Donovan Mitchell est censé être le centre du projet du Utah Jazz. Pourtant, la franchise est désormais ouverte à l’idée de le transférer cet été. Cette situation appelle logiquement à se questionner sur le statut de l’arrière dans la ligue et sa valeur.
Mitchell est-il un franchise player ? C’est là qu’est vraiment le cœur du débat. Si oui, le Jazz aurait sans doute tort de le transférer. Sinon, son équipe aurait alors tout intérêt à le faire pour poser de nouvelles bases avant de construire son projet sportif. C’est également une réflexion que doivent mener les franchises intéressées pour déterminer jusqu’où elles doivent aller pour le recruter.
Selon Tim MacMahon d’ESPN, Danny Ainge, président des opérations de Utah, n’en serait pas convaincu. Il ne le penserait pas capable d’être le visage d’un prétendant au titre. Arrivé l’année dernière, ce n’est pas lui qui a drafté le joueur de Louisville en 13e position en 2017. Il n’aura donc aucun scrupule à se séparer de lui s’il estime qu’il n’est pas assez bon pour occuper une place centrale dans son projet.
Donovan Mitchell, une star offensive
À tout juste 25 ans, Donovan Mitchell est indéniablement une star de la NBA. Ses trois sélections au All-Star Game en sont d’ailleurs un indicateur plutôt solide. Ce qui le range dans cette catégorie, c’est avant tout ses qualités en tant qu’attaquant.
L’arrière a déjà participé à cinq campagnes de playoffs en tant que première option offensive. Sur ses 39 matches en postseason, il affiche des moyennes de 28,3 points, 4,9 rebonds et 4,7 passes, à 43,1% au tir et 36,9% à trois points.
Seule une poignée de joueurs tournaient à au moins 28 points et 4 passes en playoffs avant leur 25e anniversaire. Dans les générations précédentes, les quatre à l’avoir fait sont tous entrés au Hall of Fame : Michael Jordan, Tracy McGrady, Earl Monroe et Dave Bing. Parmi les joueurs en activité, on ne retrouve que LeBron James, Luka Doncic et Ja Morant. Une bien belle compagnie.
Mitchell a surtout montré l’étendue de son potentiel dans une série de playoffs en particulier, face aux Nuggets en 2020. Sept matches au cours desquels il a compilé des moyennes de 36,3 points, 5 rebonds et 4,9 passes, à 52,9% au tir et 51,6% à trois points. Le tout avec des pointes à 57 points, 51 points et 44 points.
Il a d’ailleurs répété l’exploit l’année suivante, avec 32,2 points, 5,5 passes et 4,2 rebonds par match en 2021. Il affichait alors des pourcentages plus faibles, mais toujours impressionnants : 44,7% au shot, dont 43,5% à trois points.
Sur cette période, et à seulement 23 et 24 ans, l’arrière était la meilleure version de lui-même. Une telle production, avec une si grande efficacité et tant de pression, c’est le lot d’une catégorie de joueurs à part. Il a ainsi prouvé qu’il était, dans l’absolu, capable de porter une équipe par ses qualités d’attaquant.
Les prouesses offensives de Mitchell ont un impact évident sur son collectif. Le Jazz était la meilleure attaque de la ligue cette saison, avec 117,6 points marqués pour 100 possessions. Un roster dont l’arrière est, encore une fois, la première option. Quand il est sur le banc, ce chiffre descend à 111,7. Utah serait, avec cette moyenne, la 18e attaque de la NBA.
Le plus impressionnant, c’est que le collectif arrive à maintenir ce style très offensif tout en gardant un jeu calme. Le Jazz est la 8e équipe la plus lente de la ligue, avec 97,5 possessions toutes les 48 minutes. À titre de comparaison, les Bucks et les Grizzlies sont les 3e et 4e les plus rapides et sont à la même place dans le classement des meilleures attaques. Il faut généralement aller vite pour assurer une telle efficacité au scoring.
Tous ces chiffres sont la plus grande force de Donovan Mitchell. Ils peignent le portrait d’un scoreur d’élite, qui porte son équipe sur le plan offensif sans la pousser à se précipiter. Un profil rare, qui fait de lui un joueur très valuable dans la ligue.
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Des limites en attaque
Bien sûr, l’actuel visage du Jazz n’est pas exempt de tout reproche. Il s’agit d’une star offensive, certes, mais pas de l’attaquant parfait. Sans cela, la question de savoir s’il est bel et bien un franchise player ne se poserait même pas.
L’impact de Mitchell est suffisant pour impacter tout le collectif. Toutefois, son individualisme pose clairement problème. On a parfois l’impression que l’arrière, balle en main la plupart du temps, joue avec des œillères.
L’exemple le plus populaire et le plus marquant de ce phénomène est celui de son tandem avec Rudy Gobert. Mitchell ne lui fait que 2 passes par match en moyenne. Non pas deux "passes décisives", mais bien deux passes. Tout court. La plupart se faisant dans ce cas main à main et en fin de pick and roll.
