« Il n’y aucune raison de s’inquiéter car Andrew Wiggins n’ira nulle part », affirmait David Blatt, le coach des Cavs, à ESPN il y a moins d’une semaine.De leur côté, les dirigeants des Minnesota Timberwolves font profil bas. Flip Saunders, coach-GM-président de la franchise, espère toujours que sa star révisera sa décision comme LaMarcus Aldridge l’a fait suite à la belle saison des Portland Trail Blazers. Encore faudrait-il que les Wolves atteignent les playoffs pour la première fois depuis que Love a mis les pieds en NBA.
Les origines de l’échange
[caption id="attachment_173185" align="alignleft" width="300"] He's coming home... il ramène Kevin Love avec lui ?[/caption] Revenons-en aux rumeurs. Tout ce cirque médiatique a débuté lorsque plusieurs journalistes ont noté l’omission du nom de Wiggins dans la lettre de LeBron.[superquote pos="d"]"Wiggins n'ira nulle part" David Blatt, le 13 juillet.[/superquote]« Je pense que je peux aider Kyrie Irving à devenir l’un des meilleurs meneurs de la ligue. Je pense que je peux aider Dion Waiters et Tristan Thompson à élever leur niveau de jeu. »A aucun moment, le nom du prodige canadien n’est mentionné. Il n’en fallait pas plus pour relancer les spéculations autour d’un transfert de Wiggins. Le premier choix de draft est l’asset le plus intéressant pour rameuter une superstar qui réclame un transfert. Si Kevin Love a réellement l’intention de quitter Minnesota, les dirigeants des Wolves ne peuvent espérer meilleure monnaie d’échange qu’une jeune star en devenir fraîchement draftée en première position en juin dernier. Il est facile de voir l’omission dans la lettre de LeBron James comme un signe. Mais ce n’est pas un argument valable. En revanche, on peut penser que le « King » n’est pas simplement revenu à Cleveland pour encadrer les jeunes joueurs prometteurs que sont Irving, Waiters et Thompson. James aura 30 ans en décembre prochain et même si les joueurs de sa classe ont tendance à être au sommet de leur forme même après la trentaine bien tassée, il ne paraît difficilement envisageable que la star « gaspille » les deux ou trois prochaines saisons en développant les Cavs. Surtout qu’il pratique actuellement le meilleur basket de sa carrière et qu’il affiche un niveau de jeu que seuls cinq ou six basketteurs NBA ont déjà atteint avant lui. James veut gagner mais les Cavaliers ne sont pas prêts. D’où les rumeurs insistantes d’une arrivée de Love, seul All-Star disponible actuellement sur le marché des transferts.
Les arguments en faveur de Kevin Love
L’intérieur est une machine à statistiques parfois décriées par les fans. Certains ont tendance à penser que Love ne sait que faire des statistiques. Et même si ces derniers ont tort (oui, ils ont tort), il est difficile de ne pas leur donner raison. Voici les statistiques du natif du Californien saison après saison depuis sa troisième année dans la ligue. 2010-2011 : 73 matches, 20,2 pts à 47% et 41% à trois-points, 15,2 rbds et 2,5 pds. Bilan des Wolves : 17 victoires et 65 défaites. 2011-2012 : 55 matches, 26 pts à 44,8% et 37% à trois-points, 13,3 rbds et 2 pds. Bilan des Wolves : 26 victoires et 40 défaites. 2012-2013 : 18 matches, 18,3 pts à 35,2% et 21% à trois-points, 14 rbds et 2,3 pds. Bilan des Wolves : 31 victoires et 51 défaites. 2012-2014 : 77 matches, 26,1 pts à 45,7% et 37% à trois-points, 12,5 rbds et 4,4 pds. Bilan des Wolves : 40 victoires et 42 défaites. [superquote pos="d"]Une carrière à la Pau Gasol pour Kevin Love ? [/superquote]On constate qu’à l’exception de la saison 2012-2013 – gâchée par des blessures – Kevin Love est en progression année après année… de même que son équipe, ce qui renforce la théorie selon laquelle les Wolves espèrent toujours franchir un cap et convaincre la star de prolonger son bail dans le Minnesota. Mais la densité monstre de la Conférence Ouest pourrait mettre à mal les plans de la franchise. Pour en revenir à Love, le joueur de 25 ans est une machine à scorer dans n’importe quelle position sur le terrain. Donnez-lui la balle au poste bas et il va prendre le dessus sur son adversaire. Laissez-le libre derrière l’arc et il plantera de loin. On imagine déjà les dégâts causés par un pick&pop avec LeBron