Après 20 ans sur les parquets, Ali Traoré a pris un peu de recul pour s’installer derrière le micro. L’ancien champion et MVP de Pro A commente aujourd’hui les matches de basket européen, dont l’Euroleague et son Final Four, qui débutera le 19 mai.
Alors que Monaco — premier club issu du Championnat de France qualifié à ce stade de la compétition — disputera sa demi-finale contre l’Olympiakos à 17h ce vendredi, nous avons pu discuter avec Ali Traoré pour nous pencher sur cet évènement et parler de sa transition vers les commentaires.
BasketSession : Que cela représente-t-il pour le basket français d’avoir un club qui est issu du Championnat de France au Final Four de l’EuroLeague pour la première fois depuis 1997 ?
Ali Traoré : On ne réalise pas encore la folie que c’est. Au Final Four, c’est souvent les mêmes équipes qui sont conviées, les grandes places fortes du basket : le Barça, le Real, l’Olympiakos, le CSKA… Avoir un club qui représente le basket français, c’est atteindre des sommets qui n’ont pas été atteints, comme tu l’as dit, depuis 26 ans. Donc c’est vraiment une dinguerie, comme disent les jeunes.
Tu as passé plusieurs saisons dans l’élite européenne toi aussi (à l’Asvel, Rome, Berlin, Nanterre et Limoges). Tu n’as jamais atteint ce stade de la compétition, mais tu la connais bien. Alors, serais-tu capable de te projet et d'expliquer ce que cela représente pour un joueur ?
Ali Traoré : C’est simple, l’EuroLeague, après la NBA, est la meilleure compétition mondiale — et encore, je suis sûr que certaines équipes d’EuroLeague peuvent taper certaines équipes NBA pourries avec des règles FIBA. En fait, c’est le Graal pour un joueur.
Ce qui me marque le plus, c’est la réaction de Saša Obradović qui, après le match, a dit à ses joueurs : « En tant que joueur, je n’ai jamais atteint le Final Four. En tant que coach, j’ai attendu 18 ans pour avoir le privilège d’y participer. » Je pense que ça résume bien à quel point c’est exceptionnel dans une carrière de joueur. Effectivement, moi, j’aurais rêvé de jouer un Final Four.
Jusqu’ici, les playoffs étaient déjà très intenses, on a vu de grandes ambiances à Tel-Aviv, à Belgrade, dans toutes les salles des équipes qualifiées. À quel genre d’intensité faut-il s’attendre pour ce dernier carré ?
Ali Traoré : Là, ça n’a plus rien à voir ! Les playoffs, c’était déjà un cran, voire deux, voire trois au-dessus de la saison régulière. Mais le Final Four, en sachant que c’est un match sec, donc tu n’as pas le droit de te rater, l’intensité est maximale. Je pense qu’on a quand même eu un bon exemple de ce à quoi peut ressembler un match de Final Four pendant ce match 5 des playoffs entre Monaco et le Maccabi. Regardez ce match-là, et vous serez déjà dans l’ambiance.
« Moi, j’aurais rêvé de jouer un Final Four. »
Saurais-tu identifier les points clés de cette demi-finale entre Monaco et l’Olympiakos ?
Ali Traoré : Tu me prends carrément au dépourvu, j’étais en train de bosser sur Barça — Real (l’interview a été réalisée une semaine avant le match, ndlr), je ne suis pas prêt ! (rires) L’adresse à trois points va être importante pour Monaco, parce qu’on sait que c’est une équipe qui ne shoote pas bien à trois points. L’Olympiakos ne va pas se prendre la tête et va fermer la raquette, surtout qu’il a une raquette très solide avec Moustapha Fall — Cocorico. Notre pivot français va verrouiller la raquette.
Monaco compense son manque d’adresse à trois points aux rebonds, donc il faudra être ultra agressif au rebond offensif. Et ce ne sera pas facile face à cette raquette. Il va aussi falloir gérer Sasha Vezenkov (nommé le MVP de l’Euroligue, ndlr) et Kostas Sloukas, qui est l’un des joueurs les plus clutch de l’histoire de l’EuroLeague.
Penses-tu que Monaco a ce qu’il faut pour aller au bout, en battant Le Pirée, puis l’un des deux clubs espagnols qui ira en finale ?
Ali Traoré : Quand tu arrives au Final Four, tu dois te dire que tu fais partie des quatre meilleures équipes. D’ailleurs c’est simple, les quatre équipes les mieux classées de la saison régulière sont au Final Four. Alors maintenant, le niveau, c’est du 50/50, ou du 60/40 si vous voulez, mais là on est dans une toute nouvelle compétition.
Si c’était une série, ça aurait été plus compliqué. Mais sur un match sec, tout peut arriver. À partir de là, Monaco a totalement les armes pour aller chercher le titre. Il y a deux matches à gagner et tout peut arriver. La saison dernière, c’est un trouble-fête qui a gagné l’EuroLeague, l’Anadolu Efes, qui sortait d’une saison régulière chaotique et qui avait fait des playoffs un peu chanceux. Ce n’était pas du tout les favoris, et pourtant ils ont gagné l’EuroLeague. Monaco peut jouer les trouble-fête jusqu’au bout. Et il y a 0 pression face à l’Olympiakos. La saison est totalement réussie. Là, c’est un bonus.
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À tes yeux, même si Monaco sort à ce stade, leur saison est un grand succès ?
Ali Traoré : 26 ans, quand même ! C’est comme un titre gagné d’arriver au Final Four, clairement. En général, je n’aime pas dire ça, parce que ce n’est pas vraiment un titre. Mais pour le basket français, c’est comme si Monaco avait gagné un titre. C’est un « achievement » majeur. Donc Final Four, ils y vont en détente. Ils y vont pour faire un coup. S’ils y arrivent, tant mieux. S’ils n’y arrivent pas, la saison est totalement réussie quand même.
