Clark-Wembanyama, pourquoi une telle disparité… et pourquoi ça va s’arranger

Plusieurs médias US se sont offusqués qu'une Caitlin Clark gagne beaucoup moins qu'un Victor Wembanyama. Voici pourquoi. Et pourquoi ça va changer.

Clark-Wembanyama, pourquoi une telle disparité… et pourquoi ça va s’arranger

Tout ça a commencé par un tweet vers la fin du mois d’avril, période à laquelle on lisait un nombre grandissant d’articles US sur la disparité de salaire entre Caitlin Clark, #1 pick de la draft WNBA 2024, et Victor Wembanyama, #1 pick de la draft NBA 2023.

Dans un monde idéal, le salaire des deux basketteu.r.ses (je suis pas très fort en écriture inclusive alors pardonnez les fautes) serait bien évidemment équivalent. Tous les deux choisis en première position de leur promotion, pourquoi diable la basketteuse gagnerait moins que le basketteur, d’autant plus que la hype ayant précédé l’arrivée de Caitlin Clark en WNBA n’a pas eu grand-chose à envier à celle que nous avons vécue pour Wemby en NBA ?

Mais nous ne vivons (malheureusement) pas dans un monde idéal et, au risque de paraître polémique, oui, le salaire de Caitlin Clark (76 535 $ en 2024, 2% du salaire NBA médian selon un article du Guardian) n’est pas forcément juste mais reflète la surface financière de la ligue dans laquelle elle vient de mettre les pieds.

L'Amérique est l’image d’Epinal du consumérisme et du capitalisme à outrance. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de sport, une notion, presque communiste, de partage des richesses est toujours au coin de la (Wall) Street. Comment sont donc calculés les salaires des joueurs NBA ? C’est simple, tout est régi par le C.B.A (Collective Bargaining Agreement), négocié entre l'Association des joueurs (NBPA) et les propriétaires de franchises. La fréquence de négociation varie selon les accords et nous sommes actuellement dans un CBA signé en avril 2023, pour une durée de sept ans. Ce qui nous mène jusqu'à la fin de la saison 2029-2030, avec possibilité pour les deux parties de sortir de l’accord à la fin de la saison 2029, au cas où les circonstances l'exigeaient pour l’une ou l’autre.

En plus de fixer des règles (Luxury tax, In-Season Tournament, nombre de matches minimum à jouer pour être éligible à un award de fin de saison), le CBA fixe également l'échelle des salaires des joueurs avec, notamment, la “NBA Rookie Scale”, définissant le salaire des nouveaux arrivants pour leurs trois premières saisons. L'objectif est d'éviter la folie des salaires de la fin des 90’s où des lycéens signaient pour des centaines de millions de dollars sans avoir jamais foulé de parquet NBA.

De base, le #1 pick NBA a un salaire préétabli de 10 133 900 dollars pour la 1ère année mais, pour laisser une marge de négociation aux franchises, les joueurs sélectionnés au 1er tour peuvent signer pour une valeur allant de 80 à 120% de cette base salariale. Talent générationnel, Victor Wembanyama a signé pour 120% (12,16 M de dollars) en 2023. Alexandre Sarr, joueur moins poli que Wemby mais attendu comme premier choix cette année par les Hawks, ne signera sans doute pas au même tarif… Les salaires de 2e et 3e saison pré-établis laissent ensuite la place à des salaires de 4e saison exprimés en % d’augmentation (26,1 % pour le 1er pick mais augmentant pour les joueurs draftés ensuite puisque leurs salaires de base étaient inférieurs, le 30e obtenant un 80% d’augmentation), avant d’arriver à la “Qualifying Offer” de fin de 4e saison ou bien, pour les rookies d’exception, des extensions égales à 25% du cap (celle de 5 ans d’Anthony Edwards va lui rapporter entre 205 et 260 millions de dollars). Autant dire que Wemby devrait être sur les mêmes chiffres survitaminés en juillet 2026 lorsqu’il sera éligible pour signer son extension…

Les salaires, qu’ils soient ceux des rookies ou des vétérans, sont déterminés à partir d’un partage des revenus de la Ligue, somme acronymisée sous le terme B.R.I (Basketball Related Income). Mais que contient ce BRI ? Véritable magot amassé par la Ligue, il englobe les ventes des billets et des “concessions” (bad news, votre bière payée 8 dollars au Madison Square Garden lors de votre venue paie le salaire de votre joueur détesté), les contrats TV, la publicité, etc... mais également les “team and league licensing revenue”, donc tous les produits dérivés estampillés NBA, dont les maillots.Valeur de la bête actuellement? 10 milliards de dollars, que les propriétaires et les joueurs se partagent équitablement à 50-50.

