Une ascension rapide
Nous sommes alors fin janvier 2011. Jim O’Brien est mis à la porte par la direction des Indiana Pacers. La franchise n’a plus disputé les playoffs depuis 2006, quand l’équipe était encore aux commandes de Rick Carlisle. Roy Hibbert peine à s’imposer, Darren Collison déçoit et Danny Granger est encore le meilleur joueur de l’effectif. Pour assurer l’intérim de ce qui s’annonce une nouvelle saison sans post-saison, le front office mise sur le jeune Frank Vogel (37 ans à l’époque, 41 en juin prochain). Mike Brown est déjà pressenti les rênes dès la prochaine intersaison. C’était sans compter sur le talent du néo-coach. Le natif du New Jersey emmènera ses troupes en playoffs, à l’arrachée, grâce à une huitième et dernière place qualificative à l’Est. Les Pacers, trop tendres, deviennent une équipe physique difficile à manœuvrer. Les Bulls d’un Derrick Rose fraîchement nommé plus jeune MVP de l’histoire renverseront la machine tout en ayant souffert face à Indiana. Frank Vogel avait déjà donné le ton. Sous l’impulsion de leur coach, la franchise s’est vite trouvé une identité de jeu défensive et hargneuse. Le genre d’équipe moche à voir jouer – au début – mais que l’on veut apprécier pour sa combativité. L’année suivante, la mutation se poursuit. Les Pacers vont cette fois-ci au second tour avant de s’incliner en six manches face au Miami Heat, champion quelques semaines plus tard. Roy Hibbert et sa bande ne finissent plus de progresser au contact de leur coach et de son staff. Frank Vogel n’hésite pas à faire bloc avec eux quitte à sortir de son silence pour envoyer quelques piques bien senties qui lui vaudront une amende de 15 000 dollars.« Miami est l’équipe qui fait le plus de ‘flopping’ de toute la ligue. Ce sera intéressant de voir comment les arbitres vont arbitrer la série et combien de fois les ‘flops’ seront récompensés. Des fois ces gars-là tombent avant le contact. »Malin, Frank Vogel savait bien que son équipe s’appuierait avant tout sur sa puissance physique pour fatiguer et faire douter les superstars de Miami. David West et Danny Granger ont joué des coudes, Tyler Hansbrough a mis des coups. Mais les Pacers se sont inclinés. Comme l’an passé, mais un tour plus tard cette fois. Indiana a pris l’habitude de faire trembler les champions en titre. Le stratège du banc, bien aidé par les choix de ses dirigeants, a monté une équipe de plus en plus cohérente qui progresse des deux côtés du parquet. Les pensionnaires d’Indianapolis étaient tout proches de renverser les talents de South Beach. L’histoire aurait peut-être été écrite autrement si Vogel n’avait pas laissé Roy Hibbert sur le banc lors de la dernière possession du premier match de la série. Sans leur géant, les troupes jaunes et bleues n’ont pas pu empêcher LeBron James de filer au cercle pour inscrire le layup au buzzer. Frank Vogel a alors reconnu son erreur.
« J’aurai dû faire différemment et laisser Roy sur le parquet. »
Frank Vogel, le contrat de confiance
Savoir reconnaître ses torts est une qualité. Ainsi, le coach a su conserver la confiance de Roy Hibbert. Vogel est un entraîneur proche de ses joueurs. En ce sens, il a marqué une rupture avec Jim O’Brien, trop autoritaire. A son contact, Hibbert mais aussi George et Stephenson ont surpassé les attentes.[superquote pos="d"]« Je crois en lui depuis le premier jour » Paul George [/superquote]« Je crois en lui depuis le premier jour », raconte Paul George. « C’était mon coach lors de la Summer League quand je suis arrivé en NBA (en 2010). C’était mon gars. Il me faisait totalement confiance et je lui faisais totalement confiance. »Paul George est désormais une superstar. Roy Hibbert est lui l’un des meilleurs pivots de la ligue. Toujours pressenti pour dominer d’une manière ou d’une autre, il n’a jamais pu développer tout son talent avant de jouer pour Frank Vogel.
« On a tellement discuté ensemble. Il me disait toujours ‘gamin, tu vas devenir bon.’ Il croit en moi. Il est positif, il m’inspire. »Les joueurs des Pacers ont désormais une confiance aveugle en leur coach et c’est réciproque. A l’instar de Mark Jackson à Golden State – un autre jeune coach – Vogel sait transcender ses soldats et tirer le maximum de chaque individualité mais aussi de son groupe. Chez lui, le collectif est toujours mis en avant. Ce fut encore le cas hier soir lorsqu’il fut officiellement nommé coach pour la Conférence Est au prochain All-Star Game.
« C’est une reconnaissance du succès de notre équipe. C’est un honneur. »Certains joueurs des Pacers ne seraient peut-être pas aussi forts s’ils jouaient dans une autre équipe, pour un autre coach. On pense notamment à Lance Stephenson, si efficace à Indianapolis. Frank Vogel lui a donné carte blanche. Ce que peu auraient osé vu le caractère de cochon et le jeu à risques de « Born Ready ». Pourtant, dans une interview accordée à Grantland, le coach concédait ne « jamais être inquiet lorsque Lance avait le ballon car quelque chose de bon va arriver à chaque fois ». Une confiance absolue qui ne l’empêche pas de pousser ses joueurs à en faire plus. Il en demande régulièrement encore plus à Stephenson ou à David West par exemple. Fidèles, ses hommes ont envie de se donner à fond pour lui. Et c’est aussi ça qui fait de Frank Vogel un des meilleurs coaches de la ligue et un candidat pour le trophée de COY en fin de saison. Il y quelques mois, il « mettait les Pacers sur la carte de la ligue. » Il est désormais qu’il se fasse un nom, afin que plus personne ne le confonde. Son nom, c’est Frank Vogel, un coach en pleine ascension.