Dominique Wilkins fête ses 64 ans aujourd'hui. On vous repropose donc ce souvenir du duel légendaire que Wilkins avait livré face à Larry Bird en 1988.
Les comics américains regorgent de superhéros plus invincibles les uns que les autres. Avec ses « Avengers », Marvel réunit ces êtres et bêtes extraordinaires qui font rêver la jeunesse (mais pas que) en sauvant le monde. Mettant en scène notamment deux de ses plus fameuses créations : une grosse bête verte qui écrase tout sur son chemin, Hulk, et une machine capable de voler et très bien armée, Iron Man. Lorsque l'on passe de la fiction à la réalité, des BD et du septième art au sport et aux parquets américains, les héros peuvent également mettre en commun leurs forces pour vaincre. Ou, pour équilibrer l'opposition et améliorer la glorieuse incertitude du sport, s'affronter dans un combat à la vie à la mort.
Le 22 mai 1988 nous a offert un condensé de cette comparaison entre la balle orange et la science-fiction nord-américaine. D'un côté, un homme blanc habillé tout en vert hors du commun. Lequel peut compter sur de valeureux soldats qui, eux aussi, peuvent se vanter de frôler avec le surnaturel. Son nom : Larry Bird. De l'autre un homme noir tout de rouge vêtu qui, à la manière du héros enveloppé dans son armure aux mêmes couleurs, va plus vite que tout le monde. Saute plus haut tout le monde. Et laisse bon nombre de ses ennemis impuissants. C'est Dominique Wilkins.
Boston avait tenté un trade pour réunir Michael Jordan et Dominique Wilkins
« La seule manière de l'arrêter, c'était de le tuer »
Cette soirée avait tout pour entrer dans la légende. Tout d'abord, un scénario qui n'avait rien à envier à ceux sortis du cerveau de Martin Goodman, le fondateur de « Marvel Comics ». Un Game 7 de demi-finale de conférence. Une provocation avant la rencontre de la part de Larry Bird, qui venait de remporter un Game 6 avec son équipe et s'adonnait à son art favori : le trashtalk.
« Ils pourraient bien l'avoir oublié, mais ils n'ont aucune chance. Ils ont eu une chance de nous battre (lors de la manche précédente, ndlr), et nous savons tous que si on perd, on est en vacances demain. »
Mais également deux passifs impressionnants : Dominique Wilkins tournait à 29 points lors du début de la série, Larry Bird à 25 points. Puis, surtout, un duel rempli de suspense et d'exploits. Lors de ce Game 7, le Boston Garden a pu contempler un face-a-face qu'aucun scénariste n'avait prévu. Les Celtics mènent 84-82 quand, au début du quatrième quart-temps, le film s'emballe. Dominique Wilkins inscrira seize points jusqu'au buzzer final. Larry Bird vingt. Surtout, les deux hommes prennent chacun en otage la rencontre. Ils se répondent par paniers interposés. Monopolisent l'attention. Coupent le souffle de millions de spectateurs.
Je ne pouvais rien rater. Il ne pouvait pas rater. C'est le plus grand match de basket que j'ai joué ou vu jouer
« C'était comme si deux cowboys se défiaient »
Plus qu'un match, ils veulent avoir l'honneur de dire qu'ils sont sortis vainqueurs de ce ce petit concours improvisé. Exposant au TD Garden et au monde entier leur exceptionnelle panoplie : pénétrations, shoots à mi-distance, à trois-points et rapidité d'exécution, jump shoots et jeu dos au panier (surtout pour Larry Legend). Il n'y en avait que pour eux. Pour notre plus grand plaisir.
