Vice-champion olympique aux Jeux olympiques de Sydney en 2000, Fred Weis est un personnage important du basket français. À travers "Jusque-là, ça va", son autobiographie aux Éditions Amphora, le pivot raconte les temps forts de sa carrière. Mais, au-delà du sport, il y raconte surtout sa vie et les épreuves qu’il a traversées, notamment avec son fils Enzo.
À l’occasion de la sortie du livre, on a pu discuter avec lui du processus d’écriture, mais aussi de son parcours en général. Aussi bien sur les parquets qu’en dehors.
BasketSession : Fred, comment est venue l’idée de faire une biographie ? Peux-tu décrire le processus de création avec ton co-auteur, Geoffrey Charpille ?
Fred Weis : Moi, ça fait très longtemps que ça me travaille. Enfin, ça fait au moins trois ou quatre ans que j’aimerais le faire. La seule chose, c’est que je n’en avais pas forcément la compétence. Au final, j’ai trouvé la personne idéale. Geoffrey, c’est un ami.
Tu racontes quand même des choses qui sont très difficiles à raconter. Je l’ai couché sur le papier, c’est "facile". Le raconter à quelqu’un, en face à face… franchement, tu ne peux pas le faire avec n’importe qui. Il fallait vraiment que ce soit un ami et mis à part Geoffrey, je ne voyais personne capable de faire ça avec moi.
En fait, c’est mon producteur sur l’émission "Basket Time". On échangeait toujours un petit peu sur le sujet. À partir du moment où on est tombés d’accord, à chaque fois qu’on échangeait, on parlait de ça. Et ça a duré longtemps, il a fallu presque un an pour l’écrire. On a eu beaucoup de discussions. On voulait vraiment le raconter comme un récit, donc je lui ai raconté comme un récit pour que ce soit plus simple.
Dans ce livre, tu t’ouvres vraiment sans filtre : tu racontes tes erreurs, tes regrets, des choses très personnelles… Est-ce que c’était difficile pour toi, qui as tendance à beaucoup garder les choses à l’intérieur, de se montrer si transparent ?
Fred Weis : Ça a été difficile, oui. Effectivement, je garde tout pour moi d’habitude. Je n’aime pas montrer les choses. Mais je pense que j’avais besoin d’une thérapie. On a écrit ce livre parce que je voulais que ça sorte un petit peu, j’avais besoin de faire ça dans cette démarche. Et à partir de là, il fallait qu’on le fasse de la manière la plus sincère possible. Il fallait que je le fasse à fond, sinon ça ne servait à rien.
Le but, ce n’était pas de se faire passer pour Superman et je pense que ça se voit. J’avais envie de dresser le vrai portrait d’un homme avec des failles. Je voulais juste raconter mon parcours de vie, même s’il est chaotique.
Tu parles de thérapie. Nous, lecteurs, nous apprenons beaucoup en lisant le livre. Mais toi, est-ce que tu as aussi appris des choses sur toi-même en l’écrivant ? Qu’est-ce que ça t’a apporté ?
Fred Weis : Bien sûr, ça m’a apporté quelque chose. Depuis ces événements-là, je me reconstruis jour après jour. C’est une pierre de plus dans mon édifice, quelque chose dont j’avais besoin pour continuer à avancer. Je pense que j’en étais arrivé à un stade où je ne pouvais plus avancer sans faire ça. Depuis, j’en tire du positif, je me sens un petit peu plus tranquille dans ma tête. Et c’est déjà un grand pas en avant.
Une des choses dont tu parles énormément et dont tu avais visiblement besoin de parler, c’est ton fils Enzo, atteint d’un trouble du spectre autistique. Tu racontes les moments difficiles, mais aussi tout l’amour que tu as pour lui. Peux-tu nous expliquer ta relation avec Enzo et la place qu’il prend dans ta vie ?
Fred Weis : Finalement, Enzo était l’enfant pas parfait dont je rêvais sans le savoir. J’ai très mal vécu le fait qu’il ne soit pas parfait, parce qu’il fallait absolument que je fasse le deuil de l’enfant parfait. Je suis passé par un processus très compliqué pour y arriver. Mais sans Enzo, je ne serais pas la personne que je suis maintenant. Je pense être une personne 1000 fois meilleure maintenant, qu’avant Enzo.
Pour schématiser, quand j’étais joueur de basket, tout était facile, je me la racontais un peu, etc. Enzo m’a permis de relativiser beaucoup de choses et m’a permis de m’ouvrir un peu plus aux autres. Encore une fois, sans Enzo, je ne serais pas la personne que je suis et je continue à progresser grâce à lui.
