« Les Cleveland Cavaliers ont montré à quel point la saison régulière est faussée. » Kevin O’Connor, journaliste pour The Ringer, s’est lâché après l’élimination de la franchise de l’Ohio, sortie par la petite porte en concédant une quatrième défaite en cinq matches contre les New York Knicks. L’organisation se réjouissait de son retour en playoffs – sa première série sans LeBron James depuis 1998 – et l’excitation s’est vite dissipée pour laisser place à la honte. La honte de se faire éjecter en domicile en se faisant manger par une équipe, plutôt bonne, certes, mais pas terrifiante non plus et certainement à la portée de la tête de série numéro quatre de la Conférence Est.
La saison régulière n’est pas complètement « fake » mais l’échec (sorry, Giannis) des Cavaliers rappelle encore une fois pourquoi il faut se méfier des bilans collectifs concernant la période d’octobre à avril et pourquoi certaines formations sont taillées pour les playoffs et d’autres non. Cinq mois en arrière, durant un podcast consacré au départ canon de Cleveland, nous mettions déjà en avant les limites de cet effectif.
Le clip a bien vieilli (sauf pour Milwaukee). Le quatuor formé par Donovan Mitchell, Darius Garland, Evan Mobley et Jarrett Allen a effectivement beaucoup joué en playoffs : 121 minutes ensemble, pour un différentiel à peine positif, +0,9 sur 100 possessions. Les inquiétudes liées au « fit » de ce « Big 4 » se sont plus ou moins confirmées. Le problème, c’est qu’il y avait justement plein d’autres problèmes qui ont été exposés à la lumière des playoffs, une lumière « trop brillante », comme l’avouait Allen, une façon de reconnaître que la pression était trop forte pour les jeunes Cavaliers.
Cette saison aurait dû être une réussite. Ça l’est sans doute encore sur certains aspects. Mais il est difficile de se concentrer sur le positif ou conserver une forme d’enthousiasme vu comment les troupes de l’Ohio ont été dominées dans certains aspects du jeu. Plus que la sortie de route, c’est la manière qui fait tâche. Du coup, les progrès et l’optimisme sont désormais effacés par la déception et les nombreuses questions sur la suite du projet soulevées par la défaite contre les Knicks.
Des Cleveland Cavaliers dominés et malmenés
Les Cavaliers ont été dominés tactiquement et physiquement. Plus grave encore, ils ne se sont pas autant battus que leurs adversaires. Les vétérans ont parlé d’un « manque d’envie » plutôt préoccupant pour une équipe jeune qui découvre les playoffs. Le contraste avec les Sacramento Kings – dont les cadres sont tout de même plus âgés – est saisissant.
« Nous aurions pu faire plus d’efforts », concède Allen.
Le constat pique. Les statistiques aux rebonds, qui illustrent bien cette différence de combativité entre les deux équipes, font encore plus mal : 227 prises pour New York contre 186 pour Cleveland sur l’ensemble de la série. Un avantage 48-30 aux Knicks lors du Game 5 décisif disputé la Rocket Mortgage Fieldhouse ! Avec même 17 rebonds offensifs dont 11 pour le seul Mitchell Robinson.
« C’est mon boulot de prendre des rebonds, de faire les boxouts, et j’ai l’impression d’avoir laissé tomber mes coéquipiers », poursuit le pivot Jarrett Allen.
Ce n’est pas uniquement de sa faute, loin de là. L’ensemble des Knicks ont été plus voraces sous les arceaux, de Josh Hart à Jalen Brunson. Les petits ont été dominés, les grands aussi. Et entre les deux, le vide du poste trois recherché par la franchise. Isaac Okoro a défendu valeureusement mais les joueurs de « Big Apple » l’ont royalement ignoré en attaque. Caris LeVert a été bon par moment, moins à d’autres. Cedi Osman, Danny Green, Dean Wade et compagnie sont très loin du niveau pour pouvoir prétendre jouer des grosses minutes à ce stade de la compétition.
Donovan Mitchell, le “all in” des Cavaliers peut-il vraiment payer ?
Les Cavaliers ont clairement manqué de spacing parce qu’ils ont manqué de snipers extérieurs. Garland et Mitchell ont joué avec moins d’espace et ça explique aussi leur 43% de réussite aux tirs. Mais c’est le risque en jouant avec deux intérieurs à notre époque. Mobley aurait pu apporter en attaque. Il a déçu lui aussi, parfois par manque d’expérience, parfois par manque de répétition et aussi sûrement par manque de technique. Le jeune homme de 21 ans est déjà un excellent défenseur en NBA – dans le top-3 pour le DPOY – mais il lui manque encore des atouts pour faire la différence en attaque. Il a fini avec 9,8 points de moyenne et 45% aux tirs et, plus inquiétant, 62% aux lancers-francs.