« C'était comme si deux cowboys se défiaient en duel pour voir lequel allait tirer le premier et lequel allait tomber le premier », raconte Kevin McHale à sbnation. « Quand Dominique en rentrait un, Larry en rentrait un autre. La seule manière qu'ils avaient d'arrêter Larry, c'était de le tuer. »
Certainement un brin excessif, Kevin McHale l'a mauvaise : sa très bonne prestation a été éclipsée (voire oubliée) par celle de ces deux gladiateurs. Car ce soir, il n'y avait pas que Larry Bird et Dominique Wilkins qui étaient au rendez-vous. Kevin McHale, par exemple, a inscrit 33 points (à 13/13 sur la ligne des lancers-francs) et récupéré 13 rebonds. Avec Robert Parish, il a cumulé 47 points et 18 rebonds. C'est simple : tous les joueurs du cinq des C's ont inscrit au moins 10 points. Côté Hawks, Randy Wittman a planté 22 points à 11/13 au shoot. Doc Rivers, lui, a inscrit 16 points, récupéré 5 rebonds et distribué 18 passes. Enfin, le pivot Kevin Willis s'est offert 10 points et 11 rebonds. Autant d'efforts que les deux célèbres ailiers ont dilapidé en un quart-temps.
« Je ne pouvais rien rater. Il ne pouvait pas rater. C'est le plus grand match de basket que j'ai joué ou vu jouer. C'étaient deux gars qui ne voulaient absolument pas perdre », se remémore Dominique Wilkins.
La malédiction de Dominique Wilkins
Dominique Wilkins avait un rêve : gagner en dominant cet homme qui avait déjà remporté trois bagues. Un chiffre dont il était bien loin. Montrer à Hulk qui était le plus athlétique. Il s'est donné les moyens de le réaliser. Et ce même lorsque la légende des Celtics a inscrit un trois-points pour donner huit points d'avance à Boston (112-105). Le plus gros écart du match. Mais forts des efforts du natif de Paris, les Hawks sont revenus à 118-115. Problème : quand Dominique Wilkins se voit accorder deux lancers-francs, il ne reste plus qu'une seconde au chronomètre. Il rentre le premier. Échoue volontairement le second (le seul qu'il ait raté durant le match). Puis passe d'un joli rêve à une triste réalité : celle de la défaite. Et, donc, de l'élimination.
Si Dominique Wilkins a terminé cette rencontre légendaire avec plus de points que Larry Bird (47 contre 34), il a échoué encore une fois aux portes de la finale de conférence. Car si « Do » a permis aux Hawks de remporter 50 matches de saison régulière ou plus à cinq reprises, il ne les a jamais menés aussi loin à l'Est. Là est bien la malédiction qui a tant fait souffrir la machine à highlights (d'où son surnom « The Human Highlight Film »).
« Nous pensions que nous allions remporter le titre cette année », se souvient-il avec un goût amer. « Nous le pensions vraiment. Nous pensions jouer de la bonne manière, particulièrement durant la deuxième partie de la saison. Nous avions grandi et emmagasiné beaucoup de confiance à tel point que nous pensions pouvoir gagner. »
À tort.
Larry Bird, la bête humaine
Larry Bird, qui est passé à deux doigts de l'élimination ce soir-là, ne tarit pas d'éloges sur son rival du soir lorsqu'on lui évoque cette confrontation d'anthologie :
« Ils étaient venus chez nous. Ils étaient jeunes. Ils jouaient collectif et Dominique était leur leader. Ils avaient tous les ingrédients d'une très bonne équipe de basket. »
« Ouf » a-t-il dû penser après cette qualification, lui qui rêvait de se venger des Lakers après sa défaite en finale l'an passé. Il tombera finalement au tour suivant face aux Pistons, qui échoueront en finale contre les Angelenos, décidément indétrônables à la fin des années 80 (trois titres en quatre ans). Deux ans plus tôt, le célèbre ailier des C's avait déjà vanté les mérites d'une des stars de la balle orange après l'avoir vaincue.
« C’était Dieu déguisé en Michael Jordan » avait-il déclaré suite aux 63 points de His Airness (un record en playoffs) conclus par une victoire de Boston et 36 points de Larry Bird.
Le 20 avril 1986 comme le 22 mai 1988, ce dernier, à l'image du physicien Bruce Banner, s'est énervé. Résultat : il s'est transformé en ce monstre vert qui pouvait à tout moment marcher sur la Grande Ligue. Un monstre qui n'était pas sorti du cerveau de Stan Lee et des dessins de Jack Kirby, pouvait faire lever le Boston Garden, mais également se muer en briseur de rêves. Notamment face à n'importe quelle machine rouge. Qu'elle s'appelle Michael Jordan, ou Dominique Wilkins.