Salade, tomates, oignons à vie
Il est finalement resté assez simple. Pas besoin de l’agitation des villes mondes où se mêlent toutes les tentations. Il aime Milwaukee et son atmosphère plus calme. Il ne va pas en boîte de nuit. Il lit des bouquins. C’est un mec familial qui vit avec sa copine, ses petits frères, mais aussi sa mère, veuve depuis la mort du paternel en septembre dernier. Tous dans le même appartement ou le même complexe immobilier. Une manière de reproduire ce cadre qui lui était si précieux à Athènes. Cette atmosphère de camaraderie avec ceux qu’il aime. Et quand il n’est pas avec eux, il est à la salle. Cet accro du boulot peut y passer jusqu’à dix heures par jour pendant l’été ! Dix heures. Par jour. « Putain ! » [caption id="attachment_402621" align="alignnone" width="1400"] La détermination de Giannis Antetokounmpo est tout simplement herculéenne.[/caption] La représentation humaine de l’expression « vivre à la salle d’entraînement ». Musculation le matin, séance basket l’après-midi, vidéos et exercices individuels le soir. Une préparation méticuleuse, pour ne pas dire maniaque. Un pur mode de vie. Une philosophie tellement poussée qu’elle rappelle celle d’une autre légende NBA. Le roi avant le King. Kobe Bryant, alias le Black Mamba. Le quintuple champion a justement validé le « Greek Freak ». Il le classe parmi ses rares vrais disciples dans la ligue. Ils ne sont que deux selon lui. Giannis, donc, et Kyrie Irving. Les deux superstars seraient les seules à posséder en eux cet instinct si particulier. « La ‘‘Mamba Mentality’’, ce n’est pas juste une attitude. C’est une façon de vivre. Il ne s’agit pas d’avoir de la bravoure. C’est quelque chose de beaucoup plus simple, à savoir essayer de devenir meilleur chaque jour », expliquait Bryant début novembre. « Vous voyez constamment les progrès dans le jeu de ces deux-là. Et c’est ça, la ‘‘Mamba Mentality’’. » Avant le coup d’envoi de la saison, « Vino » s’amusait à distribuer les challenges auprès de différentes célébrités dans le cadre d’une campagne pour Nike sur Twitter. Le joueur NFL Richard Sherman a par exemple eu pour mission de battre le record d’interceptions de sa franchise, les Seahawks de Seattle, sur une saison. Le rappeur Kendrick Lamar et son label devaient révolutionner le programme musical d’un lycée. Les joueurs NBA n’étaient pas en reste. Isaiah Thomas, blessé à la hanche, a été mis au défi d’accrocher le meilleur cinq de la ligue en fin de saison (spoiler : c’est mal barré). Kobe a aussi proposé à DeMar DeRozan, originaire de Compton, de renouer des liens avec un ancien ami, perdu de vue, de son quartier populaire. Giannis Antetokounmpo n’était pas au programme. Mais en grand compétiteur, il a lui-même réclamé son challenge. Bryant s’est exécuté et il a mis la barre très haut, bien plus que pour les autres personnalités citées.« Sois élu MVP. »
Le trophée individuel ultime pour tout basketteur qui aspire à dominer son sport. Antetokounmpo a pris le défi au pied de la lettre.« C’est l’un de mes objectifs. Je sais que je vais être l’un des joueurs les plus dominants. Mais je dois m’assurer que mon équipe gagne et que mes coéquipiers progressent. C’est un sacré challenge. Mais c’est un but que je me suis fixé après notre dernier match de playoffs contre Toronto, l’an dernier. Je veux être MVP cette saison. »
C’est exactement avec cet état d’esprit qu’il a attaqué le nouvel exercice. Avec le désir de tout écraser sur son passage, de propulser Milwaukee dans le même temps et de rafler la distinction. 37 points pour assommer Boston dès son premier match. Puis 34 dans la truffe de LeBron et Cleveland. 44, son nouveau record en carrière, contre Portland lors du troisième match. Deux autres pointes à 40 pions un peu plus tard, à chaque fois contre les deux ténors de la Conférence Est, Cavaliers et Celtics. Il a démarré extrêmement fort. Avec à chaque fois son lot de blocks et de dunks spectaculaires, mais surtout des actions décisives dans les moments chauds.« Il a l’instinct du tueur, il l’a déjà prouvé », martelait son Hall-Of-Famer de coach Jason Kidd après le premier game winner de Giannis en cours de saison dernière.
Son sens de la gagne, il continue de le cultiver. Hors de question de reculer devant la pression. Son shoot a beau être encore en chantier – et c’est l’un des prochains aspects qu’il va devoir faire évoluer pour carrément prétendre à une place parmi les plus grands de l’Histoire –, il est déjà capable de donner la victoire à son équipe. Exemple lors du match contre les Trail Blazers. Les Bucks étaient menés d’un point (110-109) à quinze secondes du buzzer. Et ils n’avaient même pas la gonfle. Ils se dirigeaient donc tout droit vers la défaite. Plutôt que de demander à ses hommes de faire faute et d’envoyer un joueur de Portland sur la ligne des lancers-francs, Kidd a préféré leur faire confiance. Ils ont défendu fort. Surtout Giannis Antetokounmpo. Il est venu gêner C.J. McCollum tout en finissant par dévier la balle, avec ses longues tentacules, sur l’un des dribbles de la star adverse. Ni une, ni deux. Il a foncé de l’autre côté du terrain. Le niquage des Blazers c’est tout droit, y’a pas mille routes. Cinq pas plus loin, il dunkait toute sa rage de vaincre. Onze secondes restantes et avantage Milwaukee. Sur la dernière possession, il a aspiré toute l’âme de la Bosnie en contrant méchamment l’ultime tentative de layup de Jusuf Nurkic.« Ça, c’est pour papa », lâchait le héros de la partie en hommage à Charles Antetokounmpo, décédé un mois auparavant à 54 ans.
