Chris Bosh ou le sens du sacrifice
En Louisiane, Chris Bosh fêtait sa neuvième sélection à l’événement, la quatrième sous les couleurs du Miami Heat. Mais qui était-il avant son changement de décors ? Après tout, le quatrième choix de la mythique draft 2003 comptait déjà cinq étoiles à son palmarès à un palmarès individuel bien chargé. Bosh a quitté les Toronto Raptors en tant que meilleur marqueur, rebondeur, contreur de l’histoire de la franchise canadienne. Aucun joueur n’a rentré plus de lancers-francs ni même cumulé plus de doubles-doubles que lui dans l’Ontario. Mais celui qui était alors considéré comme l’un des meilleurs intérieurs de la ligue n’a disputé les playoffs qu’à deux reprises – pour deux éliminations au premier tour – en sept saisons à Toronto. Pourquoi les Raptors de Chris Bosh avaient 7 ans d’avance sur le reste de la NBA Chris Bosh était une superstar aux Raptors. Cinq saisons de suite à plus de 22 points, trois apparitions dans le top 10 des meilleurs marqueurs de la ligue. Il était alors adulé et même élu dans le cinq majeur du All-Star Game à deux reprises… par les mêmes fans qui lui critiquent aujourd’hui. Numéro 4 sur le maillot, pilosité capillaire suspecte, Bosh à l’époque, c’était ça. https://youtu.be/qU1IuV3lw9A« J’ai toujours voulu être LE mec. Je voulais être Michael Jordan, c’est ça que je voulais être », déclarait le joueur à Sports Illustrated l’an passé lors des finales de Conférence face à Indiana.Chris Bosh était le Michael Jordan de Toronto. Comprenons ici, La superstar, la première option offensive et le joueur qui a le ballon dans les moments chauds. Sur les vidéos ci-dessus, on peut compter plusieurs tirs « forcés » – ou tirs compliqués – tentés par l’intérieur. On verra rarement « CB » prendre ce genre de shoots à Miami. Son statut aux Raptors lui permettait. Seulement voilà, Michael Jordan a remporté six titres NBA. Aussi talentueux soit-il, le joueur formé à Georgia Tech n’aurait jamais pu mener seul une franchise au titre. Il a donc fait un premier sacrifice financier – peut-être pas le plus important – pour rejoindre le Miami Heat. Plusieurs équipes (les Bulls, les Raptors) étaient prêtes à offrir un contrat maximum à Bosh en 2010. Comme James et Wade, il a réduit ses prétentions salariales pour jouer sous le soleil de Floride. Mais ce n’était que le début des sacrifices. Si les superstars s’associent de plus en plus, le basket reste un sport d’équipe qui se joue avec un seul ballon. Et Chris Bosh l’a très vite compris au dépend de sa gloire personnelle. Première option à Toronto, il est devenu le troisième homme à Miami. Celui qui prend moins de shoots que les autres, celui qui se coltine le sale boulot et celui sur qui on crache tout de même à la figure lorsque le Heat s’incline. Certains diront que Bosh s’est sacrifié car il était le « moins doué » des trois entre lui, LeBron et Wade. Nous estimons plutôt qu’il a su adapter son jeu.
« C’est pour cela que ça fait trois ans que l’on répète que c’est notre joueur le plus important », explique Erik Spoelstra. « Il a eu la maturité nécessaire pour accepter un rôle totalement différent alors qu’il était la première option par le passé. Il a accepté un rôle avec lequel il n’était pas à l’aise. On l’a mis dans des situations qui lui étaient inconnues jusqu’alors. En acceptant et en s’adaptant à tout ça, il nous a rendus bien plus polyvalent. »Effectivement, Chris Bosh n’a absolument pas le même rôle à Miami. Et l’on ne pense pas seulement à l’attaque – il prend évidemment moins de tirs (14,4 en moyenne en sept saisons à Toronto contre 13 à Miami) – mais aussi à toutes ces tâches ingrates habituellement réservées aux hommes de l’ombre et aux joueurs de devoirs des deux côtés du parquet. Chris Bosh vient poser un premier écran sur Damian Lillard pour permettre à Mario Chalmers de couper au cercle. L'intérieur du Heat n'a toujours pas eu la gonfle sur cette possession mais son boulot est loin d'être terminée... L'action n'ayant rien donné, il se dirige rapidement vers Dwyane Wade pour poser un nouvel écran. Des gestes anodins, certes, mais des gestes indispensables au basket. Les superstars ne sont pas supposées poser les écrans. Elles ont la gonfle entre les mains. Bosh a donc dû s'adapter. Pivot au sein du système « small ball » d’Erik Spoelstra, Chris Bosh doit désormais se coltiner les pivots lourds adverses chaque soir. Il doit défendre dur et batailler dans la raquette pour éviter que le Heat ne prenne l’eau. Il doit poser chaque écran retard pour être sûr de ne pas laisser filer trop de rebonds offensifs. Le joueur a appris à se soucier uniquement du succès de son équipe et rien d’autre.
