Here we go, comme dirait Fabrizio Romano, le Adrian Wojnarowski du foot. Après des longues semaines de négociation, le Utah Jazz a finalement transféré sa star Donovan Mitchell. Sauf que ce ne sont pas les New York Knicks, très longtemps considérés comme les favoris sur le dossier, mais les Cleveland Cavaliers qui ont raflé la mise. La franchise de l’Ohio a mis le paquet en offrant trois tours de draft non protégés – un de plus que ce que proposaient les New-yorkais – deux swaps, Collin Sexton, le rookie Ochai Agbaji et Lauri Markkanen.
Donovan Mitchell, comment les Knicks l’ont laissé filer
Le regard pourrait d’abord se porter sur la masse d’atouts cédés par les Cavs pour mettre la main sur Mitchell. Mais plutôt que de se concentrer sur ce que les dirigeants ont lâché, mieux vaut se concentrer sur ce qu’ils sont en train de bâtir : un groupe profond, talentueux, avec trois All-Stars (et oui !) et l’un des jeunes joueurs les plus prometteurs de sa génération.
Un effectif bien profond, bien costaud à Cleveland
Donovan Mitchell rejoint donc Darius Garland, Jarrett Allen et Evan Mobley. Mais aussi Caris LeVert, Kevin Love, Ricky Rubio, Isaac Okoro, Cedi Osman… un vrai mix intéressant avec plusieurs profils, plusieurs postes, plusieurs expériences et plusieurs types de skills différents.
Cleveland disposait de l’une des dix attaques les moins efficaces de la ligue la saison dernière (111 points sur 100 possessions), et ce malgré la progression fulgurante de Garland, devenu All-Star avec 21,7 points et 8,6 passes. L’arrivée de Mitchell – constamment au-dessus des 23 pions de moyenne depuis sa deuxième année en NBA – va faire beaucoup de bien dans ce sens. Le coach JB Bickerstaff dispose désormais d’une première option encore plus forte, capable de se créer son propre tir en sortie de dribbles et de débloquer des situations avec son bagage technique.
Le backcourt formé par Garland et Mitchell est l’un des plus excitants à l’Est sur le papier. Aussi l’un des plus grands intrigants, parce qu’il amène son lot de questions et de doutes. Les deux vont pouvoir alterner les picks-and-roll en profitant de la taille d’Allen et Mobley. Le jeu des Cavaliers n’était pas vraiment construit là-dessus la saison dernière mais c’était peut-être parce qu’il manquait justement cet autre joueur capable de vraiment faire la différence balle en main après la blessure de Sexton.
Donovan Mitchell et Darius Garland, ça match ?
Sexton, venons-y. Même si le surnom « SexLand » du tandem constitué avec Garland faisait bien marrer tout le monde, leur association avait déjà montré certaines limites en termes de complémentarités. Mitchell n’est pas Sexton. Il est déjà bien plus accompli en NBA. Mais ça reste un joueur au style assez similaire : un fort scoreur qui a besoin de la balle entre ses mains.
Les deux stars des Cavaliers sont plutôt adroites à trois-points mais aucune des deux n’excellait vraiment en « spot up » la saison dernière. Ce sont des joueurs qui préfèrent prendre leurs tirs en sortie de dribble, après avoir travaillé leur défenseur. Ils auront a priori deux choix : soit alterner les possessions, un peu comme l’ont fait Bradley Beal et John Wall aux Washington Wizards pendant quelques années, soit faire évoluer leur jeu pour créer une vraie synergie.
Défensivement, ce duo présente aussi de nombreuses limites. Mais les Portland Trail Blazers ont réussi à se montrer compétitifs pendant plusieurs années avec Damian Lillard et CJ McCollum. Surtout qu’avec Allen et Mobley, les Cavs ont de quoi protéger le cercle. Ils ne boxeront peut-être plus dans la cour des meilleures défenses (top-5 en 2022) mais ils seront certainement plus forts en attaque sans pour autant perdre tous leurs principes et atouts de l’autre côté du terrain.
Evan Mobley, la clé pour Cleveland
Ce transfert devrait aussi boucher la masse salariale de l’équipe à terme. Mais qui allaient signer à Cleveland de toute façon ? Il ne faut pas se leurrer. Le GM Koby Altman a eu le mérite de récupérer un joueur qu’il n’aurait sans doute jamais pu convaincre lors de la Free Agency. D’ailleurs, l’une des conclusions de cette intersaison, c’est que les « petits marchés » n’ont d’autres choix que de se saigner complètement (Minnesota, Atlanta, Cleveland) pour faire venir un joueur majeur dans leur effectif.