James en porteur de balle et Kevin Love en poseur d’écran. Si ce système était déjà terriblement efficace avec Chris Bosh à Miami, imaginez seulement ses conséquences avec un intérieur-shooteur comme celui des Wolves. Le big man assure une vingtaine de points minimum chaque soir et c’est une arme permanente en attaque, avec ou sans le ballon. A peine débarqué de la fac, Andrew Wiggins ne peut pas vanter de tels arguments pour l’instant. Love est une star confirmée, l’un des dix meilleurs joueurs de la ligue. Pas une superstar en devenir. Si les Cavaliers veulent gagner maintenant, un échange entre les deux joueurs (plus d’autres assets envoyés à Minnesota) a du sens. Il rééquilibrait l’attaque de David Blatt et offrirait plus de spacing à LeBron James et à Kyrie Irving. Le coach israélo-américain a pris l’habitude d’évoluer au sein d’une ligue où les intérieurs shooteurs sont légions et ils se retrouvent désormais avec Tristan Thompson et Anderson Varejao dans le cinq… Mais Kevin Love n’est pas seulement un shooteur, c’est un attaquant complet. Son arsenal est extrêmement varié et c’est aussi l’un des meilleurs passeurs de la NBA à son poste. Associé à un distributeur et un facilitateur comme LeBron, les autres joueurs des Cavs pourraient s’en donner à cœur joie. On pense notamment à Mike Miller, Kyrie Irving et même à Dion Waiters (si jamais ce dernier venait à rester dans l’Ohio). [superquote pos="d"]David Blatt apprécie les intérieurs shooteurs comme Love[/superquote]Vous remarquerez que nous n’avons pas évoqué la défense jusqu’à présent. C’est dans ce domaine que l’on note la plus grande différence entre Andrew Wiggins et Kevin Love. Le dernier nommé est raillé pour ses aptitudes (ou inaptitudes) défensives. Il est présenté comme une passoire dans la raquette. Il est important de nuancer ces constats un peu hâtifs. La star des Wolves n’est pas nécessairement mauvais de ce côté du parquet. On lui a collé une étiquette de défenseur exécrable un peu comme on avait catalogué Carmelo Anthony comme un boulet pour son équipe. Ce n’est pas tout à fait vrai. Love est en dessous du niveau moyen affiché par les intérieurs en défense. Effectivement, ce n’est pas un protecteur du cercle et ses 0,5 blocks de moyenne en carrière l’attestent. Il mesure 2,08 m ce qui est correct sans être démesuré pour un ailier fort mais il n’a pas de longs bras pour compenser son manque de détente. Il manque aussi de vitesse et de mobilité malgré ses kilos en moins (il a perdu du poids la saison passée). Ces caractéristiques font qu’il ne sera jamais un défenseur d’élite et on peut légitimement craindre qu’une paire d’intérieurs Varejao – Love prenne l’eau face à des adversaires plus grands et mieux armés dans la raquette (Chicago, Indiana, etc). Mais jusqu’à preuve du contraire, Andre Drummond et Joel Embiid ne sont pas encore prêts à dominer la Conférence Est et Anthony Davis plantera ses griffes sur la côte ouest avant de prendre le contrôle de la ligue. Zach Lowe de Grantland a souligné une autre caractéristique de Kevin Love en défense : le joueur a tendance à ne pas contester les tirs de ses adversaires afin de poser l’écran retard très tôt et s’assurer ainsi le rebond… et les statistiques. Ceci peut aussi en partie expliquer ses chiffres faibles aux contres et très élevés aux rebonds. Ce que l’on constate, c’est avant tout un manque d’effort ou une mauvaise répartition des efforts. Comme « Melo », le Californien défend par séquences et il lui arrive d’avoir des sauts d’inattention. Il est rarement le premier à revenir en défense. On peut y voir un manque de motivation ou une perte de motivation (même s’il ne s’agit pas d’une excuse pour autant). Love semble lassé de jouer pour Minnesota, lassé de ne pas gagner et il ne s’en cache pas. Ce n’est pas qu’il ne veut pas porter son équipe vers la victoire mais la Conférence Ouest est tellement relevé qu’il peine à mener les Wolves en playoffs, d’autant plus que la franchise n’a pas été gâtée entre les blessures, les coups de malchance et les choix douteux de ses dirigeants. L’intérieur All-Star est un leader offensif mais ce n’est peut-être pas un vrai « franchise player » au sens LeBron-esque du terme. Placez-le dans