Parfois, quand les temps sont durs, il est important de prendre du recul. De s’exiler. De laisser la frustration, la colère, la tristesse s’évacuer. S’évader du quotidien quelques jours pour combattre la dépression. Derrick Rose avait besoin de ce temps mort. Besoin de réfléchir. Réfléchir à son avenir. Sur le toit du monde en 2011, alors qu’une carrière brillante l’attendait, l’ancien MVP est descendu aux enfers depuis. Il est passé de prodige à paria. D’idole à la cible des moqueries. Imaginez seulement deux minutes ce que le bonhomme doit traverser mentalement. C’est vraiment difficile.
Au point où il a carrément pensé à arrêter sa carrière à moins de 30 ans. L’équivalent du suicide – toutes proportions gardées s’il-vous-plait – pour un sportif de haut niveau. Mais après son exil, le natif de Chicago a finalement les idées plus claires : il veut revenir. Selon ESPN, D-Rose est de retour à Cleveland depuis hier. Il a désormais débuté sa période de rééducation pour soigner sa cheville blessée. Et il entend donc reprendre la compétition d’ici peu (deux semaines a priori).
« Il veut revenir et il veut jouer. Il est trop jeune. Trop jeune et trop talentueux pour abandonner maintenant. Je sais qu’il est frustré mais je suis content qu’il se sente mieux. Et nous sommes heureux de le voir revenir », commentait le coach Tyronn Lue.
Heureux, sans doute. Mais les Cavaliers sont aussi certainement conscients des difficultés d’organisation posées par le retour de Derrick Rose. Car il va bien falloir lui faire une place quelque part. Ce n’est pas vraiment un hasard si les triples finalistes ont enchaîné douze succès de suite – série en cours – en l’absence du meneur. Alors, attention, il ne court-circuitait pas l’équipe au point que sa mise à l’écart suffise à expliquer les victoires soudaines de Cleveland. Non. LeBron James, Kevin Love, la défense, le banc ou Dwyane Wade sont au cœur de cette série. Mais Rose n’avait pas un impact positif sur le jeu. Au contraire, même.
Son absence a justement donné beaucoup plus de libertés offensives à Wade. Aligner Rose, LeBron et « Flash » simultanément ne marchait pas, et ce malgré leurs All-Stars, titres et MVP cumulés. Ils ont passé 35 minutes ensemble cette saison. Les Cavaliers se sont fait détruire à chaque fois : seulement 90 points marqués pour 116 encaissés sur 100 possessions. Pas assez de shoot, pas assez d’espace, pas assez de défense.
Pas de shoot, pas de défense, pas de temps de jeu
L’ancienne icône des Bulls a des qualités. Même après autant de blessures, il est toujours capable de conclure près du cercle de façon spectaculaire. Il est fort sur les drives. Il cale encore ses trois à quatre layups sensationnels par match. Mais ce n’est pas pour autant que ça fait du bien à son équipe. Il a besoin de la balle pour exister mais ne crée aucun jeu. Quand il est loin du ballon (23% à trois-points), la défense adverse l’ignore et se resserre sur les autres attaquants. Et ça, ça ne colle pas avec LeBron James. Wade n’est pas non plus respecté derrière l’arc (et encore, il met une tentative sur deux en ce moment) mais il sait jouer avec le King.
Derrick Rose n’a pas les automatismes. Rien que pour ça, il ne peut pas jouer dans le cinq ni même finir les fins de matches avec les deux amigos. Le cinq majeur tourne bien en ce moment. Le banc encore plus ! L’ancien multiple All-Star ne défend de toute façon pas beaucoup mieux que José Calderon. Les Cleveland Cavaliers sont sur une excellente dynamique et il serait vraiment dommage de la briser en essayant d’intégrer un joueur dont le profil obsolète ne colle pas avec la philosophie de l’équipe. La période d’adaptation pourrait s’avérer délicate. Surtout qu’il sera en manque de rythme après plusieurs semaines sans jouer. Après tout, il n’a disputé que sept rencontres cette saison !
Derrick Rose, future star du championnat chinois
Cette absence de défense et de tir extérieur, c’est exactement ce qui nous poussait à croire que Derrick Rose évoluerait de toute façon bientôt en Chine. Ses qualités ne sont plus vraiment recherchées. Ou plutôt : ses défauts sont trop importants pour être compensés par ses points forts. Après, cela ne veut pas non plus dire que les Cavaliers n’ont plus du tout besoin de lui. Sur un duel particulier, un match, une période… ça peut passer. Mais certainement pas dans un rôle majeur. Ni même en étant l’un des sept ou huit premiers joueurs de la rotation.
Rose peut-il accepter ça après tout ce qu’il a enduré ? Peut-il se contenter d’un rôle de dixième homme au temps de jeu très limité ou très irrégulier – 30 minutes par-ci, 8 par-là ? Peut-il même comprendre ça ? Arrivera-t-il à rester prêt, mentalement, alors qu’il est justement très difficile de rester motivé quand le rôle n’est pas clairement défini ? Ce sont tous les défis qui l’attendent, lui et son équipe, à son retour. Ça fait vraiment beaucoup.