Gregg Popovich est indéniablement l’un des plus grands coaches All-Time. Cinq fois champion avec les San Antonio Spurs, entraîneur le plus victorieux de l’histoire de la NBA, lui et sa dynastie ont tout gagné. Mais en dehors des parquets, Pop est un personnage tout aussi impressionnant.
Très proche de ses joueurs, on le décrit comme une présence paternelle dans le vestiaire des Spurs. Mais face aux médias, il tient à préserver sa vie privée. Il n’aime pas particulièrement les interviews et préfère garder certaines choses pour lui. Nous connaissons donc Gregg Popovich, le coach, mais rares sont ceux qui le connaissent réellement en tant que personne.
Ken Rodriguez, du San Antonio Report, a passé deux mois à creuser le sujet. Et comme on aurait pu s’y attendre, il en ressort que Popovich est l’une des personnalités les plus généreuses de la ligue.
Gregg Popovich, grand philanthrope
L’entraîneur tient à garder ses actes de philanthropie pour lui. Son entourage respecte cette décision et refuse de divulguer ce que lui-même ne rendrait pas public. Mais cela n’empêche pas certains dirigeants d’associations de raconter comment la légende du basket américain les a aidés.
Si lui ne veut pas s’étaler sur le sujet, l’engagement de Gregg Popovich parle pour lui-même. Depuis deux décennies, il fait partie du conseil de la Banque Alimentaire de San Antonio. L’agglomération de plus de 1,5 million d’habitants est la grande ville la plus défavorisée des États-Unis.
Le coach des Spurs travaille donc avec Eric Cooper, le président de la Banque Alimentaire, pour lever des fonds et établir des stratégies pour nourrir les plus démunis. Il contribue également à la cause, avec des dons de nourriture et financiers.
"Des millions de dollars ont été levés grâce à son leadership et son engagement. Mais il aime garder ça privé. […] Il est bien meilleur pour faire des compliments que pour en recevoir", témoigne Cooper.
Au pic de la pandémie de COVID-19, Popovich a utilisé le temps libéré par la mise en pause de la saison pour aider les sans-abris. Haven for Hope, un campus qui héberge et nourrit 1500 personnes par jour, a alors reçu son soutien personnel et financier. Un moment que les bénévoles ne sont pas près d’oublier.
"Ce n’était pas qu’une seule fois. C’était chaque semaine pendant près de six semaines. Il a aidés financièrement notre équipe et a financé des évènements pour eux. Il leur a parlé de leadership pendant un appel d’une heure et les a remerciés pour ce qu’ils faisaient. Et il leur a fait savoir à quel point ils étaient importants pour San Antonio. C’était incroyable", se remémore Kim Jefferies, la présidente de l’association.
Meredith Kennedy, directrice du Réseau Innocence, garde elle aussi un souvenir impérissable de Gregg Popovich. Elle se rappelle encore de ses larmes, en 2017, lors d’une conférence du Projet Innocence, un groupe qui lutte pour prouver l’innocence de personnes condamnées pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.
Touché par l’histoire d’anciens détenus innocentés, le coach des Spurs a décidé d’ajouter sa pierre à l’édifice. Après avoir rencontré certains d’entre eux, il les a invités à des matches à San Antonio. L’occasion pour le Projet Innocence de discuter avec l’équipe, à l’initiative de l’entraîneur.
Depuis, Pop renouvelle son engagement à cette cause année après année. Lors d’une levée de fond le 4 mai 2022, Popovich a notamment fait un don d’un million de dollars à l’organisation.
"Il a enregistré des messages d’intérêt public pour la Journée contre les condamnations injustifiées du Réseau Innocence chaque année depuis 2017. Il a été extrêmement généreux, avec ses ressources personnelles comme avec son temps", raconte Kennedy.
Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Lorsque d’énormes tempêtes ont frappé les Îles Vierges, territoire natal de Tim Duncan, le coach est intervenu immédiatement. Quand une organisation haïtienne en avait besoin, il a levé des fonds nécessaires pour la soutenir.
Tout cela sans que l’on en entende vraiment parler. Ce serait sans doute un beau moyen de se mettre en avant et de soigner son image, mais les actes de Gregg Popovich sont désintéressés. S’il aide les autres, c’est avant tout par pur altruisme.
Des pourboires de renommée nationale
La grande générosité du coach des Spurs est bien connue du milieu de la restauration. En 2006, après avoir éliminé les Kings en playoffs, il a invité toute l’équipe dans un restaurant italien.
Garth Hogdon, qui y travaillait ce jour-là, se souvient que Popovich avait payé le repas et des vins onéreux à tout le monde. Le sommelier ne se rappelle pas du montant de l’addition, mais n’oubliera sans doute jamais le pourboire de 50 %.
"Il a beaucoup acheté et il a partagé avec nous pour que l’on puisse aussi vivre l’expérience. On parle souvent de lui dans le monde des sommeliers comme quelqu’un de généreux, de gentil et qui adore le vin", précise Hogdon.
