En misant sur la continuité, le développement de leurs jeunes talents et un recrutement judicieux et réfléchi autour de leur superstar Nikola Jokic, les Denver Nuggets ont montré que gagner un titre NBA ne se résume évidemment pas à un empilement d’individualités mais qu’il est aussi possible d’aller au bout en construisant le collectif le plus abouti. C’est exactement le modèle que la ligue espère prôner en durcissant très sévèrement les sanctions financières envers les franchises qui payent l’impôt sur la fortune en associant trois contrats maximum au sein de leur effectif. La réponse des Phoenix Suns ? Un bon vieux bras d’honneur en rameutant Bradley Beal pour soutenir Devin Booker et Kevin Durant.
Beal à Phoenix, Morant prend cher, où ira CP3 ?
La nouvelle « super team » est née, quelques mois seulement après la démantèlement de la précédente, celle de KD (déjà) aux Brooklyn Nets. Matt Ishbia, qui vient de racheter l’organisation de l’Arizona il y a peu, a donc frappé un deuxième grand coup en récupérant Beal, moins de six mois après avoir manœuvré pour faire venir Durant à Phoenix. Deux transferts qui en disent long sur les ambitions du propriétaire. Il est prêt à assumer les conséquences en mettant la main au porte-monnaie pour payer des taxes astronomiques pendant les cinq ans à venir. Avec donc un objectif bien clair : le titre, maintenant, tout de suite.
Une masse salariale complètement blindée aux Phoenix Suns
Parce que les trois All-Stars représentent plus de 126 millions de dollars à eux trois, pour un Salary Cap estimé autour des 136 millions la saison prochaine. C’est simple, en comptant Deandre Ayton, les Suns sont déjà au-dessus de la Luxury Tax sans même avoir trouvé leur cinquième titulaire. Même si le pivot bahaméen est de toute façon fortement susceptible d’être échangé dans les jours/semaines qui viennent, peut-être justement en l’échange d’un ou plusieurs joueurs de rotation.
Pour l’instant, c’est le désert de l’Arizona autour des trois stars, en retirant Ayton. Phoenix a sacrifié toute sa profondeur de banc pour mettre la main sur Kevin Durant et Bradley Beal. Faire preuve de pessimisme envers les Suns ne revient même pas à remettre en question la puissance de frappe de ce « Big 3 » fraîchement formé mais à se demander comment les dirigeants vont créer un semblant d’équipe autour d’eux. Surtout en étant privé de plusieurs atouts importants sur le marché, du fait d’être bien au-dessus du seuil limite.
Pour résumer de façon simpliste : ils ne peuvent pas vraiment signer des joueurs libres autrement qu’au minimum syndical. Ils disposent aussi d’une « trade exception » d’une valeur de 5 millions et sont en revanche en mesure de prolonger leurs propres free agents. Torrey Craig, Josh Okogie, Jock Landale et Damion Lee sont donc susceptibles de renforcer l’effectif et ce n’est pas si mal. Surtout si Deandre Ayton est échangé pour, au hasard, Myles Turner et TJ McConnell. Ça donne un ensemble plutôt correct, sans être exceptionnel en dehors des trois supers talents.
Kevin Durant, Devin Booker, Bradley Beal, un trio redoutable sur le papier
Mais même là, l’idée fait grincer des dents. Sur le papier, le « fit » purement sportif est plutôt bon. Du moins il est compréhensible. Ces trois gars sont, en théorie, complémentaires sur le terrain. Devin Booker a passé un pallier significatif lors des derniers playoffs, en se retrouvant vraiment aux commandes de l’attaque, laissant ainsi Chris Paul – inclus dans le package envoyé aux Washington Wizards – dans un rôle plus secondaire. Il va devenir le « meneur » de Phoenix. Meneur avec des guillemets puisque l’arrière All-Star ne va pas se réinventer mais il va continuer à assumer de plus en plus la création. Il a distribué plus de 7 passes décisives durant la campagne des Suns, le tout en étant le meilleur marqueur de la ligue.
