Imaginez le meilleur backcourt possible au début des années 2010. Kobe Bryant sur le poste deux, sans aucun doute. Il était alors le basketteur le plus dominant de la planète avec LeBron James. Champion et MVP des finales en 2009 et 2010. Vieillissant, certes, mais terriblement fort.
Et à la mène, là aussi, peu d’hésitation. Chris Paul. Le « Point God ». La référence en la matière. Et bien ce duo aurait dû faire des merveilles pour les Los Angeles Lakers. Le fantasme était devenu réalité. Et pendant quelques heures, les supporteurs de la franchise hollywoodienne se sont mis à rêver.
Jusqu’à ce que David Stern entre en jeu. Décembre 2011. La NBA sort à peine d’un lockout de plusieurs mois et un nouveau CBA vient d’être rédigé et ratifié. Un soulagement. Un deal censé permettre aux petits marchés de ne pas être étouffés par les mastodontes du championnat. Les équipes se préparent doucement pour la reprise, prévue en janvier. Puis une information fait l’effet d’une bombe : les New Orleans Hornets ont envoyé Chris Paul aux Lakers dans un transfert impliquant trois organisations.
Deux des meilleurs joueurs de la planète sont maintenant réunis sous la même tunique. Le penchant idéal du Miami Heat de LeBron James, Chris Bosh et Dwyane Wade. Les fans californiens exultent, les autres grincent des dents. Et pas seulement des passionnés. Mais aussi des dirigeants d’autres clubs.
Les Angelenos cèdent tout de même Pau Gasol – peut-être leur joueur le plus efficace – aux Houston Rockets dans le deal. Kevin Martin, Luis Scola, Lamar Odom, Goran Dragic et un tour de draft 2012 sont eux expédiés vers New Orleans. Une contrepartie intéressante pour CP3, de toute façon en fin de contrat l’année d’après. Mais il y a un hic.
Si Dell Demps, le GM des Hornets, a concocté le trade, la franchise de Louisiane est provisoirement sous l’emprise de la NBA depuis que George Shinn, l’ancien proprio, a vendu l’organisation à la ligue pour 300 millions de dollars en 2010. En attendant un nouvel acheteur et donc un nouveau proprio, c’est David Stern, le commissionnaire, qui est aux manettes avec le Président de l’équipe. Délicat.
Le boss décide alors de casser le transfert. Lui assure que c’est uniquement pour des raisons sportives. Mais il se murmure alors en coulisses que plusieurs gérants de franchise sont mécontents de voir une deuxième armada invincible se former à l’Ouest du pays. Ils craignent d’être laissés pour compte. Surtout juste après la signature d’un CBA qui devait assurer l’équilibre du championnat.
« Ce trade est une farce », notait même Dan Gilbert, proprio des Cleveland Cavaliers, dans un email. « Et je sais que de nombreux patrons de franchise pensent comme moi. »
David Stern possédait une double-casquette. A-t-il vraiment pu se concentrer seulement sur celle de dirigeant des Hornets sur le moment ? Cela semble évidemment peu probable. Il s’est défendu en assurant que ce trade – accepté par le GM de NO quand même – n’avait pas de sens et qu’il était préférable de garder Chris Paul. Contre sa volonté ? Le meneur voulait de toute façon partir et il avait prévenu ses employeurs qu’il ne resterait pas une fois son contrat arrivé à expiration en 2012.
Trade avorté de Chris Paul aux Lakers: David Stern accuse Mitch Kupchak
Lakers, Rockets et même les Hornets ont poussé pour que l’échange soit quand même validé. La preuve que, sportivement, ça intéressait vraiment toutes les parties impliquées. Mais en vain. C’est finalement quelques jours plus tard que Paul a été envoyé aux Los Angeles… Clippers. Et là encore, l’affaire a failli capoter. Les Clips ont notamment reculé parce que les Hornets demandaient trop d’assets. Puis ils ont finalement accepté 48 heures plus tard.
Eric Gordon, Chris Kaman, Al-Farouq Aminu et le premier tour (2012, non protégé) des Timberwolves servaient de monnaie d’échange. Le début d’une nouvelle ère, celle de « Lob City ». La fin d’une époque pour les Lakers, qui ont ensuite misé sur Dwight Howard et Steve Nash… avec l’échec que l’on connait.
Ce transfert chez les Purple and Gold aurait pu changer la ligue. CP3 était particulièrement énervé après qu’il ait été annulé. Parce qu’il était déjà bouillant à l’idée de jouer avec Kobe Bryant. D’ailleurs, les deux hommes s’étaient déjà appelés et ils avaient commencé à discuter de comment ils brilleraient ensemble. Avec Andrew Bynum à leur côté, il disposait d’un pivot dominant (All-Star à l’époque !) pour former un trio d’élite.
Après, il y a une forme de fantasme sur les possibilités réelles de cette équipe hypothétique. D’une, Kobe arrivait quelque part sur la fin même s’il était encore monstrueux avant sa blessure au tendon d’Achille. Mais les pépins physiques s’accumulaient déjà, la fatigue aussi et il défendait nettement moins. Bynum était un jeune très prometteur mais on a vu par la suite que son manque d’envie prenait le dessus. Au final, pas sûr que ce « Big Three » aurait fait des étincelles sur le long terme.
La fenêtre de tir aurait été assez courte. Parce qu’une dynastie en puissance se développait à l’Ouest avec Kevin Durant, James Harden et Russell Westbrook encore ensemble à Oklahoma City. Le Thunder a battu les Lakers de Bryant et Gasol 4-1 en demi-finales de Conférence en 2012. Quelle aurait été l’issue de la série avec Chris Paul ? Et même si les Angelenos étaient passés, le trio du Heat, avec James, Wade et Bosh, paraissaient tout de même plus costaud. En revanche, on peut se demander si l’association de Kobe et Paul n’aurait pas pu aider les dirigeants à faire venir une troisième star ensuite.
Le transfert avorté de Chris Paul aux Lakers à l’origine de la chute de Lamar Odom ?
Ce qui est sûr, c’est que le transfert avorté a plongé Lamar Odom dans les abîmes. Le sixième homme de luxe se sentait bien aux Lakers. Il s’est retrouvé déboussolé, non-désiré… « Ils ne veulent plus de moi » disait-il juste après que la ligue ait cassé le deal. Il a finalement été envoyé aux Dallas Mavericks et a sombré dans la drogue. Avant de passer près de la mort en faisant une overdose quelques années plus tard.
Titre ou pas, une arrivée de Chris Paul aux Lakers aurait chamboulé le paysage NBA de l’époque. Et donc sans doute d’aujourd’hui. Un trade qui aurait pu bouleverser toute la décennie.