La retraite de LaMarcus Aldridge a été si soudaine qu’elle en a fait mal au cœur, sans aucun mauvais jeu de mot. L’intérieur All-Star, 35 ans, se rapprochait du moment où il allait raccrocher ses sneakers. Mais pas comme ça, brusquement, contraint d’arrêter en pleine saison alors qu’il pouvait espérer décrocher sa première bague, à la suite d’un problème cardiaque. L’essentiel, c’est évidemment qu’il soit en bonne santé. Et le joueur laisse derrière lui des beaux souvenirs, notamment aux supporteurs des Portland Trail Blazers.
LaMarcus Aldridge contraint de prendre sa retraite !
Les plus jeunes se demanderont sans doute ce qu’il aurait pu donner avec Damian Lillard s’il n’avait pas rejoint les San Antonio Spurs en 2015, trois ans seulement après l’arrivée du meneur en NBA. Mais le vrai « What if ? » ce n’est pas ça. Le vrai « What if ? », et c’est l’un des plus intrigants de ces vingt dernières années, il concerne un « Big Three » incroyable drafté par la franchise de l’Oregon il y a presque quinze ans. Un trio de jeunes basketteurs prêts à manger la ligue : Brandon Roy, Greg Oden et donc LaMarcus Aldridge.
Rien que d’écrire leurs noms dans la même phrase évoque des frissons, des regrets mais aussi laisse aller notre imaginaire sur ce qu’ils devaient accomplir ensemble. Rien que Roy est un incroyable « What if ? » à lui tout seul. Oden aussi. Alors les trois ensemble… ça donne le scénario le plus passionnant et triste de l’Histoire des Blazers.
La draft 2006, le point de départ d'une dynastie potentielle
Tout a donc commencé en 2006, quand les dirigeants de l’époque – John Nash et Steve Patterson – ont réussi un coup de génie le soir de la draft. En faisant venir à la fois LaMarcus Aldridge, le quatrième choix des Chicago Bulls, et Brandon Roy, le sixième choix des Minnesota Timberwolves.
Pour la petite histoire, ils avaient tout de même raté Chris Paul un an auparavant. Mais bref. Portland accueillait donc ses deux futures stars. Et leurs débuts étaient sacrément prometteurs. Avec même le trophée de ROY pour… Roy, auteur de 16,8 points, 4,4 rebonds et 4 passes de moyenne.
Sous son impulsion et celle de Zach Randolph, les Blazers gagnaient 11 matches de plus que la saison précédente (de 21 à 32), mais héritaient tout de même du premier choix de la draft 2007. Avec le recul, il est facile de se moquer du management qui s’est tourné vers Greg Oden plutôt que Kevin Durant. Parce que l’un est devenu l’un des meilleurs joueurs de l’Histoire et l’autre l’un des pires busts de tous les temps. Mais ce n’était pas aussi évident à l’époque.
Déjà parce que la NBA était différente, évidement moins portée sur le tir à trois-points. Les pivots dominants se faisaient évidemment moins nombreux mais, aux yeux des franchises, ils étaient encore les mâles alpha.
Surtout, Oden était bestial. Monstrueux au lycée et à la fac. Il a mené les Buckeyes d’Ohio State en finale de la March Madness dès sa première année en NCAA avec 15 points et quasiment 10 rebonds de moyenne.
C’était une force de la nature de 2,13 mètres et une bonne centaine de kilos. C’était tout sauf un choix illogique, même si KD avait lui aussi sorti une saison absolument dingue à la fac et se présentait comme un incroyable talent en devenir.
Brandon Roy, futur top-5 mondial
Alors pourquoi ces Blazers auraient dû être brillants ? Et bien ça commence avec Brandon Roy. Ses statistiques sur ses cinq saisons à Portland ne feront sans doute pas bondir les foules : 19 points, 46% aux tirs, 35% à trois-points, 4,3 rebonds et 4,7 passes. Mais déjà, il faut comprendre que le jeu était beaucoup plus lent à l’époque. Moins de possessions et donc moins de chiffres.