Evan Mobley est le présent et le futur mais... quand ?
Les comparaisons avec Tim Duncan, Kevin Garnett ou encore, un degré en-dessous, Chris Bosh, sont flatteuses mais tous ces Hall Of Famers étaient meilleurs offensivement au même âge. Il peut progresser et il va progresser. Il serait juste temps que le staff comprenne que c’est vraiment dans l’intérêt de la franchise de le responsabiliser le plus possible, quitte à laisser filer quelques matches de saison régulière.
Ce serait trop simple de résumer cet échec à l’absence d’un ailier de renom cela dit. Cleveland a investi dans son backcourt, tout ça pour que Jalen Brunson prenne le dessus sur les deux joueurs majeurs de l’équipe. Cleveland croyait en son frontcourt, tout ça pour que Mitchell Robinson s’amuse avec deux candidats proclamés (par les supporters) au DPOY.
Les dirigeants vont devoir se demander pendant combien de temps ils veulent prolonger l’expérience avec deux « Bigs » dans la peinture. Ne sont pas les Bucks qui veulent. Les Golden State Warriors, les Phoenix Suns, les Denver Nuggets, les Boston Celtics, les Philadelphia Sixers… tous les candidats au titre jouent avec un seul intérieur dans leur cinq majeur et ce n’est certainement pas un hasard. Allen est un joueur facile à transférer en raison de son profil et de son contrat avantageux. Mais peut-être que la solution est simplement de le faire jouer moins longtemps, dans d’autres configurations, tout en trouvant d’autres solutions pour former un lineup plus moderne autour de Mobley en pivot dans les fins de matches.
Ce sont des ajustements tactiques importants. Encore faut-il le bon capitaine à bord. JB Bickerstaff montre ses limites, lui aussi. Nick Nurse est disponible. Kenny Atkinson. Des coaches plus fins techniciens qui sauront mieux utiliser les pièces en place dans l’effectif. Parfois, il vaut mieux ne pas traîner avant de changer. Parce que même si ce groupe est jeune, il n’aura plus le droit à l’erreur très longtemps.
C’est le moment de parler de Donovan Mitchell. Lui est moins jeune que ses camarades justement. Il disputait sa sixième campagne de playoffs en autant de saisons dans la ligue. Il n’est peut-être pas encore complètement dans son « prime » mais le basketteur qu’il est aujourd’hui est probablement le même que celui qu’il sera demain, à quelques petites évolutions près.
Donovan Mitchell peut-il porter Cleveland au-delà du deuxième tour ?
Les Cavaliers ont cédé trois jeunes joueurs (dont Lauri Markkanen), trois premiers tours de draft et deux swaps pour faire venir la star. Le but étant évidemment de passer (vite !) un cap. Comme pour les Minnesota Timberwolves avec Rudy Gobert, sortir au premier tour – et en plus en cinq manches – ne représente pas vraiment un retour sur investissement. C’est surtout en playoffs que Mitchell était attendu et c’est là qu’il a déçu.
« Je n’ai pas l’impression d’avoir joué comme je devais le faire. Et ça me maintient éveillé la nuit. Je n’ai pas été au niveau que j’attendais et à celui que mes coéquipiers attendaient de moi. Je dois faire mieux. J’ai laissé tomber mes coéquipiers. Je n’ai pas fait mon boulot. Je dois faire mieux pour mes gars. »
Les grandes déclarations, il y est habitué. L’arrière All-Star a terminé avec 23 points par match, soit 5 de moins que pendant la saison. Il s’est taillé une réputation de « performeur » en playoffs suite à ses cartons dans la bulle Disney en 2020. Mais en regardant de plus près, Mitchell a souvent (pas toujours) été en-dedans lors des matches les plus importants des séries perdues par le Utah Jazz. Same shit sur ce premier tour : 11 points à 5 sur 18 lors du Game 5 alors qu’il fallait absolument gagner puis 28 points très discrets à 11 sur 26 lors du Game 6.
C’est un sacré scoreur mais il est peut-être temps de le prendre pour ce qu’il est : un joueur de 1,85 mètre (et encore, il fait sans doute moins en réalité) limité physiquement, mauvais défenseur (OK, il essaye, mais il reste mauvais), talentueux mais pas assez pour mener son équipe vraiment loin en tant que première option. En six ans, Mitchell n’a passé que deux fois le premier tour. Si le titre est l’objectif – et c’est un objectif irréaliste – alors il n’est pas l’homme de la situation.
Pour ça, il faudra attendre l’éventuel développement d’Evan Mobley. Après, tout ne tourne pas autour de la bague. C’est déjà une victoire pour Cleveland d’être là et de pouvoir peser. Mais il y a encore du chemin. Du chemin avant de prétendre à devenir l’une des trois ou quatre meilleures équipes de la Conférence Est au-delà du bilan indiqué en saison régulière.