Le gâteau que doivent se partager les joueuses et propriétaires de franchises WNBA ressemble, lui, plus à un cookie, et sans les pépites de chocolat pour le rendre plus savoureux... Moins de matches (82 de saison régulière, plus de longues séries de playoffs, pour les hommes contre 40 pour les femmes, ainsi que des séries de playoffs plus courtes, pour les femmes). Moins d’argent provenant des diffuseurs : la WNBA reçoit annuellement 60M de dollars de la part d’ABC-ESPN, Amazon Prime et CBS, alors que leurs homologues masculins en reçoivent actuellement 2,6 milliards… avant de sans doute signer prochainement un deal ramenant 7 milliards par an jusqu’en 2037 ! Et enfin moins de publicités.

Au final, la WNBA n’accumule “que” 200 millions de dollars en BRI. Particularité du partage de revenus entre les joueuses et les franchises WNBA, les actrices du jeu ne reçoivent en moyenne que 10% du montant global amassé par la Ligue car, en WNBA, les revenus de la Ligue sont séparés de ceux des franchises. Et les salaires des joueuses sont calculés, et payés, à partir de ce que les franchises accumulent. A savoir les ventes de billets, de produits dérivés, les deals TV et marketing locaux selon les règles édictées dans le CBA de la WNBA, lui, signé en 2020 et courant jusqu’en 2027 (mais qui pourrait être dénoncé (“opt out”) par une des deux parties dès 2025). Il y est stipulé que seuls les revenus au-delà des objectifs de croissance seront partagés de façon progressive.

Cet accord est d’ailleurs dénoncé par pas mal de joueuses dont, en particulier, la star Kelsey Plum qui disait, par exemple, qu’ “elle ne voulait pas être payée comme LeBron James [...] mais que le partage soit plus équitable et que, si [son] maillot est vendu quelque part, [elle] touche de l’argent dessus, comme peuvent le faire les joueurs de NBA”.

La ligue féminine est aussi, comme son nom l’indique, une “succursale” sous perfusion de la NBA puisque cette dernière envoie annuellement 15 M de dollars afin de financer les coûts d'opérations (déplacement, hôtels, marketings, administration) et détient 50% de la Ligue, tandis que les autres 50% sont détenus par les 12 franchises WNBA. Deux salles, deux ambiances, donc…

Mais les choses changent, et ce d’autant plus avec l'arrivée d’une rookie aussi hypée que Caitlin Clark. Signe de l'évolution des temps ? Le nouveau programme, appelé “Charter Program”, mis en place par la ligue depuis le début de la saison 2024, permettant aux équipes de se déplacer en charter et non plus sur les lignes régulières. Une vraie amélioration lorsqu’on se rappelle que le New York Liberty avait pris une amende de 500 000 dollars en 2022 pour avoir effectué 8 vols “charter” au cours de la saison, créant ainsi “un avantage compétitif injuste” et contraire au CBA signé, qui ne leur accorde que des droits à des sièges “Economy Premium” sur des vols réguliers. La levée de fonds de 75 millions de dollars effectuée en 2022 n’est sûrement pas étrangère à cette évolution.

La valeur de la ligue et de ses franchises va également bénéficier de l’impact de Caitlin Clark et, comme a pu le dire la Commissioner de WNBA Cathy Engelbert, “nous sommes témoins d’un moment de transformation dans le sport que nous ne reverrons pas avant quelques générations”. Une transformation qui démultipliera les revenus, et donc les salaires.

