"On va avoir un putain de problème. Ne mentionne plus jamais mon frère. Tu ne connais pas mon frère putain. Putain de lâche. Tu peux dire ce que tu veux sur moi mais ne mentionne jamais ma putain de famille".
La scène n'a pourtant rien de surprenant. Voilà plusieurs années que "Boogie" fait la loi dans le vestiaire des Kings et entretient des relations polaires et parfois très tendues avec une partie des reporters qui couvrent son équipe au quotidien. C'est simple, aucun autre joueur majeur dans la ligue n'intimide autant les médias que l'ancien de Kentucky. Pas même Russell Westbrook, adepte de la "méthode Marshawn Lynch" (répondre la même chose à toutes les questions, même si ça n'a aucun rapport avec la choucroute) et engagé lui aussi dans quelques brouilles avec des journalistes locaux. Lorsque "DMC" n'est pas satisfait d'un article et qu'il s'estime lésé par celui-ci, il lui arrive de refuser de s'exprimer en présence de l'auteur, quitte à payer l'amende prévue par le code de conduite de la NBA. Et lorsqu'il accepte de débriefer le match et de répondre aux questions, il n'est pas rare de le voir bazarder la chose. Lorsque j'étais à New York pendant la saison 2013-2014, j'ai pu constater le malaise qui existe entre Cousins et quelques uns des plumitifs en question. [superquote pos="g"]"Pas envie de répondre à ça, question suivante"[/superquote]Après une défaite sur le parquet de Brooklyn, Jason Jones, beat writer pour le Sacramento Bee (tiens, encore eux...) a sagement attendu que "DMC" ait fini de se changer pour recueillir ses impressions. On ne peut pas dire que Cousins ait été assailli ou harcelé par les journalistes ce soir-là, la majeure partie d'entre eux étant massée dans le vestiaire des Nets qui abritait alors quelques gros poissons comme Kevin Garnett, Paul Pierce, Deron Williams ou encore Joe Johnson. Jones a assisté cette année-là à tous les matches des Kings, à domicile comme à l'extérieur, et connaissait parfaitement l'humeur changeante de "Boogie". C'est pourquoi il s'est tenu à deux bons mètres du futur All-Star qui, alors que tous ses camarades étaient habillés et déjà sur le point de partir après avoir discuté avec la presse, temporisait avec une moue qui en disait long sur son envie de bavarder. Jones lui a alors fait un signe poli et légèrement angoissé pour lui demander s'il pouvait lui poser deux-trois questions, histoire de ne pas avoir fait les 5 heures d'avion pour repartir sans "quote" du franchise player. D'un air sévère, "Boogie" a secoué la tête pour lui indiquer son refus et s'est levé pour quitter le vestiaire. Après une brève intervention de l'attaché de presse des Kings (que l'on peut voir sur la vidéo de la confrontation avec Furillo) et malgré quelques mots doux de "Boogie" pour manifester son agacement, Jones a pu tendre son dictaphone et s'entretenir avec le pivot, au même titre que deux ou trois journalistes venus se greffer à la discussion. Discussion est un bien grand mot. "Boogie" a repris de volée chacune des questions qui lui étaient posées, que ce soit sur ses prestations ou sur des thématiques plus générales. "Sérieux, c'est ça votre question ?", "Pourquoi vous voulez savoir ça ?", "Euh, pas envie de répondre à ça, question suivante". Jones m'avait confié que tout admiratif qu'il était du talent de Cousins, ce n'était pas le joueur avec lequel il était le plus facile de converser. Certains journalistes locaux, un peu refroidis par la défiance constante de "DMC", ont même déjà demandé à leur employeur de ne plus les affilier aux matches des Kings. Pourtant, il a toujours trouvé son aversion pour les médias respectable car parfaitement honnête.Footage of exchanges between DeMarcus Cousins' & "Sacramento Bee" columnist Andy Furillo 👀 pic.twitter.com/ML8XE0p5aQ
— WORLDSTARHIPHOP (@WORLDSTAR) December 18, 2016
Cousins est néfaste, le comportement des journalistes aussi
