Donovan Mitchell : L’homme (pas) pressé
Lui-même n’était pas conscient de son avenir brillant. Il avait confiance en lui, c’est indéniable. Mais Donovan Mitchell ne s’imaginait pas si haut. Surtout pas aussi vite. Plusieurs semaines avant de prendre connaissance du choix d’Hayward en compagnie de sa sœur et de sa mère, il hésitait même à passer pro. Parce qu’il n’était pas sûr d’y être de suite à sa place.« C’est absurde », lui a rétorqué Don MacLean, ancien joueur NBA désormais coach lors de sessions d’entraînement entre prospects avant la draft.
Donovan Mitchell songeait sérieusement à prolonger l’aventure sur le campus de Louisville et à repousser son arrivée dans la grande ligue. Jusqu’au jour où Paul George, Chris Paul et Julius Randle se sont pointés à l’une des séances en Californie. Adoubé par CP3, il a enfin changé son fusil d’épaule :« Il est temps de venir », lui a conseillé la superstar.
« Je ne me donne jamais assez de crédit », confiait-il plus tard en racontant l’anecdote au Bleacher Report.
Ce n’était pas la première fois qu’il remettait en question ses capacités. Déjà au lycée, il préférait essayer de faire carrière dans le baseball, comme son père, passé par les championnats mineurs avant de trouver un poste au sein du staff des New York Mets. Il se sentait alors plus à l’aise batte et gants en main que balle orange au bout des doigts.« J’étais arrogant au baseball. »
Pas au basket. Car pas aussi sûr de sa force. Il ne figurait même pas parmi les cent joueurs les plus convoités du pays ! Les coaches de Canterbury, un établissement du Connecticut, l’ont supplié de venir taper la gonfle. Le fait de se sentir désiré l’a alors aidé à franchir le pas. Un trait de sa personnalité qui ne traduit pas nécessairement un manque d’estime de soi, mais plutôt le besoin d’être validé. Comme quand deux All-Stars lui ont fait comprendre où se trouvait sa place.« Quand Paul et Chris m’ont dit que je pouvais devenir très bon, je me suis dit que c’était peut-être vrai. Ils ont ensuite analysé mon jeu et ça m’a donné encore plus de confiance. Je me suis dit que, oui, j’étais prêt. »
[caption id="attachment_421023" align="alignright" width="300"] Découvrez notre collection de t-shirts[/caption] Comprenez-le, le natif de l’état de New York est souvent passé sous les radars. Sa confiance en lui n’a pas été boostée par des vingtaines de sessions de recrutement, des mixtapes de ses highlights depuis ses treize ans ou les compliments incessants réservés à tous ces ados à qui les scouts et coaches promettent un avenir brillant. Il évoluait dans l’ombre. Loin des caméras et du cirque médiatique. Comme le jour où tous les regards étaient braqués sur la décision de Gordon Hayward. Donovan Mitchell donne l’impression d’être sorti de nulle part, mais c’est juste qu’il fallait un peu de flair. Car si les franchises ne se concentraient pas autant sur le potentiel fantasmé des prospects qu’elles supervisent – leurs mensurations démesurées, le plus souvent – et si elles prêtaient un peu plus attention à la progression réelle des éléments année après année, alors peut-être qu’elles n’auraient pas été aussi nombreuses (douze) à laisser filer le combo guard le soir de la draft. Là où certains dirigeants ont craint un joueur déjà trop vieux (21 ans à ses débuts en NBA), les Mormons ont perçu un adulte prêt pour la NBA. Là où d’autres voyaient un arrière coincé dans le corps d’un meneur, donc trop petit (1,91 m) et pas assez gestionnaire, le Jazz a remarqué les progrès du bonhomme entre sa première et sa deuxième année à l’université. Il est passé de 7,4 à 15,6 points entre sa saison freshman et sa saison sophomore aux Cardinals. Surtout, sa réussite derrière l’arc a grimpé en flèche (35% contre 25% à ses débuts) malgré environ 150 tentatives de plus. Cette envie de devenir meilleur de jour en jour est ancrée dans son ADN. Elle le définit en tant qu’homme et donc en tant que joueur. Les coaches vous le diront : pointez du doigt l’une des faiblesses de son jeu et le rookie redouble d’efforts pour gommer cette lacune au point que cela en devienne « presque comique » selon Zach Lowe d’ESPN.« J’ai joué avec des tas de bons débutants, mais ce gamin est… spécial. Il analyse constamment les vidéos et il pose des questions. Il a cette soif d’apprendre », notait ainsi son coéquipier Ricky Rubio, qui a pourtant fréquenté Karl-Anthony Towns aux Minnesota Timberwolves.
Cette attitude, c’est désormais le Jazz qui en profite. Parce que son encadrement a été suffisamment malin pour sentir le bon coup en échangeant Trey Lyles et le vingt-quatrième choix (Tyler Lydon a été sélectionné, il n’a joué qu’une minute en NBA cette saison) contre le treizième pick qui appartenait aux Denver Nuggets, dans le seul but de pouvoir miser sur Donovan Mitchell.