Enfin, pour revenir à Caitlin Clark et pour ceux qui pouvaient commencer à s'inquiéter pour la star du Fever d’Indiana, nous pouvons vous rassurer (et rassurer son banquier): tout va bien! En attendant d’autres gros deals de sponsoring, Clark a signé un gros contrat Nike de 28 millions de dollars sur huit ans, le plus gros jamais signé par une joueuse WNBA, ce après avoir gagné 3M de dollars en contrats NIL (Name, Image and Likeness) alors qu’elle jouait avec Iowa. Les haters diront sans doute que Victor Wembanyama a, lui, signé pour 100M de dollars avec la firme de l’Oregon. Ce serait oublier que LeBron James, l’autre OVNI du sport US de ces 20 dernières années, avait lui signé pour 90 millions de dollars en 2003. 90 millions qui en vaudrait 153 en 2024, en ajustant l’impact de l’inflation. Comme quoi, à tous les niveaux, il y aura toujours des échelons.

Voici une utilisation plus qu'étonnante du mot communisme !
Répondre
Et pourtant il n'a pas tord.

Si les joueurs NBA étaient payés (attention je parle uniquement de leur salaire) dans une version purement capitaliste par rapport aux revenus qu'ils génèrent, même si ça parait fou, on constaterait que les superstars (qui signent donc des contrats a 50M/année) sont sous payées quand les rôles players sont surpayés...

D'ailleurs au final, pour s'en convaincre, il suffit de regarder ce qui se passe dans un domaine ou ils sont pour le coup payés uniquement par rapport aux profits qu'il génèrent : le sponsoring. En 2022, tu as Lebron, la superstar générationnelle qui touche 80M, ensuite tu as une poignée de mec qui touchent autour de 40M (KD- Curry-Giannis...) et dès la fin du top 10 tu tombe sur des Butler ou George qui gagne autours de 10-15M...

Donc si, il y a vraiment une idée de mettre les revenus dans un pot commun et de le répartir plus "équitablement" (avec des pincettes sur la notion d'équitable...)

Après c'est comme souvent : les pires capitalistes sont aussi souvent ceux qui, quand leurs intérêts sont touchés deviennent soudainement de vrais Marxistes dans l'âme :

-des athlètes qui vont répéter en boucle les contes de la méritocratie, que dans la vie on obtient ce qu'on a à la sueur de son front blablablablabla vont soudainement vouloir une répartition "égale" des revenus alors qu'ils génèrent moins d'argent

-des propriétaires multimilliardaires NBA qui ont fait leurs fortunes dans une pure exploitation capitaliste vont soudainement venir pleurer a chaudes larmes pour expliquer que ce n'est pas juste qu'il y ait des petite marchés et des gros marchés

-des politiques vont (exemple purement hasardeux) vendre les autoroutes françaises en disant qu'il n'y a pas de raison à ce que ne se soit pas géré par des intérêts privés et soumis à la loi du marché blablabla et puis quand ces même intérêts privés n'arrivent pas à générer un profit "à la sueur de leur front", mais sont en déficit, ils viennent pleurnicher et d'un coup "non mais c'est trop important les autoroutes pour les français, il faut que le peau commun passe à la caisse pour éponger la dette"
Répondre
Oui, évidemment, le terme se veut un peu provocateur mais, en prenant la définition (celle de wikipédia) (« Formation économique et sociale caractérisée par la mise en commun des moyens de production et d'échange, par la répartition des biens produits suivant les besoins de chacun, par la suppression des classes sociales et l'extinction de l'État qui devient l'administration des choses »), on peut y trouver des similitudes avec le fonctionnement d’une ligue fermée comme la NBA ou la NFL. Bien évidemment, pas sur tous les aspects d’où le « presque communiste » 😉
Répondre
Faute de frappe... Du mot communiste ! Désolé...
Répondre
Question sur la WNBA
Es que sur leur league pass il y a la fonction recap "all possession" comme sur le Nba league pass.
Merci à vous
Répondre
Non, cette fonction n’existe pas sur le WNBA League Pass mais on y a des resumes de 10mns, avec tous les « scoring plays »… le tout pour 35$!
Répondre