Ce sang congelé dans le money time, cette envie de rouler fort sur tout le monde, c’est du Kobe tout craché.Sa carrière sera incroyable
Ce n’est pas sa seule similitude avec l’icône des Los Angeles Lakers. Comme Bryant en son temps, Giannis Antetokounmpo n’est pas particulièrement proche de ses coéquipiers. Il ne mène pas une vie extra-sportive trépidante. Il préfère les petits plats de sa maman à ceux des restaurants et les dîners familiaux aux repas entre coéquipiers.« A chaque fois que nous sommes sortis entre nous, nous avons pris un blowout le lendemain », confiait même celui qui est présenté comme « un introverti » par son camarade Brogdon.
Se pose alors la question du leadership. Impossible de prétendre au rang d’empereur sans être un vrai général de guerre. Il ne s’est d’ailleurs pas toujours comporté comme tel. En janvier 2016, il y a presque deux ans, Jabari Parker, d’ordinaire discret, s’en prenait à son coéquipier. Il lui reprochait notamment son attitude désinvolte à l’entraînement. Antetokounmpo était laissé sur le banc pendant de longues périodes par Jason Kidd lors de la rencontre suivante. A la même époque, Zach Lowe rapportait que certains des joueurs des Bucks étaient lassés de voir la star montante monopoliser la gonfle et penser d’abord à sa pomme. Il ressortait la balle, mais uniquement pour envoyer des passes casse-croûtes une fois qu’il était déjà en l’air avec plusieurs défenseurs sur lui. Pas exactement l’attitude attendue d’un chef d’armée. Mais de la même manière qu’il a progressé sur le terrain, développant un tir de plus en plus fiable à mi-distance, apprenant à lire mieux le jeu et donc à moins dribbler, il a aussi évolué pour devenir un meilleur guide. Il a pris conscience de la tâche qui lui était réservée en tant qu’aspirant au trône.« J’ai appris que c’était dur de devenir un leader. C’est dur de mener des hommes plus âgés que vous quand vous êtes jeunes. Je parle de plus en plus sur le terrain. »
Parler, ce n’est pas toujours son point fort. Il cherche donc d’abord à montrer l’exemple. En étant le premier à l’entraînement et en dominant dans le jeu. Laisser ses qualités s’exprimer pour lui une fois sur le parquet.« Il est devenu un leader », promet le légendaire Gregg Popovich.
« Il sait ce dont il est capable et il joue pour vous détruire. »
En ne disant rien, il a tout dit. Être introverti et peu bavard n’est de toute façon pas complètement incompatible avec la fonction. Tim Duncan en est la preuve. Michael Jordan n’était sans doute pas non plus celui qui tenait les longs discours d’avant-match dans le vestiaire de Chicago à la grande époque des Bulls.« Il a tous les ingrédients d’une méga-star », assure son coéquipier Jason Terry. « Le talent, l’éthique de travail et l’humilité. »
Kevin Durant est même allé encore plus loin avant le coup d’envoi de la saison.« C’est une force. Je n’ai jamais vu ça. S’il le veut vraiment, il peut devenir le meilleur joueur de tous les temps. »
Waouh. Fermez-les yeux un instant. Inspiration. Expiration. Maintenant, réalisez deux secondes la portée de cette image. Giannis. Antetokounmpo. Meilleur. Joueur. De tous les temps. « Putain ! »A lire aussi sur Giannis Antetokounmpo
- Kobe avait défié Giannis d’être MVP, voilà son nouveau challenge
- En larmes, Giannis donne un speech de MVP mémorable
- NBA Awards : Giannis MVP, Gobert fait le doublé
- Giannis ne veut pas de recrues, juste la même équipe
Les stats en carrière de Giannis Antetokounmpo
Season | Age | G | GS | MP | FG% | 3P% | 2P% | FT% | TRB | AST | STL | BLK | TOV | PTS |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2013-14 | 19 | 77 | 23 | 24.6 | .414 | .347 | .440 | .683 | 4.4 | 1.9 | 0.8 | 0.8 | 1.6 | 6.8 |
2014-15 | 20 | 81 | 71 | 31.4 | .491 | .159 | .511 | .741 | 6.7 | 2.6 | 0.9 | 1.0 | 2.1 | 12.7 |
2015-16 | 21 | 80 | 79 | 35.3 | .506 | .257 | .537 | .724 | 7.7 | 4.3 | 1.2 | 1.4 | 2.6 | 16.9 |
2016-17 | 22 | 80 | 80 | 35.6 | .521 | .272 | .563 | .770 | 8.8 | 5.4 | 1.6 | 1.9 | 2.9 | 22.9 |
2017-18 | 23 | 75 | 75 | 36.7 | .529 | .307 | .554 | .760 | 10.0 | 4.8 | 1.5 | 1.4 | 3.0 | 26.9 |
2018-19 | 24 | 72 | 72 | 32.8 | .578 | .256 | .641 | .729 | 12.5 | 5.9 | 1.3 | 1.5 | 3.7 | 27.7 |
Career | 465 | 400 | 32.7 | .521 | .277 | .557 | .742 | 8.3 | 4.1 | 1.2 | 1.3 | 2.6 | 18.8 |