fait une entorse des neurones en essayant d’imaginer les tableaux des huitièmes de finale, avec le passage à 24 équipes et la question des meilleurs troisièmes de groupe. Dans ce groupe B des Jeux Olympiques 2016, niveau cassage de crâne on n’est pas non plus en reste. Dernière journée, TOUT LE MONDE peut se qualifier. AUCUNE place n’est fixée. TOUT LE MONDE excepté la Lituanie peut se manger les Ricains dès les quarts de finale. À 19h15, lancement du 'Groupe B Fury Road' avec Nigéria-Brésil. Objectif : accrocher la 4 ème place pour prolonger le plaisir d’au moins un tour - sachant qu’après c’est Team USA et sauf cataclysme cosmique ça ne passera pas. Même en cas de victoire, la qualif n’est pas assurée. Le Brésil compterait sur une défaite de l’Espagne tandis que le Nigéria priera pour une victoire de la Lituanie. Clôture du festival, Lituanie-Croatie à 3h30. Pour le peuple descendant d’Arvydas Sabonis, victoire = 1er spot, défaite = 3ème spot. Pour la Croatie, ce sera une nébuleuse de scénarios mais une victoire lui assurerait l’une des deux premières place, tandis qu’une défaite contre la Lituanie précédée d’une victoire du Nigéria un peu plus tôt la renverrait à la maison. Et enfin au milieu des deux, minuit, avalanche de coeurs dans les yeux : Argentine-Espagne.
"Deux des meilleures équipes de la décennie"
Alors là, c’est carrément le carrefour des possibilités. L’Argentine est pour le moment en tête du groupe, déjà qualifiée, mais peut encore atterrir à n’importe quelle place à l’issue de la rencontre. La Roja peut également viser différents points de chute. En cas de victoire ce sera la deuxième place, en cas de défaite, selon les différents résultats de la soirée elle pourra se retrouver soit 3ème, 4ème soit… éliminée. En effet, si le Brésil l’emporte quelques heures plus tôt, la Roja n’aura absolument pas le droit à l’erreur. Ou pourra espérer au pire que les organisateurs s’emmêlent aussi dans ce sac de noeuds. Mais si cette rencontre cristallise la plupart des attentions, c’est bien parce que ce sont ici deux dynasties du basket du XXIème siècle qui vont s’entrechoquer.
"(Nous sommes) deux des meilleures équipes de la dernière décennie, certainement" constate Manu Ginobili pour Yahoo Sport. « Des 15 dernières années même. »
El Manu voit juste. Il y a maintenant 10 et 12 ans, la Roja et l’Albiceleste furent les deux seules nations avec la Yougoslavie, à avoir privé les USA de la breloque en or sur une compétition internationale depuis le sacre olympique en 2000 à Sydney. L’Argentine s’était octroyé la plus haute marche du podium aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, en sortant en demi-finale une équipe américaine en pleine débâcle, battue trois fois sur la compétition. Lors de la coupe du monde 2006, l’Espagne n’avait pas eu à jouer les Américains, défaits par la Grèce en demie mais avait lancé sa grande domination par une médaille d’or au Japon. Depuis, le socle de ces deux équipes n’a pas bougé, de l’expérience, du savoir-faire, un QI basket très au-dessus de la moyenne, un collectif réglé comme du papier à musique, et même largement ce qu’il faut de vice pour faire dérailler un adversaire mentalement.
« Nous sommes plus ou moins dans la même situation » observe Jose Calderon. « On se dit toujours ‘Oh ça y est, c’est leur dernier tournoi’ et ils (l’Argentine) jouent toujours. Ils jouent encore et toujours sans s’arrêter. Et comme je dis, je pense que tant que vous ne nous voyez pas définitivement éliminés, il faut continuer à jouer et donner tout ce qu’on a. »
« L’Espagne est supposée être l’une des meilleures équipes de la compétition et ils devront pourtant se confronter à une élimination si nous les battons », expliquait le capitaine ciel et blanc Luis Scola. « Probablement personne ne s’attendait à ça. Ils sont fournis en talent et ils pensaient sûrement - nous pensions tous - qu’ils concourraient pour décrocher une médaille, ce que je pense qu’ils sont toujours en mesure de faire. »
Old but gold
D’un côté comme de l’autre, on a parfois cru que le chant du cygne était proche, pour finalement ranger notre langue dans la poche. L’Espagne ‘vieillissante et amoindrie’ a vu son Pau Gasol national buriner l’équipe de France à Lille l’an dernier pour s’adjuger un troisième Euro depuis 2009. L’Argentine, dont les cadres Manu Ginobili, Luis Scola, et autres Andrés Nocioni et Carlos Delfino, déjà médaillés d’or en 2004, fêteront bientôt leur 124 ans. Ils ont pourtant prouvé à Rio qu’ils faisaient toujours partie des plus redoutables équipes du basket mondial. Capable même de nous offrir l'un - si ce n'est le - des plus beaux matches de basket du tournoi en piégeant le Brésil dans un finish fabuleux et une salle en fusion. Et même l’Espagne, sacrément bousculée pour ses trois premiers matches, battue à deux reprises, a finalement désossé la Lituanie de 50 points, histoire de rappeler à tout le monde que quand les barbus habillés en rouge se fâchent, ce n'est jamais bon à prendre. Mais les années passent quand même, et malgré la classe de ces immenses joueurs, les Jeux de Tokyo devraient accueillir des sélections largement transfigurées, passation de pouvoir oblige.
« J’ai 36 ans » déclarait justement Luis Scola. « C’est ma quatrième campagne olympique. Je n’aurais jamais cru jouer si longtemps et j’en profite pleinement. Ce sera probablement ma dernière. J’essaierai d’aller jusqu’aux 40, mais je n’y parviendrai sans doute pas. »
Ce qui renforce le caractère mythique de la rencontre de ce soir. Deux formations dominantes, au basket technique, emprunté d’anciens ou d’actuels joueurs NBA, qui sont les produits de qui s’est fait de mieux dans le basket international depuis le démantèlement de la Yougoslavie. Seuls bémols envisageables, une Argentine potentiellement un poil relâchée par la certitude de la qualification, mais qui aurait tout intérêt à ne pas l'être vu la menace USA dès les quarts en cas de scénario défavorable. Et si l'Espagne venait à s'adjuger la deuxième place du groupe, ce serait les retrouvailles ultimes aves l'équipe de France et alors là... Il faudra surveiller la frontière à l'issue du match.