Elle a longtemps incarné une sorte de french touch made in Nantes, puis un âge d'or de la nu soul anglaise, avant de travailler avec les plus grands. Que ce soit avec Hocus Pocus, Tribeqa, le Blue Apple Quartet, puis Natural Self, Sly Johnson et plus récemment IAM, vous avez forcément déjà entendu la voix soul et jazzy d'Elodie Rama.
Après un premier EP très remarqué dénommé "Strange Island", la voici de retour avec un superbe premier album dénommé "Constellations", entourée de prestigieux invités. Un mélange de nu soul, musiques électroniques et caribéennes qui nous tapé dans les oreilles.
Mais en plus d'être une artiste accomplie, Elodie Rama porte aussi un regard attentif sur la NBA. Et ça, nous ne pouvions passer à côté. Entretien exclusif.
BasketSession : Après ton premier EP "Strange Island", sorti en 2013, tu es de retour avec ton tout premier album "Constellations". Une longue maturation, j’imagine nécessaire ?
Elodie Rama : J’ai pas mal tourné après la sortie de cet album, je suis même allée jusqu’en Chine ! J’ai été la tête dans le guidon, pendant tant d’années…Ensuite j’ai changé de vie, je suis partie m’installer à Marseille. J’avais cette envie de recommencer tout à zéro, et de retrouver le feu. J’ai commencé à faire de la radio, à mixer aussi comme DJ. Et j’ai surtout pris le temps nécessaire pour me demander ce que j’avais envie de créer. C’est la première fois dans ma vie que je me suis accordé ce temps-là.
BasketSession : Durant cette période, tu as déménagé de Nantes à Marseille. Comment s’est passée ton acclimatation dans la cité phocéenne ?
ER : J’ai eu la chance de rencontrer pas mal de gens assez vite avec l’ émission de radio (Hangtime tous les mardis en direct à 19h sur Radio Grenouille). Ici les gens sont très curieux, j’ai très rapidement rencontré des musiciens, des chanteurs de la scène locale. Je me souviens que la première personne que j’ai rencontrée et avec laquelle j'ai travaillé, c’était Djel, le DJ emblématique de la FONKY FAMILY. Il a été tellement gentil et accueillant, avec une bienveillance qui m'a frappée, et qui est propre à Marseille. Ensuite j’ai rencontré le producteur, dj, vidéaste et graphiste Creestal, qui est rapidement devenu un ami. On a commencé à travailler sur des morceaux ensemble et puis ça s’est enchaîné. Un morceau après l’autre, et puis c’est devenu un album.
BasketSession : Quelles sont les constellations dont tu nous parles dans ce disque ?
ER : J’aime bien l’image de la constellation. Elle parle de nous tous. Nous sommes chacun des individus vivant au sein de communautés. Les étoiles existent séparément et en groupe au sein de la constellation. C’est une manière de dire qu’on existe avec les autres. Et que cette relation aux autres nous fait évoluer sans pour autant nous dénaturer. « Je suis moi et à ton contact je deviens autre, tout en restant moi-même. Je suis multiple», disait l’écrivain et poète martiniquais Édouard Glissant dans sa pensée de la créolisation. L’archipel est en soi une constellation. Il place le curseur dans le ciel nous permettant d’envisager notre place dans l’infiniment plus grand, l’universel et trouver ainsi notre place dans l’univers.
BasketSession : La famille et pour toi une part très importante et nécessaire dans ton travail ?
ER : Constellations est un disque fait « en famille », celle que je me suis constituée. Une famille musicale. On y retrouve aussi mon propre père, Hilaire Rama, lui-même bassiste, mon petit frère Valère, guitariste, avec notre histoire familiale en filigrane. C’est un disque qui évoque sans cesse les ancrages mémoriels et géographiques, le sang, la famille, les racines, l’arbre généalogique (lui-même constellation). Je ne m’appelle pas Rama* pour rien!
* branche en espagnol
BasketSession : De tes années de collaboration avec Hocus Pocus, tu as gardé un amour pour hiphop. Comment as-tu réussi le tour de force de mettre dans le même morceau Akhenaton de IAM et Djel de la Fonky Family ?