« Il fait toujours attention à ses statistiques mais il regarde ce qui a vraiment un impact sur le jeu – l’efficacité et toutes ces statistiques qui jouent vraiment un rôle sur le résultat final », assure Shane Battier. « Le nombre de rebonds pris par l’équipe adverse, les interceptions, les passes, les rebonds importants en fin de match… il faut une certaine force de caractère et une grande confiance en soi pour jouer ce rôle. Plein de gars refuseraient. La majorité des joueurs de moins de 30 ans refuseraient. Il est unique dans cette ligue. »Chris Bosh a rejoint Miami alors qu’il était justement en pleine ascension. C’est habituellement le moment choisi par les jeunes stars pour toucher leur premier contrat maximum, augmenter leur popularité et placer quelques cartons en tout genre… sans pour autant décrocher un titre. Malin, visionnaire, il a choisi une autre voie, sûrement plus difficile.
« J’ai appris une chose en venant ici c’est que vous devez vraiment vous sacrifier pour jouer dans une équipe qui gagne », témoigne Chris Bosh. « Un exemple avec Roy Hibbert. Si j’avais le choix, je n’aimerais pas à avoir à lutter avec ce gars pendant tout un match. Entre lui et David West ? Je défendrais sûrement sur West mais pas sur Roy Hibbert. Mais je dois le faire, je dois faire mon boulot proprement pour que l’on gagne. » « Chris a un ego. Vous ne devenez pas une star dans cette ligue sans avoir d’ego », ajoute Spoelstra. « Mais il sait gérer son ego et se sacrifier pour l’équipe. Il comprend que gagner est la seule chose qui compte. Il est prêt à tout pour gagner. C’est très rafraîchissant dans cette ligue. C’est un luxe d’avoir une star avec cette mentalité. »D’un point de vue extérieur, d’un point de vue de fan ou même de journaliste, il peut nous paraître totalement normal qu’un joueur se sacrifie pour son équipe. C’est un sport collectif et le but est de gagner des titres, non ? Non. D’un point de vue de joueur, ou même d’un point de vue humain, il n’est pas si facile de faire ce genre de sacrifices. Encore moins pour un joueur qui a occupé le haut de l’affiche et qui aurait l’opportunité d’être considéré comme l’un des meilleurs à son poste s’il jouait ailleurs. Ce genre de sacrifices n’est pas commun. Chris Bosh a eu l’intelligence de comprendre ça. Il est même conscient qu’il n’est plus catalogué comme une « superstar ».
« Les gens doivent prendre conscience d’une chose, mec. J’ai déjà eu des supers statistiques dans cette ligue. J’ai déjà eu 23, 24 points et 11, 12 rebonds de moyenne (24 et 10,8 ses meilleurs totaux pour être précis). Mais il ne se passait rien. On dit de vous que vous êtes l’un des meilleurs joueurs de la ligue mais vous vous sentez toujours vide car vous n’affrontez pas les meilleurs lors du meilleur moment de la saison (les playoffs). »Les statistiques de Chris Bosh ont chuté depuis son départ de Toronto. Sa popularité aussi. « Son intelligence joue contre lui », assure Shane Battier. Sans son sacrifice, le « Big Three n’aurait pas fonctionné. Et croyez-le, Bosh est même un meilleur joueur depuis son arrivée à Miami.