Dans l’épisode précédent : Darrell and Bo ont saisi leur chance et se sont imposés comme des joueurs NBA de complément. Le hasard et le destin faisant bien les choses, ces deux joueurs sortis de nulle part se sont retrouvés dans la même franchise : le Orlando Magic. Les premières lignes de leur histoire commune étaient en train de s’écrire. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’ils allaient marquer à jamais l’histoire de leur franchise en impactant indirectement le futur de la ligue ; et ma vision de fan par la même occasion.
Par Kevin Desprez, aka @Kevout6
Episode 3 : Heart and hustle
A la fin de la saison 98-99, la franchise d'Orlando est allée au bout de ce qu’elle pouvait faire et offrir à Penny Hardaway. La magie ne prend plus. L’objectif est clair : la free agency de l’année 2000. Alors exit la légende Penny, direction le Phoenix Suns. Horace Grant part à Seattle et le transfert qui éveillera mon attention de fan français sera celui de Nick Anderson aux Kings pour Tariq Abdul-Wahad. Une démarche que l’on qualifierait aisément de reconstruction voir de tanking lorsqu’on est taquin.
Ce Magic version 99 a été la première équipe de Doc Rivers, 38 ans à l’époque, avec laquelle il remportera son seul et unique trophée de coach de l’année, en année… 1 (pas mal), sans même jouer les playoffs. Pas une mince affaire donc. Parce qu'amener en PO une équipe composée principalement de joueurs ayant connu moins de 3 saisons NBA aurait relevé de l’exploit. Et pourtant, il s’en est fallu d'un match, le 81ème face à Milwaukee et un shoot raté de Chucky Atkins, pour échouer aux portes de la post-saison, malgré un bilan de 10-5 lors du sprint final.
Débutons par la singularité et la mentalité unique de ce roster composé de 5 joueurs non draftés avec un rôle majeur : à côté des incontournables Darrell and Bo, vous pouviez trouver Ben Wallace, qui n’était absolument pas encore le joueur que l’on connaît aujourd'hui, John Amaechi et Chucky Atkins. Mais il ne faut pas minimiser les apports du rookie extraordinaire et électrisant qu’était Corey Maggette, une demi-saison de TAW que j’ai adorée, des shoots de Pat Garitty, et Michael Doleac, ainsi que l’expérience de Monty Williams ou de Chris Gatling. Notons durant cette saison la participation ponctuelle d’autres joueurs de compléments connus pour leur état d’esprit : Earl Boykins, Anthony Parker, Matt Harpring ou Anthony Johnson.
Mais en pré-saison, cet effectif ne fait pas rêver. Sports Illustrated en fait même l'un des potentiels candidats au pire bilan de l’histoire de la ligue, rien que ça. Doc Rivers ne manquera pas de s’en servir comme source d’inspiration et de motivation dès l’ouverture du training camp. Lui qui a joué pour Pat Riley avait retenu une chose, la culture avant le jeu. Et il comptait bien transmettre cette philosophie à ce groupe pour en faire des morts de faim.
"Un de mes pires meetings, c’est lorsque j’étais à Orlando. Doc Rivers arrive et nous dit ‘on va être l’équipe qui bosse le plus en Floride’. On s’est tous regardé en disant 'Oh my god'. Parce que Miami (de Pat Riley), ça bosse dur", racontait Tariq Abdul-Wahad.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a eu un effet Rivers. Jeune coach insouciant, il n’hésite pas à tenter des paris en alignant Bo Outlaw et Ben Wallace dans le 5 majeur (Bo jouant poste 3 et Ben Wallace poste 4, imaginez un peu le spacing de l’époque !). Cette team annoncée comme l'une des pires de l’histoire joue dur. Tariq Abdul Wahad est rayonnant et fait parler son excellent jeu au poste, Darrell Armstrong est dans la lancée de sa saison précédente historique et le duo Ben Wallace/Bo Outlaw fait vivre un enfer aux attaques adverses. L’équipe parvient à se maintenir à l’équilibre lors des 20 premiers matches, puis enchaîne 4 victoires de suite pour porter son bilan à un honnête 15-11 à la mi-décembre ; avant de connaître un passage à vide avec 13 défaites en 14 matches. Mais ce Magic à de la ressource, et le front office tente un coup pour relancer la saison. TAW et Chris Gatling sont envoyés à Denver en échange de Ron Mercer, Chauncey Billups (qui ne jouera plus de la saison) et Johnny Taylor.
Mon cœur de fan est un chouilla déçu, mais même si le Français quitte le navire, Darrell et Bo maintiennent mon intérêt pour cette équipe si combative. Combative, à l’image de ce match du 1er février au MSG. Le trade de TAW vient d’avoir lieu, l’équipe se présente face aux derniers finalistse NBA avec seulement 9 joueurs disponibles. Les Floridiens infligent une défaite de 21 points aux Knicks (98-77), portés par les 60 points de 4 joueurs de banc, dont 22 pour Atkins, non drafté quelques mois auparavant. Tout un symbole. Orlando retrouve le quasi équilibre au All-Star Break. Les hommes de Rivers continuent de s’accrocher jusqu’au milieu du mois de mars, où une série de 7 victoires d’affilée porte leur bilan à un honorable 38-36. Les playoffs sont en ligne de mire, qui l’eut cru ? Absolument personne.
