Bernard King fait partie de ces superstars NBA sous-cotées et méconnues du grand public. La légende des New York Knicks, qui fête ses 66 ans aujourd'hui, est pourtant l'un des scoreurs les plus inarrêtables de l'histoire comme en témoigne sa perf incroyable lors des playoffs 1984 contre les futurs Bad Boys de Detroit et Isiah Thomas. Retour sur cet épisode culte.
« Depuis le temps que je regarde du basket pro, j’ai vu deux gars, Bernard King et George Gervin, scorer avec plus de facilité et en prenant moins de tirs que n’importe qui. »
On aurait pu prendre cette citation d’Isiah Thomas (l’original) à la légère si elle avait été lâchée quelques minutes après le Game 5 des playoffs 84. Mais c’est près de neuf ans après, en février 1993, qu’un Thomas à quelques mois d’une retraite surprise (rupture du tendon d’Achille) confiait au New York Times son admiration pour King. Et celle-ci est entièrement méritée.
Personne n’a mieux pu saisir la puissance offensive de l’ex-Knick que le meneur emblématique des Pistons, défait près d’une décennie plus tôt au terme d’une série épique. Quiconque a vu Bernard King ravager les défenses au beau milieu des années 80 par un mélange impitoyable de puissance, de vitesse et de toucher ne peut qu’être d’accord avec Zeke.
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Le premier tour, à l’époque, se jouait au meilleur de cinq matches. Battus d’un point chez eux lors du premier, les Pistons se sont sûrement dit que l’ailier des Knicks ne planterait probablement pas 36 points tous les soirs. Ils avaient raison. Bernard King, qui à 28 ans jouait déjà pour sa quatrième franchise après un début de carrière chaotique, n’avait pas de temps à perdre. Le Game 1 n’était qu’une mise en bouche.
Il passe dès le 1er quart-temps du Game 2 à la vitesse supérieure, qu’il maintiendra jusqu’au bout de la série : 23 points d’affilée en moins de six minutes, 46 au total malgré la défaite de NYC, la machine est lancée. Impossible à arrêter sur jeu rapide, diabolique en 1x1, il décoche son tir à mi-distance à contre-temps, avant-même que son défenseur puisse songer à le contester.
« C’était comme si la balle passait directement de ses mains au panier sans même qu’il shoote », s’en extasiait encore en 1993 Chuck Daly, coach des Pistons en 1984 puis de King à New Jersey des années plus tard.
Les deux matches suivants sont du même niveau : Bernard score à volonté (46 dans une victoire de 7 pts au Game 3, 41 dans une défaite de 7 au 4ème), mais les deux équipes, 4ème et 5ème de la Conférence Est, se rendent coup pour coup. Si les Pistons n’ont aucune solution au problème insoluble posé par King, les Knicks, coachés par Hubie Brown, sont dépassés par la vivacité de Thomas et la verticalité des Pistons (Laimbeer excepté, évidemment !). La série se joue donc au 5ème match.
Le genou du Roi est (bientôt) mort, vive le Roi !
Privés de leur salle habituelle à cause d’un spectacle de motocross, Motown, qui a pourtant l’avantage du terrain, se retrouve pour la rencontre décisive en terrain presque inconnu dans une autre salle, la Joe Louis Arena. Encore portés par un BK intenable, les Knicks, plus vieux que les futurs Bad Boys, qui n’en sont alors qu’à leurs premiers balbutiements, prennent le contrôle. Mais Detroit, dans la salle de son boxeur le plus célèbre, évite le KO. Il faudra gagner aux points.
Menés 106-98 à moins de deux minutes de la fin, les Pistons s’en remettent à leur jeune génie, Isiah, qui signe 93 secondes de pur chef d’oeuvre : 16 points de suite, où toute l’étendue de son vaste registre permet à son équipe d’arracher la prolongation.
« C’est comme si tout cela était arrivé dans un rêve », racontera-t-il des années plus tard. « Il faisait tellement chaud ce soir-là, comme dans un match de ligue d’été où tout le monde est entassé dans le gymnase, et c’était un concours de tirs entre Bernard et moi.
On a d’abord eu l’impression que le match était perdu, puis les actions ont commencé à s’enchaîner rapidement. J’ai mis un trois-points. J’ai volé le ballon. Je suis entré dans la zone. »
Où plutôt il y a rejoint King, maire de la zone pendant toute la série et auteur d’un Game 5 magistral : 44 pts à 65%, 12 rebonds et une rare série gagnée pour les Knicks, décevants depuis leurs années de gloire au début des années 70.
« Je ne réalise pas encore ce que j’ai fait », admettra-t-il après le match. « Quelqu’un de sain d’esprit aurait-il pu prédire que j’allais avoir à marquer 40 points chaque soir pour que l’on gagne ? »
Probablement pas. Ses 43 pts de moyenne contre Detroit (à 60% aux tirs !) sont alors un record en playoffs pour une série de cinq matches, que Michael Jordan battra deux fois en 1988 et 1990. Personne d’autre que lui n’a planté plus de 40 points quatre fois de suite en playoffs depuis. Le genou du Roi a lâché moins d’un an après sa série mythique. Vive le Roi.
Cet article est extrait de REVERSE #64.