Ensuite, il n’a jamais pu atteindre son prime. Il a joué sa dernière saison aux Blazers à l’âge de 25 ans. Frappé par des multiples blessures aux genoux qui l’ont poussé à tirer sa révérence. Mais Roy était un crack. Un vrai crack. Un leader naturel, un peu comme Lillard, capable de tout faire sur un terrain. Meneur, scoreur, etc.
« C’est le joueur le plus difficile à arrêter, 365 jours par an, 7 jours par semaine. Il n’a aucune lacune », disait de lui Kobe Bryant en 2010.
Le compliment est très parlant. Et il vient du Black Mamba qui dominait la NBA des deux cotés du terrain à l’époque. Mais il galérait contre le numéro 7 des Blazers. Mis à la peine par un attaquant intelligent, adroit, altruiste et athlétique.
« Roy est le meilleur joueur que j’ai affronté dans ma vie », osait aussi Ron Artest, qui a répété la même chose une fois qu’un journaliste lui a cité les noms de LeBron James et Bryant.
B-Roy n’avait évidemment pas atteint le niveau du King. Mais il semblait parti pour faire une très grande carrière. Et rien qu’en restant en bonne santé et en développant son potentiel, il se serait probablement affirmé comme l’un des cinq meilleurs joueurs du monde.
Une machine à 25-5-5 avec du leadership et du sang-froid en playoffs. Le franchise player parfait. Lillard avant Lillard. Sans doute en plus fort. Sa simple présence pouvait faire de Portland un candidat au titre.
Un trio de stars complémentaires pour les Blazers
Surtout si Oden avait tenu son rang. Comme Roy, les blessures ont gâché la carrière du pivot. Il n’a disputé que 82 matches dans l’Oregon, pour 9,4 points et 7,3 rebonds en à peine 22 minutes. Mais ses statistiques sont tronquées par le fait qu’il n’a jamais vraiment eu l’occasion de se mettre en rythme. Avec notamment une saison blanche dès son arrivée en NBA.
Si son corps avait tenu le choc, Oden se serait affirmé comme l’un des meilleurs pivots du championnat. Un double-double automatique avec de la présence constante dessous. L’un des défenseurs les plus redoutés. Un scoreur près du cercle et un complément idéal de Roy sur pick-and-roll. Du 18-12 avec 3 blocks. Un tandem qui assure 50 à 55 victoires par saison sans forcer.
Donc, dans ce scénario, LaMarcus Aldridge n’aurait été comme la troisième option. Si vous avez suivi sa carrière, vous savez à quel point il a été performant. Imaginez donc que ce joueur All-Star aurait été la troisième lame. Ça donne une idée du niveau de l’équipe.
Il aurait pu étirer le jeu tandis qu’Oden brillait dessous. Il aurait pu être le master du pick-and-pop avec Roy. Trois stars. Trois stars complémentaires. C’est ça le plus fou. C’est la manière dont leur profil pouvait coller entre eux pour former une armada incroyable.
« Brandon, Greg et moi, je me souviens qu’on avait une vision de nous trois et c’était vraiment spécial. On était tellement jeunes, on avait tellement de temps pour créer une alchimie et grandir ensemble. Je nous voyais avec plusieurs bagues. Au moins une », confiait Aldridge.
Le « Big Three » a joué 62 matches ensemble. Seulement. Le bilan ? 50 victoires. Et ils étaient encore loin de maîtriser leurs pouvoirs… En plus, ils allaient être bien entourés. Un jeune Sergio Rodriguez. Un jeune Nicolas Batum. Imaginez la gueule du cinq majeur.
C’est facile de les imaginer enchaîner les saisons à 55 wins et en caler une ou deux minimum au-dessus des 60. Peut-être même 62 ou 63 avec un MVP à la clé pour Brandon Roy. Voire même sans doute une ou deux finales NBA. Pourquoi pas en 2011 ou 2012, vingt ans après Clyde Drexler et compagnie.
Un titre ? Plus compliqué. Plus compliqué à imaginer parce que le timing était délicat. Ces Blazers-là auraient grandi entre les Lakers de Kobe et Pau Gasol, les Spurs et l’avènement du Thunder. Sans oublier les Warriors de Steph Curry sur leur fin de parcours. Peut-être pas une bague donc. Mais très certainement un passage bien plus légendaire dans l’Histoire de la franchise.