Je ne te prends pas au dépourvu si je te demande ton pronostic sur l’autre série, entre le FC Barcelone et le Real Madrid ? C’est quand même un beau clasico en demi-finales.
Ali Traoré : Je suis en plein dedans, je n’ai pas fini. Il reste du temps avant le match, quand même ! (rires) J’ai fait mon bracket, et dans mon bracket je vois le Real battre le Barça. Le Barça, c’est une machine bien huilée. Ils ont eu la série la plus facile contre le Zalgiris Kaunas (3-0). Ils sont tranquilles.
Le Real a galéré avec le Partizan. Il est revenu de l’enfer, mais il est chaud comme la braise. Ce qui manque au Barça, à mon sens, c’est ce côté clutch que le Real a, malgré des joueurs que l’on déteste : les Sergio Llull, les Rudy Fernandez ou Sergio Rodriguez. On l’a vu sur le match 5 face au Partizan, ce sont les vieux roublards espagnols qui sont allés gagner le match pour eux.
Puisque tu as fait ton bracket, qui vois-tu repartir avec la victoire finale ?
Ali Traoré : L’Olympiakos. Pour moi, c’est l’équipe la plus solide. Ils ont tout : le vécu, ça fait cinq ans qu’ils sont ensemble, des scoreurs, des défenseurs, ils ont du rebond… Ils ont de grosses stats individuelles et en même temps de grosses stats collectives. Pour moi, c’est clairement l’équipe qui doit et qui va remporter cette EuroLeague.
« Quand tu arrives au Final Four, tu dois te dire que tu fais partie des quatre meilleures équipes. »
J’ai l’impression que le côté clutch, sur un match à élimination directe, est un facteur qui compte beaucoup pour toi.
Ali Traoré : Ça compte énormément. Tu peux faire autant de plans de jeu que tu veux, sur un match sec, ce n’est pas ça qui va te faire gagner. Ce sont les joueurs sur le terrain. C’est eux qui vont décider, ce ne sera pas le coaching. Ce que je reproche un peu à Šarūnas Jasikevičius, qui est un grand coach, c’est de ne pas laisser assez d’initiatives individuelles à ses joueurs — ça, c’est son égo de joueur. Le Real, par contre, a les individualités qui vont faire le taf, qui vont prendre le match à leur compte. À ce niveau-là, l’Olympiakos a ce qu’il faut et le Real a ce qu’il faut.
Tu as officialisé ta retraite sportive il y a environ un an. Tu commentais déjà Monaco avant ça, maintenant tu es sur Skweek. Peux-tu nous raconter cette transition du terrain au micro ?
Ali Traoré : C’est dingue, parce qu’on m’a toujours dit que j’étais un bon client, que j’avais des capacités pour ça. Mais je n’avais jamais vraiment eu d’offre concrète. Mon contrat aux Sharks s’est terminé et, en attendant, Geneviève Berti, la directrice de la communication de Monaco, m’a dit : « J’ai toujours pensé à toi pour ça, viens commenter quelques matches chez nous, en attendant que tu retrouves un club ». Je me suis dit : « Pourquoi pas ? Je vais le faire et voir si ça me plait. Et si les gens trouvent que c’est pertinent. »
Je ne pouvais pas rêver meilleur mentor que David Cozette, parce qu’on parle d’un mec qui fait ça depuis à peu près 100 ans — il n’aime pas que je dise ça. Du coup, ça s’est fait comme ça. La transition s’est faite… sans transition j’ai envie de dire ! (rires) À partir de là, j’ai eu la chance de commenter Monaco pendant toute la saison, puis pendant ses cinq matches de playoffs. Après, Skweek a été créée et, de fil en aiguille, j’ai commencé mon aventure avec eux. Franchement, je m’éclate et je ne pouvais pas rêver meilleure transition après ma carrière.
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Après 20 ans sur les parquets, ça ne te fait pas bizarre d’être sur le bord du terrain ?
Ali Traoré : Ça fait très bizarre, parce que j’ai fait ça pratiquement toute ma vie. Ce qui est bien avec ce métier, c’est que j’ai toujours un pied sur le terrain, mais plus trop. Quand même, au bout de 20 ans, tu es un petit peu fatigué. Donc c’est une façon pour moi de vivre à travers les joueurs.
Mais j’avoue que ce n’est pas facile non plus, parce que, par exemple, pendant le match 5 contre le Maccabi, je me suis dit que j’aurais quand même aimé être sur le terrain. (rires) Des fois, je tremble, je gigote dans tous les sens et je me dis : « Allez, fais ça ! Si ça avait été moi, j’aurais fait ça ! » C’est une sensation un peu bizarre, mais somme toute plutôt agréable.
Tu parlais de ton aventure à Skweek et de ton tandem avec David Cozette. Tout se passe bien là-bas ?
Ali Traoré : Clairement, ça se passe super bien. On est dans des conditions incroyables pour travailler. On met vraiment le paquet, que ce soit sur les reportages, les interviews, les sujets qu’on fait, et on est vraiment sur du premium pour le fan de basket. Les conditions de travail sont géniales. Je me dis que j’ai vraiment du bol.
Tu seras aux commentaires de ce Final Four sur Skweek. Peux-tu nous dire à quoi nous attendre ?
Ali Traoré : Ça va être 7h non-stop. Même 24h, parce qu’on fait l’Adidas Next Generation Tournament avant, mais 7h d’antenne autour des demi-finales. Il y aura encore des reportages, des insides, des interviews et ce sera non-stop. C’est vraiment un dispositif spécial, et ce sera le même pour la finale. On va vous régaler.
Photo : Stéphane Danna/Skweek
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