Sur les réseaux sociaux, il est également arrivé que l’on partage des signes de la grande générosité de l’entraîneur. Sur Twitter, en 2017, la photo d’une addition sur laquelle on voit que Pop a laissé un pourboire de 5000 dollars dans un restaurant de Memphis. Un geste presque habituel pour lui.
Dans tous les États-Unis, les serveurs semblent savoir que Popovich a le cœur sur la main. Justin Gonzalez, qui travaillait dans un restaurant de fruits de mer à San Antonio, se souvient que la venue de Popovich provoquait parfois de petites querelles entre les employés. De même dans le Steakhouse de Stacie Hilt, où tout le monde voulait s’occuper de lui. C’est compréhensible, dans la mesure où il lui est arrivé de donner de généreux pourboires pour un simple "bonjour".
"Les serveurs se disputaient. Ils disaient : ‘Oh non, c’est moi qui apporte ça à Pop’, ‘non, c’est moi’. Parce qu’ils savaient ce qui les attendait. Pop donnait 100 $ au voiturier qui garait sa voiture, 100 $ au barman. Il m’a donné 100 $ pour lui avoir dit bonjour. On avait l’impression qu’il avait plein de billets de 100 $ dans sa poche", raconte Hilt.
De petits gestes qui en disent beaucoup
Aux Spurs, les anciens joueurs, assistants et general managers de Pop ont été les premiers à bénéficier de sa gentillesse. Pour Mike Brown, qui a passé trois saisons sur le banc de San Antonio, sa générosité "n’a pas d’égal" parmi les coaches de la ligue.
Par exemple, Brown se souvient que Popovich invitait tous les membres de l’organisation au restaurant. Qu’il soit avec une star, un remplaçant ou un assistant, une chose ne changeait jamais. À la fin, l’addition était pour lui.
Parmi les moments que le nouveau coach des Kings garde en mémoire : la fois où Pop a acheté un SUV à un stagiaire. Le jeune homme conduisait à l’époque une vieille voiture. Si vieille que ses collègues s’inquiétaient de savoir "s’il arriverait au centre d’entraînement depuis chez son domicile, qui était probablement à cinq minutes", précise Brown. Au final, il a terminé son stage avec une Nissan Pathfinder, cadeau du coach.
À chaque fois que l’équipe organise un évènement caritatif, Gregg Popovich met la main au porte-monnaie. En 2013, il a acheté un 4x4 à 62 500 dollars lors d’une levée de fond, avant de le donner à une œuvre de charité. Mais ce soir-là, Sean Elliott, ancien champion NBA avec les Spurs, n’était pas surpris.
"Il a fait ça un paquet de fois. Je sais qu’il a donné une tonne d’argent à des gens. Il a sauvé tant de gens dans des situations difficiles dont vous n’avez jamais entendu parler. Et les gens n’ont aucune idée de tout l’argent qu’il a donné à la communauté de San Antonio. Ce serait ahurissant si les gens savaient", affirme Elliott.
Chad Forcier, assistant coach des Spurs entre 2007 et 2016, a lui aussi des histoires à raconter. Notamment celle d’une nuit particulièrement froide lors de laquelle il rentrait avec Popovich et d’autres assistants d’une soirée au restaurant.
Dans la rue sombre qui menait à leur hôtel, un sans-abri était allongé sur le sol gelé. Tandis que les assistants ont continué à avancer, Popovich a ralenti et retiré sa veste, avant d’y glisser une liasse de billets et de l’offrir au sans-abri.
"Connaissant Pop, c’était une quantité importante d’argent, qu’il a mise dans sa veste en cuir avant de la draper sur l’homme. Il ne voulait pas que l’on remarque ce qu’il était en train de faire. Mais quand il a enlevé sa veste, il ne lui restait plus que sa chemise. Et nous avions encore quatre ou cinq blocks à parcourir", raconte-t-il.
Ce geste, Forcier ne l’a jamais oublié. À ce moment, il a été saisi d’un immense respect pour la compassion du légendaire coach. C’est sans doute un sentiment partagé par le membre de l’organisation pour qui il a payé un voyage au brésil, ou les centaines d’enfants auxquels il a offert des chaussures de sport.
On parle souvent de "l’école Popovich" et de son impact sur le jeu. Mais son héritage ne s’arrête pas là. À son départ des Spurs pour Atlanta, Mike Budenholzer a lui aussi commencé à travailler pour la Banque Alimentaire avec Eric Cooper. Aux Hawks, il a participé à la création de "Assists for Hunger". Il s’est engagé à donner 15 $ pour chaque passe décisive que feraient ses joueurs.
Plus tard, il a fini par faire un don de 100 000 dollars, au-delà du montant promis, et a lancé le même programme aux Bucks. À Milwaukee, Budenholzer a levé plus de 500 000 $ pour un programme du Wisconsin, qui a permis d’offrir plus de 2 millions de repas à des gens dans le besoin.
À San Antonio, Gregg Popovich ne sera pas oublié. Sa dynastie, ses titres et son immense impact sur le basket en font l’un des plus grands coaches de l’histoire. Mais il se tient toujours aussi grand en dehors des parquets. Sans un bruit, il a laissé une marque indélébile sur la vie de milliers de personnes.
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