le bon environnement avec une équipe qui joue le titre et un vrai patron à ses côtés et Love sera nettement moins critiqué en défense. On a aussi tendance à surévaluer la défense. Comme le dit l’adage, elle fait gagner des titres. L’histoire le démontre. Mais n’oublions pas non plus que les San Antonio Spurs, champions NBA (et de quelle manière !), constituaient la meilleure attaque de la ligue l’an passé. Le Miami Heat intégrait le top 5 des armadas les plus efficaces de ce côté du parquet également. Memphis, Charlotte, Indiana et Chicago formaient les quatre meilleures défenses. Trois de ces quatre équipes ont été éliminées au premier tour des playoffs. En misant sur Kevin Love, les Cavaliers choisissent les solutions à court terme. Son apport est un renfort immédiat et de poids pour la franchise. Sa présence ferait directement basculer Cleveland au statut de cador au sein d’une Conférence Est très ouverte. De ce point de vue, le GM des Cavs doit forcer ce transfert. Il ne doit même pas hésiter. Wiggins, Bennett et un tour de draft contre Love ? Marché conclu.Les arguments en faveur d’Andrew Wiggins
[caption id="attachment_172421" align="alignleft" width="300"] Un sourire déjà célèbre...[/caption] Certains fans militent pour un transfert de Love à Cleveland… en justifiant l’intérêt pour Andrew Wiggins de rejoindre Minnesota, une franchise dont il serait alors le futur visage. En effet, il est rare qu’un premier choix de draft soit dans l’ombre d’un joueur encore plus grand. C’est pourtant le cas à Cleveland. Wiggins est un ailier de formation et le voici désormais contraint de jouer les doublures de LeBron James…tout ceci a-t-il vraiment un sens ? Le Canadien se fait actuellement les dents à la Summer League de Las Vegas et, jusqu’à présent, il a été plutôt bon. Ses qualités athlétiques sont dingues et il a le flow d’une star en puissance. Mais est-il vraiment capable de s’imposer comme un arrière ? Les Cavaliers envisagent de le placer dans le backcourt avec Kyrie Irving. A priori, ce poste nécessite un dribble fort et efficace. Ce n’est pas le point fort de Wiggins à l’heure actuelle mais le jeune joueur a le temps de se développer. On en revient au constat précédent : les Cavaliers veulent-ils une star confirmée immédiatement ou un joueur susceptible de s’imposer comme l’un des sept ou huit meilleurs de la ligue d’ici six ou sept ans ? L’ancien joueur des Jayhawks est encore un produit brut. Ses responsabilités seront effectivement limitées avec Irving et James à ses côtés, alors qu’il aurait bien plus de tickets shoots en partageant la balle avec Nikola Pekovic et Kevin Martin à Minnesota. Mais est-ce vraiment ce qu’il y a de mieux pour son développement ? Peut-il trouver un meilleur mentor que le meilleur joueur du monde ? [superquote pos="d"]Andrew Wiggins est-il vraiment une future superstar ? [/superquote]On aime présenter les jeunes joueurs prometteurs comme les nouvelles superstars, les nouveaux Kobe Bryant, LeBron James, Michael Jordan et compagnie. Mais plusieurs scouts ont répété comme Andrew Wiggins – tout comme Jabari Parker – ne serait pas nécessairement le prochain « alpha dog » de la ligue. On tient sans doute un phénomène, un joueur amené à occuper un rôle important en NBA mais pas nécessairement une superstar. Rien n’indique que Wiggins et Parker seront en mesure de porter une franchise – seuls – au titre. Ils seront sans doute All-Star et peut-être même un peu plus (candidats au MVP ?) mais ils sont peut-être mieux taillés pour un rôle de lieutenant de luxe ou de stars associées à d’autres stars à la conquête d’une bague. N’oublions pas qu’aucun des deux prospects cités ne faisait l’unanimité auprès des scouts, contrairement à Kyrie Irving ou Anthony Davis à leur sortie de l’université. Si Andrew Wiggins est une star mais pas une giga-mega-star, alors autant l’associer à LeBron James. Ou au moins essayer. Les Cavaliers ont le temps. Comme le remarque Bill Simmons, le deal sera encore sans doute dans les cordes en décembre ou janvier prochain. Les Warriors ne sont pas prêts à inclure Klay Thompson dans un deal pour Kevin Love et les Wolves ont encore les cartes en main. Comme nous l’avions indiqué plus haut, Flip Saunders