Il y a quelques mois, Draymond Green avait illustré la difficulté qui était parfois la sienne à occuper la double-casquette joueur/analyste, en évoquant une interaction avec Nikola Jokic. Dans l'émission Inside the NBA sur TNT, Green avait, de son propre aveu, taillé en pièces la défense du Serbe avec des mots assez durs. Lorsqu'il l'avait vu venir vers lui lors d'un match entre les Warriors et les Nuggets, il avait logiquement pensé qu'il allait devoir s'expliquer et s'excuser. Au lieu de ça, le "Joker" l'avait remercié en lui expliquant que ses critiques lui avaient été très précieuses et qu'il avait beaucoup progressé grâce aux clips vidéos mis en avant par Green.
Les deux hommes ont, depuis, un immense respect mutuel. Et quand Draymond Green respecte un adversaire, il estime que la moindre des choses est de lui proposer la meilleure version de lui-même en défense. C'est exactement ce que l'intérieur All-Star fait depuis deux matches, dans la série du 1er tour des playoffs NBA entre Golden State et Denver. On savait que les Warriors étaient supérieurs à des Nuggets sauvés toute la saison par le génie de Jokic, mais encore fallait-il pouvoir contrôler le Serbe et l'empêcher de rendre ses partenaires meilleurs.
C'est un euphémisme de dire que Draymond Green fait du bon travail dans sa défense sur le possible "back to back MVP".
Comment Draymond Green a rendu Jokic meilleur en l'affichant à la TV
Les deux victoires qui se sont dessinées à domicile pour les Warriors ont d'abord été construites avec une vraie solidité défensive retrouvée. Elle était évidemment axée sur la gestion et la limitation du rayonnement de Jokic. Ce n'est bien sûr pas conseillé, mais en se contentant de regarder les statistiques du pivot de Denver sur ces deux premiers matches, on peut déjà comprendre que quelque chose le perturbe.
Au-delà d'une adresse un peu inférieure à ses standards (48% au game 1, 45% au game 2), Nikola Jokic marque moins (25.5 pts/match contre 27 en saison régulière) mais délivre surtout moins de passes décisives (6 au game 1, 4 au game 2). S'il ne peut pas être le playmaker fabuleux que l'on connaît, c'est parce que Draymond Green lui offre toute son érudition et son intensité.
Visuellement, ensuite, c'est encore plus parlant. Cette vidéo de plus de 2 minutes illustre de manière absolument parfaite comment Green a gêné et perturbé Jokic dans toutes les zones et situations dans lesquelles il excelle habituellement. Même lorsque les Nuggets ont essayé de faire switcher les Warriors pour que leur franchise player soit libéré de son geôlier, ce dernier est souvent parvenu à retrouver le chemin qui menait jusqu'à Jokic. Draymond a été physique, bavard - "quand tu vois que tu es entré dans sa tête, tu dois en faire plus, et si tu vois que tu n'es pas encore entré dans sa tête, tu dois en faire encore plus" - et constamment dans la bulle de son vis à vis, avec des mains et un corps savamment placés malgré les 13 centimètres de différence entre les deux hommes.
just some clips from Draymond Green's masterful defensive performance against Nikola Jokic pic.twitter.com/GOonfIzFX4
— Kevin O'Connor (@KevinOConnorNBA) April 19, 2022
Dans le 4e quart-temps, la frustration a gagné la star des Nuggets, persuadée que les arbitres étaient trop permissifs avec le Californien. Résultat : une deuxième faute technique, une éjection et un salut taquin de Draymond Green pour accompagner sa sortie du parquet du Chase Center.
L'intérieur de 32 ans continue d'être la preuve vivante qu'il faut aller au-delà du rendement chiffré d'un joueur pour comprendre à quel point il est crucial pour son équipe. C'est ce qu'a bien entendu rappelé Steve Kerr, bien plus fasciné par la masterclass défensive de Draymond Green que par autre chose sur ce match.
"Ses stats ne veulent rien dire. Draymond a dominé ce match. J'ai regardé le boxscore à un moment et il était à 1 point et 3 rebonds alors qu'il contrôlait complètement le match. C'est l'un des joueurs les plus uniques, puissants et impactants que j'ai jamais vu", a indiqué le coach des Warriors devant la presse.
Depuis quelques jours, les médias demandent d'ailleurs fréquemment son avis à l'intéressé sur la course au titre de Defensive Player of the Year. Draymond Green distribue donc les bons points et s'est même fait le porte-drapeau des joueurs extérieurs comme Mikal Bridges ou Marcus Smart. Il a d'ailleurs félicité ce dernier, qui a succédé à Rudy Gobert officiellement depuis la nuit dernière. Intérieurement, on sait en revanche ce qu'il en tête.
Par ses prestations et son effarant génie défensif, le numéro 23 de Golden State n'a qu'une envie : rappeler que le meilleur défenseur du monde, indifféremment du poste et des critères choisis, c'est bien lui. Le fait qu'il n'ait gagné qu'une seule fois ce trophée est à ce jour l'une des plus grandes anomalies de cette fenêtre de 10 ans où on l'a vu excellé et incarner le projet Warriors avec autant d'importance que Stephen Curry.
Draymond Green, un jeu d'échecs pour contenir la vengeance de Jokic