ER : Je n’y ai pas vraiment pensé en ces termes en fait, même si j’ai grandi avec la musique d’ IAM et de la FF . Pour la petite histoire, j’avais terminé d’écrire Indigo dont le thème me tenait vraiment à cœur et comme un signe, je reçois un message d’Akhenaton qui me proposait que l’on collabore ensemble. Dans ma tête ça a fait « tilt » ! Indigo c’était lui. Et ensuite, pour Djel c’était évident, déjà que parce que c’est une personne que j’apprécie beaucoup et surtout parce que je pensais que le thème de la chanson pouvait résonner avec sa propre histoire. Akhenaton est issu de la diaspora italienne, tout comme Creestal qui a produit ce titre et Djel est d’origine tunisienne. Plus généralement, notre histoire commune en tant que pays s’est construite sur des mouvements de population. Descendante d’esclaves africains, mon histoire personnelle s’est écrite de l’Afrique à La Martinique jusqu’à Nantes et aujourd’hui Marseille. Maintenant que je vis à Marseille, il m’est d’autant plus impossible d’occulter ce qui se passe en ce moment en face de moi. Toutes ces vies englouties par la mère Méditerranée. Indigo raconte ces histoires de migrations, de diasporas, de peuples déplacés.
BasketSession : Tu vas démarrer la tournée pour défendre cet album. Comment se présente Elodie Rama sur scène ?
ER : Je me suis challengée pour ce spectacle : je suis seule sur scène avec machines et looper ! J’ai voulu remettre la voix au centre de ce live en performant en direct des harmonies vocales. Je joue aussi du clavier, des samples... C’est une grosse pression d’être seule mais c’est aussi libérateur.
BasketSession : Si tu es aujourd’hui dans REVERSE, c’est parce que tu es également une grande amatrice de basketball. Comment t’es venu cet intérêt pour la NBA ?
ER : Je vis avec un très grand fan de basket, ça aide… Je ne vais pas me décrire comme une experte, mais le basketball me plaît ! Je vais pas être très originale mais je suis fascinée par LeBron James, le joueur, le personnage, ses combats pour sa communauté. Après il y a toujours du basket qui tourne à la maison donc je le suis même sans le vouloir (rires) ! Aussi j’ai le souvenir dans les années 90 des matchs qui passaient sur Canal+. J’étais petite et je si n'ai pas d'image précise des performances sportives, c'est surtout la voix de George Eddy qui m'accompagnait et m'hypnotisait. Son énergie, sa passion, ses expressions et son accent rendaient l'ensemble incroyable. Ça c’est un vrai souvenir d’enfance. Voir qu'on lui rend hommage aujourd'hui dans un beau documentaire est une juste récompense tellement il a accompagné une génération entière de jeunes fans et même au delà.
BasketSession : Il y a trois ans Kobe Bryant nous quittait. Te souviens-tu de ce que tu faisais quand tu as appris la nouvelle, et comment as-tu réagi ?
ER : Je me souviens bien de ce soir là, je n’arrivais pas à croire qu’un tel drame ait pu se produire. Même encore aujourd’hui, j’éprouve pas mal de tristesse quand je repense à ça.
BasketSession : Dans la musique, la longévité est très difficile, j’imagine que quand tu vois celle de LeBron James, dans la ligue, tu dois être admirative ?
ER : Bien sûr, c’est admirable. Moi ce qui me fascine, c’est une telle abnégation dans le travail. Quand t’es pas loin des 40 piges, que tu as tout prouvé, tout gagné, et que tu mets encore des fessées aux petits jeunes, c’est une belle leçon non ? S’entraîner, travailler, jamais arrêter d’essayer de progresser. En musique évidemment c’est pareil. On devrait tous en prendre de la graine.
BasketSession : Du coup on est obligé de te poser la question : qui est le GOAT ? LeBron ou Jordan ?
ER : En vérité, c’est impossible de les départager et pourquoi le faire ? Ces deux joueurs sont des légendes et ça c’est indéniable. Ils sont différents. Il me semble que c’est compliqué de devoir faire un choix. Et j'ai bien compris qu'il ne fallait surtout pas le faire ! (rires).
CONSTELLATIONS d'Elodie Rama est sorti le 3 février en digital sur les toutes les plateformes.
Le double vinyle est disponible en édition limitée.
Le prochain clip INDIGO avec Akhenaton sortira courant février.