« Quand vous aimez vraiment le basket, ça vous ronge de perdre autant », confie Derek Anderson à son arrivée à San Antonio.1,96 mètre, 100 kilos de muscles, l’ancien joueur sacré champion universitaire avec Kentucky est un arrière à l’ancienne. Physique. Puissant. Surtout, il cherche à prendre un nouveau départ, peu importe la destination du moment qu’il fout les pieds en dehors des Clippers. Les Spurs n’ont alors que 2,5 millions de dollars à lui proposer mais il accepte. Rejoindre une armada sacrée en 1999 et menée par les tours jumelles Tim Duncan et David Robinson est un luxe après s’être coltiné une saison entière avec Michael Olowokandi, Tyrone Nesby ou encore Maurice Taylor comme principaux coéquipiers. Les Spurs n’étaient pas vraiment réputés pour leur basket flashy au début du millénaire. Bien au contraire. Si la franchise texane a su faire évoluer ses principes pour les adapter aux exigences de chaque époque, elle était alors pleinement plongée dans cette période où les défenses de fer étaient au coeur des titres NBA avec des batailles de tranchées, un tempo lent et des balles données aux grands au poste bas pendant 48 minutes. En fait, les Spurs étaient chiants. Terriblement chiants pour le grand public qui préfère les highlights vivants que sont Allen Iverson, Vince Carter ou Kobe Bryant. C’est dans ce contexte que Derek Anderson détonne. Il n’a rien d’un joueur de San Antonio. Il est flashy, élégant, explosif. Il cartonne ses vis-à-vis en un-contre-un. Il fonce vers le cercle et décolle pour caler des dunks supersoniques. https://www.youtube.com/watch?v=xQW5ija8EsY Shawn Bradley a mangé un poster. Vin Baker en a aussi pris pour son grade. https://www.youtube.com/watch?v=dVbuZDBUyfk Mais le treizième choix de la draft 1997 n’est pas juste un showman. Il est celui qui est censé faire la différence. Le petit truc en plus. Le « facteur X », comme indiqué plus haut. Recruté dans l’optique de s’affirmer comme la troisième option offensive de l’équipe, il s’impose même comme un véritable lieutenant de Duncan et boucle la saison avec 15,5 points, 39% à trois-points, 4,4 rebonds et 3,7 passes. Des statistiques intéressantes dans une ligue orientée vers la défense. Les Spurs voient en lui l’espoir de pouvoir compter sur une nouvelle arme offensive capable de faire plier les Lakers en pleine ascension mais aussi sur un stoppeur censé ralentir le jeune et insolent Bryant.
« Avec l’équipe que l’on avait et un coach comme Gregg Popovich, on aurait pu battre les Lakers chaque année si j’étais resté », confessait l’intéressé quelques années plus tard.S’il était resté... et peut-être s’il ne s’était pas blessé. Car sans lui, c’est tout le plan de San Antonio qui tombe à l’eau lorsque Anderson reste scotché au parquet après avoir été charcuté par Howard. Les Spurs se retrouvent avec Antonio Daniels et les vieillissants Sean Elliott et Terry Porter pour limiter Kobe et soutenir les intérieurs All-Stars au scoring en finale de Conférence. Los Angeles ne fait finalement qu’une bouchée des Texans, balayés en quatre manches sèches. Un Derek Anderson au meilleur de sa forme aurait-il pu changé quelque chose ? Sa blessure et surtout la suite des événements ont certainement eu des conséquences sur le destin des Spurs. Libre de tout contrat, il espérait prolonger l’aventure dans la River City.
« C’était une super saison, une super équipe, de supers coéquipiers, un super coach, de supers fans... Mais le GM était irrespectueux. Je n’aimais pas le GM. Je crois qu’il a appris, après que je sois parti, qu’il ne fallait pas être impoli avec les gens et espérer les voir rester. »Des désaccords entre les parties ont poussé le joueur convoité à aller voir ailleurs. Un peu plus à l’Ouest. Et un peu plus au Nord. A Portland.
« San Antonio me proposait 28 millions alors que Portland m’en donnait 48. »Pas tout à fait exact selon les informations rapportées à l’époque. Les Spurs ont finalement offert jusqu’à 43 millions sur six ans, toujours cinq de moins que les Trail Blazers à l’époque. Il est signé par San Antonio et échangé dans la foulée à Portland en compagnie de Steve Kerr et d’un second tour de draft. Steve Smith posait lui ses valides à San Antonio. L’argent n’était visiblement pas le seul motif d’inquiétude pour Anderson.
« Duncan était sous contrat pendant encore deux ans et on se demandait ce qui allait se passer à ce moment-là alors qu’à Portland on avait le sentiment que l’équipe serait toujours compétitive, » admettait son agent.Ironie du sort, les Spurs ont gagné quatre autres titres en 2003, 2007, 2009 et 2014. Ils n’ont jamais manqué les playoffs et Tim Duncan a pris sa retraite en ne portant qu’une seule et même tunique tout au long de sa carrière. Les Trail Blazers, eux, ont connu quelques saisons plus difficiles et n’ont pas joué les finales de Conférence depuis 2000. Surtout, le départ de Derek Anderson a permis aux dirigeants de rameuter Manu Ginobili dans le Texas. Ils ont ensuite drafté Tony Parker. La suite est connue de tous.