Sans picks en 2025, 2027 et 2029 (avec les swaps en 2026 et 2028), les Cavaliers auront peu de marge pour se renforcer. Mais là encore, peu importe. Ils misent sur la progression interne de leurs jeunes talents. Mitchell va avoir 26 ans. Allen 24. Garland 23. Okoro fêtera ses 22 ans en janvier. Mobley vient de souffler ses 21 bougies. C’est lui la clé. Non seulement pour la saison à venir, où il devra faire le liant entre le backcourt et le frontcourt des deux côtés du parquet. Mais aussi évidemment à l’avenir.
Il est considéré comme un talent générationnel et pour vraiment atteindre les sommets à l’Est – ce qui semble l’ambition assumée de la franchise – il va devoir se montrer à la hauteur de ce statut dans les années à venir. Garland et Mitchell sont d’excellents joueurs mais ce ne sont pas des potentiels top-10 players dans cette ligue. Ce n’est pas une critique, loin de là. Par définition, il ne peut y avoir que 10 joueurs parmi les 10 meilleurs joueurs du monde (ça c’est de l’analyse).
Evan Mobley est amené à devenir ce franchise player. Il va devoir dominer défensivement pour couvrir les lacunes de ses coéquipiers. Il va devoir aussi continuer à se développer offensivement, aux tirs, à la passe, près du panier, comme il l’a déjà montré, pour offrir de la diversité au jeu de son équipe. Petit détail : avec l’arrivée de Donovan Mitchell, le troisième choix de la draft 2021 ne pourra pas signer une extension sur cinq ans en 2024. En effet, les Cavaliers disposent désormais déjà de deux « designated player. »
Quelle place à l'Est pour les Cavaliers ?
Ça, c’est si Mitchell reste à Cleveland. Notons que ce n’est pas une destination qu’il avait réclamé, même s’il est sûrement heureux à l’idée de rejoindre un groupe jeune et compétitif. Il est peu probable qu’il réclame son transfert prochainement. Par contre, si la mayonnaise ne prend pas, les Cavaliers peuvent toujours essayer de sauver les meubles en l’échangeant à nouveau dans deux ans en cherchant à récupérer une partie des assets cédés. C’est un scénario catastrophe qui n’est pas au programme, bien sûr, mais qu’il faut garder en tête.
Au pire, ils auront perdu du temps. De toute façon, encore une fois, la base, c’est Mobley. Ce qui peut faire mal, par contre, c’est d’avoir perdu autant d’atouts pour finalement être… la sixième meilleure équipe à l’Est ? Même avec cet effectif, Cleveland reste en-dessous des Milwaukee Bucks et des Boston Celtics. Les Brooklyn Nets au complet sont aussi plus forts, tout comme le Miami Heat a priori. Les Philadelphia Sixers devraient rester au-dessus.
Ça annonce une très grosse bataille avec les Chicago Bulls, les Atlanta Hawks et les Toronto Raptors pour les places 6 à 8. Avec toujours l’espoir, bien sûr, d’accrocher le top-4. Mais passer un tour n’est absolument pas une garantie pour Cleveland, même après avoir sacrifié 5 picks et 3 jeunes joueurs.
Le Jazz regarde loin devant
Pour le Jazz, c’est une reconstruction totale dans le but de récupérer un gros poisson à la draft dans les trois ans à venir. La franchise de Salt Lake City dispose désormais de 13 picks jusqu’en 2029, sachant qu’elle va sans doute encore en accumuler en se débarrassant de Mike Conley, Bojan Bogdanovic, etc. Place à la jeunesse avec Markkanen et Sexton (signé pour 72 millions sur quatre ans) en patrons pour l’instant.
Le tandem pourrait faire quelques merveilles offensivement. Il ne serait pas étonnant que le Finlandais se remette à briller dans ce contexte sans pression. La barre des 20 points est probable. De quoi faire monter sa valeur, si jamais le Jazz décide de faire comme les Sixers époque Sam Hinkie en transférant n’importe quel joueur capable de ramener des choix de draft supplémentaires. Le tout en attendant de drafter la superstar de demain.