Plus hautes sont les ambitions, plus dure est la chute. La France, ses journalistes, ses supporters et surtout ses joueurs parlent de médaille d’Or depuis plusieurs semaines maintenant. La suite logique pour un groupe talentueux, ambitieux, expérimenté et solidement construit, à la fois dans la continuité des ses campagnes aux Jeux Olympiques et à l’Eurobasket – conclues avec l’Argent à chaque fois – tout en paraissant plus fort et fin prêt à aller au bout d’une grande compétition FIBA.
L’entrée en matière a été catastrophique. Opposés à un Team Canada considéré comme un outsider, les Bleus ont déjoué. Pire que ça, ils se sont fait rouler dessus, incapables de réagir ou de s’adapter à l’agressivité des joueurs de Jordi Fernandez, coach espagnol de la sélection nord-américaine. Et à l’arrivée, le bilan comptable est tout aussi lourd que la fâcheuse impression laissée par la rencontre, à sens unique au retour des vestiaires : un -30 dans la tronche, pour une défaite 65 à 95.
L’équipe de France a « grillé un joker », pour reprendre les mots d’Evan Fournier. Sauf qu’elle n’a déjà plus son destin entre les mains. Elle doit gagner tous ses matches et espérer que le Canada fasse de même afin d’éviter le scénario d’une élimination au différentiel de points. Mais avant de rentrer dans des calculs interminables, les tricolores doivent se concentrer sur ce qu’ils peuvent contrôler, à savoir leurs propres rencontres. Celle contre la Lettonie, prévue dimanche à 15h30 (heure de Paris), est déjà décisive. Une victoire est impérative. Ça passe par une réaction rapide après « la grosse claque » reçue vendredi. Avec donc des ajustements impératifs.
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Plus de solutions offensives
Les joueurs de Vincent Collet ont été dominés des deux côtés du parquet pour ce match d’ouverture. Mais c’est tout de même l’attaque qui est principalement ciblée par les principaux intéressés au moment d’expliquer leur déroute. Ils ont semblé impuissants, déboussolés par la défense hyper agressive du Canada sur les porteurs de balle et les lignes de passe. « On n'a pas réussi à vraiment se mettre dans nos systèmes en raison de leur pression défensive. Ils nous ont repoussés, que ce soit sur les lignes extérieures ou à l'intérieur. Ils nous ont repoussés et on n'a pas réussi à se mettre dedans », estimait Evan Fournier, l’un des rares à surnager hier.
L’arrière des New York Knicks a fini meilleur marqueur des siens avec 21 points. Dont 19 inscrits finalement avant la pause, quand les Bleus sont restés au contact de leurs adversaires (40-43). La star française a été très adroite en première mi-temps, marquant même quelques paniers difficiles, et nettement moins en deuxième. Parce que Fournier s’est souvent mis en tête de faire la différence seul. Parfois par choix, avec des tirs en première intention, mais surtout principalement parce qu’il n’y avait aucune autre solution proposée. Avec un jeu alors très stagnant qui rappelait certains moments douloureux où Tony Parker se retrouvait à attaquer les défenses adverses pendant que ses coéquipiers le regardaient faire.
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« En attaque nous avons été trop dans le jeu direct », regrettait Nando De Colo. Mis dans une situation inconfortable, les Bleus s’en sont remis à des uns-contre-uns pour essayer de faire sauter le verrou canadien. Des séquences avec une passe suivie directement d’un tir. Voire parfois même zéro passe. « On a oublié nos principes, on a arrêté de bouger le ballon », Nicolas Batum. Dommage parce que « dès qu'on a bougé le ballon, il se passait quelque chose de bien », ajoutait Rudy Gobert.
L’équipe de France a de bonnes individualités mais elle n’a pas une superstar mondiale de la trempe d’un Shai Gilgeous-Alexander, qui a lancé le Canada à lui tout seul ou presque au début du troisième quart-temps. Elle ne pourra pas gagner des concours d’isolations contre les Américains, les Canadiens ou même les Slovènes. Par contre, elle peut s’appuyer sur ses principes collectifs. Ça passe par une meilleure application des systèmes et donc par plus de patience. Plus de rigueur. Autant d’éléments qui pourraient lui permettre de prendre le dessus, et ce contre n’importe quel adversaire vu le potentiel de cet effectif.
Remettre la balle dans la peinture
Un élément qui découle évidemment de cette meilleure application des principes de jeu de Vincent Collet. Les Bleus doivent trouver des points de fixation à l’intérieur. Elle est l’une des formations les plus armées du tournoi dans la raquette avec Rudy Gobert (2,16 m), Moustapha Fall (2,18 m), etc. Il faut se servir de cette taille. Pas forcément toujours pour conclure mais au moins pour créer une alternance dans le jeu, provoquer des prises-à-deux, pousser la défense adverse à réagir pour ensuite se trouver des espaces.
L’équipe de France, un avantage de taille à exploiter
« En première mi-temps, nous aurions dû enfoncer à l'intérieur quand on a vu que Mathias (Lessort) dominait. On ne l'a pas du tout fait », notait Collet. Matthias Lessort, auteur de 12 points, a été l’une des seules satisfactions françaises. Sa puissance physique et son activité lui donnent des airs de facteur X. Et il aurait pu l’être contre le Canada si ses coéquipiers avaient insisté dans ce secteur. Malheureusement, Gobert a été moins en vue. Il a peu touché la balle et, quand ce fut le cas, il en a perdu 4. « Je n'ai pas impacté le match comme je sais que je suis capable de le faire. Il y a pas mal de raisons à cela, mais beaucoup sont sous mon contrôle. Il faut que j'élève mon niveau, simplement », reconnait le pivot des Minnesota Timberwolves.
Une fois l’écart créé, Fournier et compagnie se sont entêtés à tirer de loin dans l’espoir de revenir le plus vite possible. Ils avaient pourtant le temps de souffler, retrouver leurs esprits, s’appuyer sur leur jeu habituel et miser sur des stops pour revenir. Au final, les Français ont tenté leurs chances derrière l’arc à 28 reprises, pour 6 petits paniers (21%). Même en misant sur du trois-points, il est toujours plus intéressant d’arroser quand la balle revient de l’intérieur vers l’extérieur. Il y a clairement un meilleur équilibre à trouver.
Les rebonds défensifs !
Les putains de rebonds défensifs même ! Déjà ciblés pendant la préparation, avec 78 rebonds offensifs concédés en six matches (sans compter celui contre l’Australie), ils ont encore été l’un des points faibles de l’équipe de France. Le Canada a pris 10 rebonds de plus (45 contre 35), dont 9 sur la tête des tricolores… Autant de secondes chances qui ont souvent mené à des trois-points assassins. De quoi tuer le moral d’un groupe.
Là encore, il y a une question de rigueur et de mentalité. Les Bleus se sont trop jetés sur des aides défensives, ils ont surcompensés par moment et ils ont laissé des espaces. La défense est potentiellement leur plus gros point fort. Mais une bonne défense n’est jamais complète sans un vrai investissement collectif aux rebonds.
Crédit photo : FIBA