DeMarcus Cousins n'aurait évidemment pas dû agir comme il l'a fait avec Andy Furillo l'autre jour. Son attitude négative et irritante en règle générale, avec la presse, ses coéquipiers ou ses adversaires, permet de comprendre pourquoi la plupart des GM à qui Howard Beck du NY Times a demandé s'ils étaient prêts à trader pour le récupérer ont répondu par la négative. Mais le Sacramento Bee devrait aussi balayer devant sa porte. Le traitement journalistique que font ses reporters des péripéties des Kings et de leur star est loin d'être exemplaire ou même tout simplement honnête. [caption id="attachment_283166" align="alignleft" width="318"] DeMatcus Cousins, ce "mauvais client".[/caption] Andy Furillo s'occupait autrefois des affaires judiciaires et sociétales de la ville dans la version papier du Bee. Ce n'est qu'en 2015 qu'il a commencé à fréquenter le vestiaire et à écrire sur les Kings. Rapidement, DeMarcus Cousins l'a pris en grippe, le trouvant constamment dans le jugement négatif, au même titre que deux ou trois de ses collègues du journal. La fin de l'article qui a mis le All-Star hors de lui en est un exemple parfait. Après avoir décortiqué le lieu de l'incident où Cousins a été impliqué avec Matt Barnes à l'aide de Yelp (...), Furillo a conseillé au joueur de 26 ans de "trouver des endroits plus convenables" pour sortir le soir, ou de "rester dans sa chambre d'hôtel pour jouer à 2K"... La dernière d'une longue série de saillies (en mars dernier, Furillo titrait par exemple l'un de ses articles "Il est temps que Sacramento se débarrasse de Cousins") où il a rarement mentionné le niveau de jeu parfois exceptionnel de l'intéressé ou son influence positive au sein la communauté. Cousins participe fréquemment à des événements caritatifs et rend visite à des enfants malades ou défavorisés sans prévenir le moindre média ou même la direction des Kings. Un facteur qui le rend nettement plus populaire auprès des fans que des journalistes du Bee. [superquote pos="d"]Présenter un Afro-Américain en colère comme un assaillant et un agresseur potentiel n'est pas sans conséquences[/superquote] Leur réponse à l'incident entre Cousins et Furillo est d'ailleurs assez pathétique. Qu'ils défendent leur collègue en demandant des excuses à Cousins, rien de plus logique. Mais la directrice exécutive du site, Joyce Terhaar, a sorti le lance-flammes et la machine à sensationnalisme. Le pivot des Kings y est présenté comme une brute épaisse prête à frapper un vieil homme innocent et, surtout, comme un homme pas assez malin pour comprendre les nuances et le supposé second degré dans l'article de Furillo."Furillo a tenu bon. Et ce n'est pas rien quand on voit la force et la taille de Cousins. Heureusement, Andy est un journaliste expérimenté qui a déjà pris une balle lorsqu'il couvrait les émeutes de Los Angeles à l'époque", lance-t-elle avant de citer sa collègue Aileen Voisin. "C'est une brute. Il martyrise tout le monde. Ses coaches, les employés de l'équipe et les journalistes. Je ne l'avais jamais vu intimider quelqu'un physiquement cela dit. D'habitude, il dévisage où refuse de parler".L'effet de cette sortie est désastreux. Dans le contexte de violence et d'injustice sociale que l'on connaît aux Etats-Unis, présenter un Afro-Américain en colère comme un assaillant et un agresseur potentiel n'est pas sans conséquences auprès du lectorat. Aussi imbuvable et peu aimable soit-il, Cousins ne doit pas servir de défouloir à des journalistes frustrés. Ceux qui couvrent la NBA au quotidien aux Etats-Unis le savent. Lorsque l'on critique aussi durement et régulièrement un sportif en considérant que l'on est dans son bon droit, il faut être prêt à accepter qu'il le vive mal et soit lui aussi véhément à un moment, s'il ne dépasse évidemment pas les limites du raisonnable. [superquote pos="g"]Les journalistes NBA sont des privilégiés et l'oublient parfois.[/superquote]Il est parfaitement acceptable de critiquer DeMarcus Cousins sur des critères argumentés. Depuis son arrivée dans la ligue, il peine à transformer son incroyable talent en force pour inspirer ses partenaires et former un groupe capable de se qualifier pour les playoffs. Mais lui faire un procès et le tailler en pièces à longueur d'articles parce qu'il n'est pas un "bon client" n'est pas juste. Les beat writers et les reporters de la NBA sont des privilégiés et certains d'entre eux ne se rendent pas toujours compte de leur confort de travail. Les vestiaires leur sont ouverts avant les matches jusqu'à 20 minutes du coup d'envoi et presque immédiatement après le coup de sifflet final. Les entraînements ne leur sont presque jamais fermés et ils sont en contact quasiment permanents avec les joueurs, ce qui leur évite généralement de lancer des rumeurs ou d'interpréter des comportements sans avoir la moindre information à ce sujet comme dans d'autres sports. Si les joueurs, même "Boogie", dialoguent aussi facilement avec des pointures comme Lee Jenkins de Sports Illustrated ou Zach Lowe d'ESPN, c'est parce que leurs analyses et leurs critiques ne sont pas liées à un délit de sale gueule ou à leur opinion personnelle sur l'humain. C'est probablement tout ce que demande Cousins au Sacramento Bee.