Darrell & Bo : les underdogs d’Orlando, épisode 1

Retour sur l'histoire de deux joueurs un peu oubliés qui raviveront des souvenirs à certains : Darrell Armstrong et Bo Outlaw. Voici le premier volet.

Darrell & Bo : les underdogs d’Orlando, épisode 1

Noël approche à grand pas, sa dose de paillettes et ses téléfilms avec. Alors quoi de mieux qu’une bonne vieille histoire made in Orlando pour réveiller la magie de Noël ? Kevin Desprez, alias Kev-in-N-out sur X vous propose une petite série en trois épisodes sur l'histoire d'un tandem trop peu cité dans l'histoire du Magic et qui l'a fait vibrer à l'époque : celui que formaient Darrell Armstrong et Bo Outlaw.

Episode 1 : la génèse

En cette saison 2023-2024, le Magic a choisi de nous sortir un maillot classic édition des plus pertinents. Si pour beaucoup il évoque la période T-Mac, mon sentiment est tout autre. A mes yeux, ce maillot c’est la découverte d’une équipe unique en son genre de par sa destinée et son âme : le Magic d’Orlando 99-2000, surnommé « Heart and Hustle » et emmené par Darrell Armstrong et Bo Outlaw. Deux joueurs qui ont une place toute particulière dans mon cœur de fan. Une découverte fortuite survenue lors des retransmissions NBA de Canal +. Ces fameux mercredis après-midi lorsque, adolescent, le canapé et la télécommande étaient miens.

Ce que je m’apprête à vous raconter, je l’ignorais encore il y a 3 ans. La seule chose qui me restait, c'était les quelques perfs offensives de TAW, mon amour pour Armstrong et Outlaw, et l’admiration que j’éprouvais pour cette équipe du Magic 99-2000. Son âme me rappelait tant mes chez New York Knicks. Et puis, j’ai fouiné sur le sujet, nourrissant l’espoir de pouvoir écrire quelque chose d’intéressant, sans jamais trouver la bonne formule. Je crois que la magie de Noël opère, alors je me lance.

Ce duo, c’était d’abord deux joueurs qui ne payaient pas de mine mais étaient incroyablement fun à voir jouer. Retour en arrière.

Darrell Armstrong est un meneur culminant tout juste au mètre 86, plutôt fluet, passeur gestionnaire et shooteur fonctionnel. Un mec auquel on peut facilement s’identifier. Mais il est surtout doté de qualités athlétiques impressionnantes et d’un cœur immense. Le gars défend le plomb. Il n’est pas rare de percevoir sur les NBA Action qui nous parviennent mensuellement en France ses plongeons d’enragé pour récupérer les ballons qui traînent sur le parquet. Pas rare également de le voir claquer un bon vieux tomar ou d’aller coller un contre comme peu le font. Je n’ai pas peur de le dire : avant ceux de LeBron, il y a eu les chasedown blocks de Darrell Armstrong.

Bo Outlaw, c’est un peu le même genre de joueur dans l’idée. Un type qui mettrait la tête là où vous ne mettriez pas les pieds, mais sans une once de dirty play. Beaucoup parlent d’un joueur qui a fait une immense carrière aux vues de ses qualités intrinsèques. Pas faux. Au premier regard, on aperçoit un joueur plutôt frustre balle en main, avec un tir relativement mauvais et une mécanique à faire pâlir Shawn Marion. « Quand il shoote ses lancers francs, on dirait un tire-bouchon », commentait George Eddy à l’époque.

Cependant, il ne faut pas omettre une chose. Outlaw disposait de qualités athlétiques hors-normes, une puissance lui permettant de défendre sur les meilleurs intérieurs NBA et une mobilité l’autorisant à défendre aussi sur des extérieurs, ce qui n’était pas si courant à l’époque. Ajoutez à cela une détente et une explosivité de folie et vous obtenez un potentiel défensif unique. Comme son compère, Bo est possédé lorsqu'il est sur le terrain. Son activité est immense. Ses contres en second rideau et ses dunks me faisaient sauter de mon siège.

Le destin faisant bien les choses, et malgré des débuts de carrières difficiles, ces deux-là étaient fait pour se rencontrer, et c’est à Orlando que ça a eu lieu. L’histoire ne se résume pourtant pas uniquement à ça, tant leur parcours atypique mérite d’être conté.

Darrell, le footeux

Darrell Armstrong est né le 22 juin 1968 à Gastonia, en Caroline du Nord. En 1986, il est diplômé du lycée de Ashbrook de Gastonia (ex HS de James Worthy), puis intègre en 87 l’université de Fayetteville en NCAA division 2, plutôt réputée pour son programme de football US. Darrell fait d'ailleurs d'abord partie du roster de l'équipe de foot, où il s'offre l’un des records de la fac durant sa première saison. C’est lors de son année junior en 88 qu’il intègre l’équipe de basket, sous l’impulsion de ses coaches Ray McDougal, puis Jeff Capel. Le premier l’a repéré lors d’un pick up game et ne s’est pas trompé.