Beal est aussi capable de créer. Aucun des deux ne sont des gestionnaires. Ce sont d’abord des scoreurs et même des slasheurs, pas toujours évident à associer. Sauf que le dernier arrivant a d’abord évolué dans un rôle de deuxième star qui exécute en « spot up » lorsqu’il partageait les responsabilités avec John Wall au début de sa carrière. Ça fait bien longtemps qu’il ne le fait presque plus. Mais il sait sans doute à quoi s’attendre en débarquant à Phoenix, dans une équipe qui compte deux des meilleurs attaquants du championnat. Il va devoir se remettre à jouer sans le ballon, à mettre même l’accent sur cet aspect de son jeu, à couper fort et à mettre dedans en profitant des espaces créés par ses camarades. Sachant qu’il aura aussi ses moments pour briller balle en main.
Durant est lui un basketteur tellement complet et tellement fort techniquement qu’il peut s’adapter à n’importe quelles situations, n’importe quels schémas et sans doute n’importe quels coéquipiers. Encore une fois, sur le papier, c’est assez impressionnant.
Le succès des « super teams » réside néanmoins principalement dans la capacité de l’une (ou plusieurs) des trois stars à se sacrifier. En fait, pour vraiment juge ces armadas, il faut se concentrer sur la troisième option désignée. Quand Chris Bosh ou Kevin Love acceptent d’endosser un rôle complètement différent de ceux qui étaient le leur, ça donne des équipes championnes NBA. Quand Kevin Garnett change son fusil d’épaule, les Boston Celtics décrochent le titre quelques mois plus tard.
Quelle troisième option ?
Qui sera le KG de ces Suns ? Bradley Beal peut-il vraiment évoluer tel un Ray Allen – à qui il a un temps été comparé ? La troisième star, c’est celle qui comble toutes les brèches. Qui est vraiment équipé pour faire ça à Phoenix ? Kevin Durant est sans doute le plus complet du lot. Il ne peut pas reproduire ce que Garnett apportait dans le Massachusetts, les profils étant trop différents, mais il est suffisamment long et mobile pour apporter en défense et aux rebonds dans cette ligue où les joueurs puissants ne sont de toute façon pas légion.
Bradley Beal envoyé aux Phoenix Suns !
C’est aussi un vrai playmaker, une menace permanente sans le ballon, un attaquant clutch… Mais Durant voudra-t-il vraiment être une troisième option – à ne surtout pas confondre avec troisième meilleur joueur – et se concentrer encore plus sur tous les autres aspects du jeu qui ne concerne pas le scoring ? Ce serait peut-être presque dommage sachant que marquer des points reste ce qu’il fait le mieux, et sans doute mieux que quiconque, en NBA. N’empêche qu’un KD à 23-24 points et 60% aux tirs, autour d’un Beal dans la même moyenne et un Booker plus proche des 30, ça fait rêver.
Rêver, c’est le but à Phoenix. Mais rêver, ça a un coût. Avec autant de millions de dollars investis, les Suns vont vite attendre un retour. La pression de gagner sera forte. Surtout que Beal est sous contrat jusqu’en 2027 pour des montants énormissimes. L’avantage, c’est qu’il est encore relativement jeune puisqu’il va fêter ses 30 ans. La fenêtre de tir est ouverte sur trois ou quatre saisons.
L’opportunité offerte par les Wizards était peut-être trop belle pour être refusée. La « no trade clause » du contrat de Bradley Beal permettait au joueur de contrôler son destin. Ce qui explique pourquoi les Suns n’ont lâché « que » CP3 – dont ils comptaient se séparer – Landry Shamet et des seconds tours (éventuellement un swap sur un premier round) pour leur troisième All-Star. Une contrepartie assez faible pour un homme qui claquait plus de 30 points par match deux ans en arrière.
Justement, cette fameuse « no trade clause », elle est aussi incluse dans le contrat de Beal à Phoenix d’après ce que rapporte Adrian Wojnarowski. De quoi poser un vrai problème si le joueur ne se maintient pas en bonne santé ou s’il décline trop rapidement. Parce que les 50+ millions qui lui seront dus à partir de 2024 risquent de peser très lourd dans la masse salariale. Surtout si les Suns ne gagnent pas. L’avenir nous dira si le front office a réussi un coup de maître ou une grosse erreur. En tout cas, les « super teams » sont déjà de retour. Sans être jamais vraiment parties du coup.