Les valeurs prônées par Doc Rivers reposent sur une solidarité exceptionnelle, où chaque soir 9 joueurs jouent entre 17 et 30 minutes par match et tournent entre 8 et 16 points. Seul Bo Outlaw et Ben Wallace scorent moins, mais leur apport défensif est tel que leur rôle est prépondérant. Un équilibre solide, mais pas suffisant pour s’assurer la 8ème place avant le 81ème match. Orlando est à 40-41, Milwaukee à 41-40. Un win or go home pour Orlando qui sera héroïque face au Big Three de Bucks et aux 21 points de Tim Thomas en sortie de banc. Chucky Atkins manquera le tir décisif. Défaite rageante de 2 points. Orlando passe de peu à côté d’une qualification qui aurait été l’une des plus imprévisibles de l’histoire. Et comme cette team ne fait pas les choses à moitié, elle remporte son dernier match, histoire de finir en 41-41.
Comme prévu par John Gabriel, cette team sera démantelée en fin de saison. Ben Wallace et Chucky Atkins seront transférés aux Pistons pour Grant Hill. T-Mac sera signé. Duncan finira par rester aux Spurs. La suite, on la connaît. Grant Hill se blesse et Tracy McGrady devient un joueur hors norme.
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Darrell Armstrong et Bo Outlaw poursuivront l’aventure en Floride et participeront activement aux années Grant Hill et Tracy McGrady avec panache jusqu’à la saison 2001-2002, sans jamais passer un premier tour. Pendant 5 saisons, ce duo au parcours atypique, passé par des universités de secondes zones, des ligues mineures, l’Europe… aura fini par s’imposer de la plus belle des manières en NBA. Deux joueurs ultra fun à regarder, avec une bonhomie qui les rendait sympathiques et accessibles. Deux joueurs qui ont compensé leurs lacunes par une force mentale et une abnégation à toute épreuve. Leurs plus belles années étaient indéniablement celles qu’ils ont passées ensemble à Orlando.
Après avoir fait partie de quelques trades dont la NBA a le secret, Bo a rendu de fiers services à Phoenix et Memphis, avant de revenir terminer sa carrière en Floride. Il est aujourd’hui ambassadeur pour la franchise. C’est Monty Williams qui en parle le mieux : « Bo est Bo. Tout le monde l’aime et pour une bonne raison ; il travaille dur, essaie toujours d’aider les gens et ne demande pas à être crédité pour ça ».
Darrell connaîtra une saison supplémentaire avec le Magic avant de lui aussi goûter aux transferts NBA douteux. Partout où il est passé, il a conservé son rôle d’énergizer et de pile électrique en sortie de banc. De NOLA à Dallas, en passant par Indiana et New Jersey, celui qui gardait un casque de foot US dans son casier pour se rappeler de ses débuts, a toujours attiré le respect de ses pairs. Il est aujourd’hui assistant coach pour les Dallas Mavericks. C’est d’ailleurs lui qui avait essuyé le spin move partagé abondamment sur les réseau sociaux de Luka Doncic lors d’une séance d'entraînement il y a quelques mois.
Il est entré au Hall of fame de la franchise d’Orlando y rejoignant Shaq, Penny, T-Mac et Nick Anderson. « Personne ne lui a rien donné. Il a gagné tout ce qu’il a. Il l’a fait à la dure et différemment, mais il l’a gagné. Nous avions l’habitude de nous asseoir et de parler du chemin qu’il a parcouru. Il faut parler plus souvent d’histoires comme la sienne », expliquait Nick Anderson.
Pour beaucoup, ce Heart and Hustle en vigueur à Orlando a déclenché le coaching de Doc Rivers aux Celtics et sa carrière de coach référencé, la carrière de Hall of Famer de Ben Wallace et son influence sur la culture des Pistons des années 2000, l’histoire et la carrière si singulières de John Amaechi, voir été& l’une des sources d’inspiration du coaching de Monty Williams. Mais pour ma part, cet héritage c’est ce duo marquant du début des années 2000, avec deux hommes auxquels, de prime abord, on aurait donné au grand maximum une place de 10ème homme en NBA. L’espace d’une saison, Darrell Armstrong et Bo Outlaw ont donné tout son sens à la phrase que feu Flip Sanders aimait rappeler à Kévin Séraphin : « Il n’y a pas de mauvais joueur dans cette ligue, il n’y a que des mauvaises équipes ». Comprenez, tout est une question de contexte, et celui du Orlando Magic était parfait.
« Je pense que ce qui a rendu cette équipe de 99-2000 si bonne, c’est à quel point nous étions proches, surtout avec des gars comme Darrell et Bo. C’était un groupe incroyable. » Doc Rivers