Dans l’épisode précédent : Après une carrière universitaire atypique, notre duo d’underdogs n’a pu être drafté, et après des passages remarqués en ligue mineure, c’est vers les championnats européens qu’ils vont se tourner. Si Darrell Armstrong va marquer les esprits, on ne peut pas en dire autant pour Bo, qui quittera le Vieux Continent dans l’anonymat le plus total. Mais l’important n’est pas là, puisque les deux compères vont avoir la chance de décrocher un contrat NBA.
Par Kevin Desprez, aka @Kevout6
Darrell & Bo : les underdogs d'Orlando, épisode 1
Episode 2 : Le destin
Darrell Armstrong ayant terminé sa saison en Espagne, il se voit proposer un contrat par Orlando. Croire que cette opportunité est uniquement liée à ses saisons outre-Atlantique, ce serait simplifier l’histoire. La légende raconte que Darrell a disputé deux matches à Daytona Beach en USBL quelque temps auparavant (je peine à trouver la date), sans savoir que John Gabriel, architecte du Magic, est présent dans la salle pour évaluer l’un de ses adversaires. C’est là que son talent sautera aux yeux du GM floridien qui le voit coller 45 et 31 points en back to back. « Il s’est simplement démarqué en tant que spécialiste du Hustle. Toutes les choses que vous savez à son sujet m’ont sauté aux yeux. J’ai dit : « C’est le genre de joueur qui ferait du bien à n’importe quelle équipe. »
Une année après Bo, c’est à son tour d’avoir une chance en NBA, et dès sa deuxième apparition sur un parquet NBA, il va marquer les esprits. Il entre en jeu face aux Pacers lors d'une large victoire, et profite d’une sortie de balle des plus douteuses pour faire valoir tout ce qui le caractérise en l'espace d’une courte action : il surgit de nulle part pour intercepter le ballon avec une vivacité déconcertante, pose deux dribbles, coince la balle entre sa main et son poignet et claque un dunk renversé qui fait lever la foule. Explosivité, instinct défensif, sens du show : la complète œuf, jambon, fromage. Le banc du Magic est debout, ébahi face à tant de culot. Les Horace Grant et autres Brian Shaw sont hilares. Shaq se laisse aller et propose même de lui éviter le traditionnel bizutage du rookie.
Darrell assistera au magnifique parcours du Orlando Magic en playoffs, alors qu’il a été recruté à peine 8 matches avant la fin de la SR. Voir l’élimination des Bulls de sa majesté et les finales NBA, c’est plus qu’inespéré pour un rookie de 26 ans, qui pointait toutes les nuits à l’usine faute de contrat. Il participe alors à la Summer League avec Orlando et convainc une nouvelle fois les dirigeants grâce à son investissement défensif. Un état d’esprit qu’il transpose lors des training camps et des entraînements durant la SR. Il rend la vie impossible aux arrières du Magic et défend à 200%, augmentant ainsi l’intensité et la compétitivité au sein de l’équipe. Chaque exercice, chaque petit jeu, chaque pick up game est une occasion pour lui de montrer qu’il a le niveau NBA.
Alors même s’il ne participe qu’à 13 petits matches en 95-96, sa place au sein du collectif est importante. La saison se terminera par un sweep face à Chicago, emmené par un MJ en route pour un second Three Peat. L’entente en interne n’est pas au top et Shaq signe aux Lakers. La saison 96-97 démarre, Armstrong a plus souvent sa chance, mais son temps de jeu reste très oscillant. Après 49 matches , Brian Hill est limogé. Pas idéal, donc, dans cette saison laborieuse où Orlando termine 7ème de la ligue et affronte Miami au premier tour. Le Heat mène très vite et facilement 2-0 dans cette série. Darrell joue très peu. Mais le Magic revient à 2-2, emmené par un Penny Hardaway légendaire avec deux matches à plus de 40 points ; ça c’est ce que tout le monde retient, et à juste titre. Ce que l’on sait moins, c’est que c’est au cours de cette série et à partir du game 3 que Darrell Armstrong va commencer à écrire sa légende. Il joue 38 minutes aux côtés de Penny et s’occupe personnellement de Tim Hardaway en le limitant à 4 sur 16, puis à 5 sur 19 sur le game suivant en jouant 40 minutes. Pour le game 5, malgré la défaite et encore un match énorme de Penny, Darell joue 42 minutes limitant Tim Hardaway à un 5 sur 20. Une performance qui lui verra attribuer le surnom de « Cat Quick ».
Une nouvelle fois, le petit gars de Caroline du nord a répondu présent. La saison suivante sera des plus importantes pour lui, Chuck Daly est nommé coach et lui offre un rôle majeur. Mais surtout, Orlando va faire venir un joueur de la même trempe que lui et partageant les mêmes valeurs : un dénommé Bo Outlaw signe en provenance de Californie. « Un gars comme Bo m’a facilité la tâche, car je savais qu’il allait jouer dur. C’était le même genre de gars que moi », racontait Darrell Armstrong à l'époque.