Globalement, le Jazz est la 4e pire équipe en termes d’assist ratio. Elle ne compile que 16,7 passes décisives toutes les 100 possessions. Un chiffre anormalement faible avec un finisseur comme Gobert et un créateur du calibre de Mike Conley. Le scoreur fou est la principale cause de ce problème.
Blessé à la cheville, il n’a pas répondu aux attentes en playoffs. Il affiche cette année des moyennes de 25,5 points, 5,7 passes et 4,3 rebonds. Des statistiques bien inférieures à ses standards en carrière. Surtout, son adresse lui a fait défaut dans la série face aux Mavericks. Il a rentré seulement 53 de ses 133 tirs, c’est-à-dire 39,8%. C’est d’autant plus marquant derrière la ligne : 10-48, soit 20,8% de taux de réussite.
L’excuse de la blessure est tout à fait valable, mais cette campagne diminue nécessairement sa cote sur le marché. Les deux dernières postseasons de Mitchell ont été très impressionnantes, mais rien ne dit qu’il sera capable de le refaire chaque année. La confirmation aurait dû venir cette année.
Un impact défensif négatif
Malgré ses défauts, il est clair que le jeu offensif de Donovan Mitchell n’est pas problématique dans l’absolu. En revanche, on ne peut pas en dire autant de sa défense.
Au Jazz, l’arrière a toujours eu la chance de compter sur l’un des défenseurs les plus décorés de l’histoire derrière lui. Triple défenseur de l’année, six fois All-Defensive Team, Rudy Gobert était l’ancre de l’équipe de ce côté du terrain. Mais son travail consistait en grande partie à rattraper les erreurs de son coéquipier.
En effet, la plus grande faille de Utah est sa défense extérieure. Ce n’est pas tout à fait la faute d’un joueur en particulier. Le roster n’était pas équipé pour cela en dehors de Royce O’Neale. Elle est cependant étroitement liée au manque d’efforts de Mitchell.
L’arrière est un spécialiste de l’attaque, certes, mais il se concentre trop sur cet aspect du jeu. Comme beaucoup de stars, il a une claire tendance à négliger la défense. Au point où son impact de ce côté du terrain est négatif.
Avec Donovan Mitchell, le Jazz encaisse 115,3 points pour 100 possessions pendant ces playoffs. Lorsque l’arrière est sur le banc, ce chiffre descend à 104,5. La différence est criante.
Sa blessure à la cheville a grossi le trait, mais le constat reste le même sur l’ensemble de la saison régulière. 111,7 de defensive rating avec, 105,2 sans. Cela revient concrètement à passer de la 16e défense de la ligue — à égalité avec les Spurs et le Thunder — à la meilleure de toute la NBA. Même la présence du DPOY dans les rangs de Utah ne peut pas compenser ce point faible.
C’est essentiellement là-dessus que l’arrière jette un doute. Le Jazz ou sa prochaine équipe sera contraint de l’entourer de joueurs capables de palier à ce défaut. Il pénalise ainsi sa franchise dans le jeu ou, au mieux, dans la construction de l’effectif. Ce qui est bien évidemment plutôt indigne d’un potentiel franchise player.
Donovan Mitchell peut-il être le centre d’une équipe compétitive ?
Très peu de joueurs figurent parmi les meilleurs attaquants et les meilleurs défenseurs de la ligue. Toutefois, ceux qui y parviennent dominent la ligue : Giannis Antetokounmpo, Kawhi Leonard et Joel Embiid en font notamment partie. Une telle efficacité des deux côtés du terrain pose facilement les bases d’un projet sportif.
Lorsqu’un joueur plombe son équipe sur le plan défensif, il faut absolument qu’il soit irréprochable en attaque. Stephen Curry, Kevin Durant et Nikola Jokic, par exemple, sont tous les trois suffisamment impactant pour compenser un quelconque manque d’activité d’un côté du terrain. Et ils ont prouvé à maintes reprises qu’ils étaient capables d’au moins suivre le rythme en défense.
Le point faible de Donovan Mitchell en défense est très handicapant pour une équipe. Et il devra absolument jouer de manière plus collective s’il espère un jour rejoindre cette catégorie de joueurs. Est-il aujourd’hui un franchise player ? C’est difficile à déterminer. Il a encore de grands progrès à faire pour clore le débat.
En revanche, l’arrière du Jazz est encore très jeune. À 25 ans, il n’est pas trop tard pour se rattraper — au moins partiellement — sur ses lacunes. Son âge augmente drastiquement sa valeur aux yeux des franchises NBA.
On peut certes douter de la capacité de Mitchell à porter une équipe. Mais le fait qu’il soit encore au début de sa carrière est un argument de vente très convaincant. De plus, l’arrière est encore sous contrat jusqu’en 2026. Tout cela fait de lui un joueur très intéressant sur le marché des transferts.
Pour de nombreuses raisons, le natif de l’État de New York a une valeur extrêmement élevée aujourd’hui. Si Danny Ainge est bel et bien prêt à le trader, il est peu probable qu’il le laisse partir sans un package massif. Il aurait sans doute tort d’en décider autrement.
Donovan Mitchell s’interroge sur le projet du Jazz, son avenir est-il à Utah ?