Les stats, Twitter et les trois-points, des trucs de losers
Dans ce nouveau paysage qu'il a rejoint sur le conseil de son mentor, le producteur Dick Ebersol, Charles Barkley ne prend aucune pincette et ne se soucie pas de passer pour un troll, un rétrograde ou un incompétent. Après chaque saillie autour de l'une de ses marottes, il se défend de la même manière :« Je n'ai aucune envie d'être populaire. Mon job c'est de donner mon avis, d'être honnête. Je sais que ça ne plaît pas à tout le monde. Les gens espèrent toujours entendre ce qu'ils ont envie d'entendre. Mais si ce n'est pas ‘‘ma’’ vérité, je ne veux pas leur mentir. »
Sa vérité, c'est celle d'une NBA qu'il trouve diablement trop soft par rapport à celle de son époque et où il est anormal qu'une gentille petite équipe qui mise sur son adresse et sans vrai jeu intérieur comme Golden State puisse remporter un titre.« Dès qu'on parle de la génération actuelle, les gens pensent immédiatement qu'on est de vieux haters. C'est faux et ce qu'on dit n'enlève rien à la grandeur des Warriors ou de LeBron. Simplement, je n'ai jamais vu la NBA dans un si mauvais état et ça fait quatre ans que je le dis.
Il y a trop de jeunes joueurs qui débarquent de la fac après un an sans savoir jouer et beaucoup de franchises très faibles. C'est frustrant de mon point de vue parce que j'ai envie de voir de la compétition. Il n'y a que cinq équipes NBA pour lesquelles je serais capable de m'abonner pour toute une saison. Ce n'est pas sain », se défend-il dans Arizona Sports.
[caption id="attachment_372121" align="alignright" width="300"] Cet article sur Charles Barkley est extrait du numéro 61 de REVERSE, disponible sur notre shop[/caption] Sa vérité, c'est aussi le sentiment d'un recours généralisé et abusif aux statistiques avancées, les fameux analytics qui permettent à une nouvelle espèce de GM’s de prospérer, là où lui ne rentre jamais dans le détail strictement tactique et numérique pour juger un joueur.« Tous ces mecs à la tête de franchises qui parlent de stats avancées ont une chose en commun : ce sont des gars qui n'ont jamais joué au basket de leur vie et qui n'avaient jamais les filles au lycée. Ils veulent juste avoir enfin le droit de participer. Daryl Morey (le GM des Houston Rockets – ndlr) pourrait entrer dans la pièce maintenant, je ne le reconnaîtrais même pas. »
Un autre de ses « combats » : l'importance d'arrêter de donner voix au chapitre aux fans qui s'expriment sur les réseaux sociaux, un moyen de communication auquel « Sir Charles » est totalement allergique. En somme, sans un solide background, pour ne pas dire une carrière, on ne devrait pas avoir le droit de parler de basket.« J'ai vu Kevin Durant s'embrouiller sur Twitter avec un plombier ou je ne sais trop quoi. J'ai envie de lui dire ‘‘Mec, tu es Kevin Durant. Pourquoi est-ce que tu te prends la tête avec un plombier ? Il n'y a rien de mal à être plombier, mais tu es KD !’’
Ce n'est pas parce que quelqu'un regarde Grey's Anatomy qu'il va devenir compétent pour parler de médecine et opérer quelqu'un », a-t-il lancé au cours de l'un de ses passages hebdomadaires, avant d'expliquer qu'il avait parfois envie de « flinguer » les fans jaloux et aigris parce qu'ils n'avaient pas la même vie que lui...
Sa franchise lui a évidemment valu de nombreuses inimitiés dans la ligue. Chez les « anciens », d'abord, comme Charles Oakley (qui menace constamment de le frapper après s'être vanté de l'avoir fait à deux reprises par le passé) ou Michael Jordan. Très proches durant l'été 92 à Barcelone, les deux amis ne se parlent plus depuis que MJ a coupé les ponts après des critiques sur sa compétence en tant que président de Charlotte.« L'une des raisons pour lesquelles je ne fais pas confiance aux médias, c'est parce que beaucoup de mecs ont des standards différents pour ceux qu'ils aiment et pour ceux qu'ils n'aiment pas. J'ai dit que Michael ne faisait pas du bon boulot à l'époque parce que l'on m'a posé la question. Mon job n'est pas de protéger mes amis. Aujourd'hui, il fait de l'excellent travail et les Hornets ont progressé. Je le reconnais souvent dans l'émission, mais il ne veut plus me parler. »
Le même Jordan avait pourtant dit un jour, à l'époque où les deux hommes prospéraient dans la ligue, que « tout le monde a envie de dire ce qui sort de la bouche de Charles, mais personne n'ose ». Chez les « jeunes » ensuite, comme LeBron James, qui s'est déchaîné comme rarement contre CB au début de l'année en énumérant quelques-unes des exactions commises durant sa carrière, ou DeMarcus Cousins. Tout était pourtant réuni pour que Charles Barkley serve de mentor à Boogie, l'un des rares gros talents à sortir comme lui de l'Alabama, qui plus est avec un caractère aussi sauvage que le sien au même âge. Les choses ont rapidement tourné au vinaigre quand le MVP 1993 s'est dit déçu de ce qu'il avait vu du jeune pivot alors au lycée, avant d'être impitoyable quelques années plus tard à son arrivée en NBA.« Je lui ai dit que je n'avais aucun respect pour lui et que je n'en aurai jamais. On n’a rien à se dire. J'étais gamin et ce gars qui venait du même coin que moi et que tout le monde admirait a dit à mon sujet ‘‘Il n'est pas si bon que ça’’. Puis, lors de ma première saison en NBA, il a dit, en direct sur la chaîne nationale ‘‘Cousins est la pire chose qui soit jamais arrivée à Sacramento’’. Comment voulez-vous que je ne garde pas ça en tête ? », avait-il confié sur ESPN.