Quelques années auparavant, Bo Outlaw a reçu une offre NBA en provenance des Los Angeles Clippers, malgré son expérience catastrophique à Estudiantes. Un premier contrat de 10 jours, le jour de la Saint Valentin 1994. Pour démarrer une histoire d’amour, c’est plutôt pas mal. Ses trois premiers matches sont bien costauds en 10 point ets 8 rebonds, de l’intensité défensive et un moteur dingue. Outlaw enchaîne les bonnes performances qui lui valent un second contrat de 10 jours, puis un bail pour terminer la saison. « Je n’ai pas été intimidé. Je n’avais rien à perdre. Je n’ai pas été drafté et je n’ai même pas été invité à un training camp. Je suis arrivé ici en travaillant dur.”
Outlaw arrive dans un contexte particulier, Larry Brown qui avait emmené cette équipe en playoffs l’année précédente est parti. Son successeur ne parvient pas à tirer le meilleur de cet effectif pourtant pas si mal loti avec Ron Harper, Danny Manning, Do Wilkins ou Mark Jackson. Outlaw amène un supplément d’âme à cette équipe et ses quelques minutes en sortie de banc avec le numéro 6 sur le dos sont une bouffée d’air frais, malgré une aisance balle en main des plus relatives. Il saisit sa chance comme Darrell Armstrong le fait à l’autre bout de l’Atlantique, en faisant preuve d’une intensité de tous les instants, se battant sur chaque possession qu’il était amené à jouer. Je le répète, le gars qui mettrait la tête là où vous ne mettriez pas le pied, le tout sans une once de dirty play. Bo Outlaw vient de gagner sa place en NBA et y joue même plus de 30 minutes certains soirs.
Les deux saisons suivantes ne sont pas plus glorieuses collectivement , mais Bo conserve son rôle d’énergizer défensif, sortant plusieurs matches au-dessus des 5 contres. Son ultime saison à LA marque un tournant dans sa carrière puisqu’il aura un rôle de starter à 25 reprises et approche les 30 minutes de temps de jeu. Malgré un bilan négatif, les Clippers accrochent le 8eme spot qualificatif pour les playoffs et affrontent le Jazz d’Utah au premier tour. Malgré des stats lambda, il marquera les esprits comme le fait Darrell Armstrong face à Miami au même moment dans la Conférence Est : en faisant parler sa défense, son abnégation et sa dureté. 3-0 pour Utah, une vingtaine de minutes à chaque match. « Outlaw ne recule pas. » Voilà ce que déclare Karl Malone à l’issue de la série.
Il faut dire qu’après s’être accroché avec John Stockton en se battant pour un ballon, Bo à eu le droit à la spéciale Malone, le bon vieux coup de coude dans le visage. Même s’il ne réussit pas à avoir un impact aussi flamboyant que son futur compère, sa performance n’est pas passée inaperçu en Floride, et Orlando lui propose un contrat qu’il s’empresse de signer. « Quand je suis arrivé ici, je me suis tourné vers Darrell parce qu’il était plein d’énergie, comme moi. Nous nous sommes donc assis l’un à côté de l’autre dans le vestiaire. Il n’y avait pas un jour où ce type n’était pas prêt à partir au combat, et j’étais prêt à l’accompagner. » Bo Outlaw
C’est le début d’un duo iconique pour moi. C’est en 1997 que je découvre la NBA et les quelques images qui me parviennent via Canal + remplissent mon âme de joie. Parmi la multitude de joueurs qui me font rêver, il y a ce duo du Magic, Bo Outlaw et Darrell Armstrong. L’un sort du banc et apporte une énergie unique, l’autre effectue les basses besognes dans un style bondissant au possible. J’ai des fourmis dans la jambe à chaque contre-attaque, chaque envolée, chaque dunk, chaque contre. Bref, tout ça m’interroge, m’intéresse, me fait rêver… le coup de cœur quoi. Même si la saison du Magic est beaucoup moins kiffante.
Mes coéquipiers portent tous le maillot d’un certain Penny qui est soi-disant trop fort, et que je trouve bien terne le peu de fois que j’aperçois le Magic à la TV. Orlando souffre des blessures de sa star, finit la saison à l’équilibre 41-41, et manque les play-offs. La saison suivante est écourtée par le lock out. L’équipe accroche les play-offs mais se fait sortir 3-1 au premier tour par les Sixers d’Iverson. Bo a un rôle important dans cette équipe, et accompagne la saison mémorable de Darrell Armstrong, qui reste encore à ce jour le seul et unique joueur à avoir gagné le titre de MIP et de meilleur 6e homme la même année.
Ces deux premières saisons sont le début de leur histoire commune, mais celle qu’ils s’apprêtent à vivre va marquer à jamais l’histoire de leur franchise.