espère toujours convaincre la star de prolonger son bail dans le Minnesota. Dans leur rapport matinal du jour, Adrian Wojnarowski et Marc J. Spears de Yahoo ! Sports ont indiqué que LeBron James souhaitait partager la gonfle avec Kevin Love mais qu’un deal n’était pas imminent. Les Cavaliers ont intérêt à conserver Andrew Wiggins au moins pour le début de la saison. Le gamin a un potentiel monstre et il mérite au moins sa chance de prouver si oui ou non il est capable de jouer avec LeBron James. Le training camp, la présaison et les premiers mois de l’année devraient donner un aperçu de la réponse. Les dirigeants pourront toujours réactiver la piste d’un transfert si jamais la mayonnaise ne prend pas. Ceux qui estiment que Wiggins « gâche » son talent en étant dans l’ombre de LeBron oublient certains aspects du processus développement d’un joueur.[superquote pos="d"]"Être guidé par le meilleur joueur du monde est une excellente opportunité pour Wiggins" David Blatt[/superquote]« Je pense que jouer, être pris sous son aile et apprendre de l’un des meilleurs joueurs du monde est une excellente opportunité pour Andrew. Cela devrait booster sa confiance et sa motivation », estime David Blatt. « C’est une excellente expérience pour moi que de jouer avec le meilleur joueur du monde », ajoute le jeune homme.A-t-on déjà oublié que Kobe Bryant a attendu sa quatrième saison NBA avant de tourner à plus de 20 points par match ? A-t-on déjà oublié que le « Black Mamba » a d’abord remporté trois titres avec Shaquille O’Neal comme première option offensive (même si pour le coup, les deux n’évoluent pas au même poste et Kobe flanquait une quantité de points) ? A-t-on oublié qu’il n’a véritablement pris les rênes des Lakers qu’au terme de sa huitième saison NBA ? Pense-t-on aujourd’hui que Kobe a « gâché » son talent ? D’ici huit ans, Andrew Wiggins aura déjà pris la relève de LeBron et les deux hommes auront peut-être même déjà gagné des titres ensembles si le Canadien atteint le niveau qu’on lui promet. Plutôt que de se retrouver dans une franchise mal gérée qui cumule les défaites et dont l’absence de cadres nuit au développement des jeunes joueurs, Andrew Wiggins va pouvoir s’inscrire dans la culture de la gagne et apprendre de LeBron comme Scottie Pippen a appris de Michael Jordan. [superquote pos="d"]Kobe a attendu huit ans avant de diriger sa propre équipe[/superquote]Comme Pippen, Wiggins est un monstre défensif. Il pourrait former – et ce dès cette saison – une doublette défensive hyper athlétique avec James. Le « King » ne serait même pas obligé d’éteindre le meilleur scoreur adverse à chaque rencontre. Ce rôle pourrait revenir au jeune rookie de temps à autre, de quoi décharger de la pression des épaules de sa star. Il pourrait s’imprégner du jeu de LeBron et devenir son plus fidèle lieutenant. Il peut grandir à ses côtés. En ce qui concerne son rendement offensif, on imagine que Wiggins devrait planter sa quinzaine de points par match en cavalant en transition (avec LeBron, imaginez les alley-oops à gogo), en coupant fort vers le cercle ou en profitant des espaces et des décalages crées par le patron de l’équipe. A terme, s’il progresse, il pourra alors bénéficier un peu plus du ballon et sera chargé de créer du jeu pour lui et pour ses coéquipiers. Mais autant lui enlever cette pression et lui permettre de travailler ses points faibles à son rythme en s’inspirant de l’éthique professionnelle du quadruple MVP de la ligue. Les Cleveland Cavaliers ont plusieurs options. A eux de ne pas se précipiter. Dans les deux cas, ils sont gagnants. Reste à savoir laquelle des deux solutions sera la plus payante. Et là encore, tout est une question de point de vue. A court terme, les Cavs seront en course pour le titre avec Kevin Love. A moyen terme, ils ont la possibilité d’aligner l’un des duos les plus excitants de la décennie si jamais Andrew Wiggins exploite son potentiel. Cela fait beaucoup de si et beaucoup de points à analyser. Mais la franchise a encore le temps. Elle a passé les six derniers mois à se précipiter et a tout de même été récompensée par les arrivées de LeBron James et du premier choix de draft. Autant ne pas tout gâcher. Pas tout de suite.