Je dois dire que j’ai eu des retours de parents d’enfants autistes. Ils m’ont dit qu’ils s’étaient reconnus dans mon libre et que ça leur faisait du bien de ne pas se sentir seul. Rien que pour ces personnes-là, je suis content de l’avoir écrit. Quand j’ai reçu ces messages, ça m’a fait beaucoup de bien et ça m’a rendu fier.
Évidemment, dans ce livre, tu parles beaucoup de basket. Essentiellement de basket français européen, que tu dis préférer à la NBA. Est-ce que tu peux nous expliquer cette préférence et ce que tu aimes en particulier dans ce type de basket ?
Fred Weis : Déjà, moi, on m’appelle François le Français. J’aime bien valoriser notre pays, parce qu’on a des pépites et que c’est un grand plaisir d’en avoir. Ensuite, je trouve que le basket américain est un peu trop individualiste. C’est ce qui me dérange. Mais je le suis toute l’année, je vois tous les résultats. Ce qui se passe sur le terrain, ce n’est pas ce qui me passionne le plus, mais quand les playoffs arrivent c’est différent. Par exemple, je suis très impressionné par la capacité des Américains à créer du storytelling. Ça, ça me plaît.
Puisqu’on parle de basket américain, un événement assez marquant de ta carrière a un rapport avec ce pays : le dunk de Vince Carter aux Jeux-Olympiques. À ce propos, tu écris que tu en as "marre que l’on résume ta carrière à une seule action". C’était un phénomène médiatique, mais qu’est-ce que ce moment a concrètement changé à ta carrière ?
Fred Weis : Ce que ça a changé dans ma carrière ? Personnellement, rien. En revanche, ça a réveillé un certain nombre de haters qui n’ont rien dans leur vie depuis 22 ans et qui, de temps en temps, se sentent obligés de m’envoyer les vidéos. C’est à peu près tout.
Et si on devait tout de même résumer ta carrière à une chose, qu’est-ce que tu aimerais que ce soit ?
Fred Weis : Je ne demande pas à ce qu’on résume ma carrière, je m’en fiche complètement. Pour moi, c’est une autre vie et je m’en moque. Ce que je dis toujours aux gens, et à chaque fois ils sont choqués : je ne sais pas où est ma médaille olympique. Ce que j’aimerais qu’on retienne de moi, c’est que j’ai créé un camp de basket qui a intégré du basket intégré et du basket fauteuil. Ça, ça m’intéresse plus.
Justement, on est en plein dans la période et tu animes tes "Big Camps", avec du basket adapté. Comment est-ce venu ?
Fred Weis : Quand je suis revenu d’Espagne, je me suis rendu compte que les IME (instituts médico-éducatifs) avaient des moyens limités pour faire des activités externes. Alors, on a cherché des solutions pour trouver de l’argent. Donc on a voulu créer un service sur lequel on dégageait des bénéfices, qui servirait à les financer.
J’ai réfléchi à ce que je savais faire : rien, à peu près, à part du basket. Donc je me suis engagé à faire des cours de basket, il y a environ six ou sept ans. On évolue petit à petit pour intégrer, comme je le disais, du basket fauteuil et du basket intégré. Notre volonté, c’est que tout le monde se mélange, que l’on apprenne les uns des autres et que l’on soit contents de partager des moments.
Dans ton livre, tu expliques que tu avais mauvais caractère à tes débuts, et que ça t’a plus au moins aidé dans le basket. À la fin, on a l’impression que tu es plus apaisé aujourd’hui. Jacques Monclar, dans la préface, parle plutôt d’un "sourire" et d’un "regard paisible". Peux-tu nous raconter à quel point ta carrière et les choses que tu as vécues t’ont transformé ?
Fred Weis : J’ai toujours été un vrai gentil. J’avais mauvais caractère, mais j’étais un vrai gentil. Seulement, je m’emportais assez facilement. Par exemple, quand j’étais jeune, en équipe de Moselle, on ne m’a pas fait jouer et j’ai balancé mon maillot sur le terrain. J’étais comme ça. Mais j’étais un garçon ultra timide, c’était aussi pour me protéger.
Quand j’ai gagné en assurance, grâce aux choses que j’ai vécues, d’un seul coup je me suis aussi apaisé. Quand tu es sûr de toi, tu n’as pas besoin de t’énerver. Il y a une expression qui me plaît beaucoup : "les gros chiens n’aboient pas". Simplement, je me transforme en gros chien et je n’ai plus besoin de prouver quoi que ce soit. J’ai trouvé mon équilibre et je n’ai plus besoin de me fâcher avec les autres. Ça me passe au-dessus. Je suis plus en paix avec moi-même.
D’ailleurs, je tiens à en profiter pour remercier Jacques Monclar. Il m’a connu comme joueur et comme consultant et il m’a aidé dans les deux. Donc je le remercie vraiment pour la préface.
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