En 89, Jeff Capel est nommé coach principal et lui offre une bourse d’études. Savoir sa mère libérée de la pression financière lui permettant d’accéder à une éducation tout en poursuivant son rêve est une chose loin d‘être anodine à ses yeux. Le voilà dans les meilleures conditions. Capel croit en lui : « Il avait faim d’apprendre, il voulait progresser. Je me souviens qu’il venait tous les matins à 6 heures pour tirer. » 

Et Darrell le lui rend bien : « C’est lui qui m’a toujours donné confiance et qui m’a dit que je pouvais passer au niveau supérieur. Il m’a donné une bourse. Dire qu’il est l’un de mes coach favoris est un euphémisme ? “.

Il clôturera sa carrière NCAA en affichant une moyenne de 16 points, 3.6 rebonds et 4.7 passes en 24 matches, avant de se présenter à la Draft 91 sans que son nom ne soit appelé. Il écume alors les ligues mineures américaines de 91 à 93 : USBL puis CBA et la GBA, qui finira par fermer au début de l’année 93, l’obligeant à travailler dans une usine de textile en Caroline du nord pour joindre les deux bouts.

« C’était difficile, je ne vais pas vous mentir, parce que j’ai travaillé de 11 heures à 7 heures du matin. C’était fou là-bas, parce que je n’avais pas d’emploi une fois que la GBA a fermé ses portes ». Cependant ces performances ne passent pas inaperçues et lui ouvrent alors les portes du basket outre-Atlantique.

Bo, le nageur

Charles aka « Bo » Outlaw, est né le 13 avril 1971 à San Antonio, au Texas, et débute en tant que nageur dans son lycée de John Jay HS de San Antonio. Mais un entraîneur lui fait remarquer que sa place est plutôt dans celle de l’équipe de basket. Il est le dernier joueur choisi pour l’équipe B et, très vite, son rôle est défini : défendre le plus gros scoreur adverse. L’année suivante, il intègre pendant deux ans le South Plains College en même temps que Sheryl Swoopes, future légende de WNBA, avant de rejoindre l’université de Houston pour ses dernières années universitaires de 1991 à 1993.

Outlaw est loin d’être ridicule : 16 points, 9 rebonds, 3 passes, plus de 3 contres et 2 interceptions de moyenne, à plus de 60% au tir, le tout en 61 matchse de Division 1 NCAA. Un volume impressionnant, mais insuffisant pour être appelé lors de la Draft 93. Lui aussi se tourne alors vers les ligues mineures et joue une demi saison en CBA. En 32 matches, il confirme ce qu’il a montré à Houston : 13 points, 10 rebonds, 2 passes et presque 4 contres par match. Du volume, on vous dit ! Et en octobre 1993, il imite son futur acolyte du Magic en saisissant une opportunité en Espagne, à l'Estudiantes.

Mais comme rien n’est simple, ça va tourner au vinaigre : deux petits matches avec l’équipe première, à peine 5 minutes sur le terrain, et au revoir Charles. Comment expliquer qu’un joueur qui fera 15 saisons NBA ait pu se louper à ce point en Europe ? Flip Sanders avait raison, il n’y a pas de mauvais joueurs, que des mauvais contextes. Et celui de la banlieue madrilène était particulièrement inadapté. Tous les spots des joueurs extra européens étant pris, l’idée du coach était de faire jouer Outlaw en équipe réserve, une expérience que Samuel Nadeau connaîtra quelques années plus tard au Real. Le faire jouer en réserve donc, l’observer et l’appeler en première si besoin.

L’histoire c’est Paco Garcia qui la résume parfaitement : "Je me souviens qu’il était un athlète extraordinaire, qu’il défendait comme une bête et qu’il a eu la malchance que lorsqu’on lui a donné une opportunité c’était pour un rôle qui n’était pas le sien. Ç'aurait été un excellent complément pour une grande équipe". Un rendez-vous raté qui aurait pu sceller son avenir professionnel, mais c’est mal connaître l’abnégation dont aura fait preuve Bo durant sa carrière, mais on y reviendra.

La même année (1993), le passage de Darell Armstrong en Europe sera beaucoup moins discret et ce dès sa première saison à Chypre, au Pezororikos Larnaca : 32 points et 8 passes par match dans des gymnases dignes du fin fond du Finistère, les fumigènes en plus. Une belle adaptation qui l’amène à côtoyer les terrains espagnols en 1994-1995 à Ourense, la dernière équipe que Bo avait affrontée en Liga Endesa. Et Darrell va faire ce qu’il a toujours fait : saisir sa chance. Premier match : 29 points 13 passes. Le second : 26-5. Le troisième : 32 points. La saison démarre bien individuellement, mais l’équipe ne gagne pas et n’est pas loin de la relégation. L’Américain va prendre ses responsabilités lors du sprint final : 4 victoires sur les 5 derniers matches de la saison où il finit meilleur scoreur à chaque fois, sans jamais descendre en dessous des 30 points (31, 38, 32, 36,35). Allez, ciao l’artiste. Le petit gars de Gastonia a réédité les perfs aperçues à Chypre, face à une adversité tout autre. Ourense est maintenu, il rentre aux USA etson destin est sur le point de changer.

Malgré des aventures bien différentes, les deux futurs compères auront la chance d’avoir une opportunité dans la grande ligue à une année de différence. 

LA SUITE DANS L'EPISODE 2, demain !